- Polémique autour des avocats commis d'office pour Ben Ali Lors de la révolution française en 1789, Louis XVI comparaissant devant la convention fut accusé entre autres d'avoir fait tirer sur le peuple, le 14 juillet au champ de mars. Sa défense fut confiée à trois avocats dont Malesherbes. Ce dernier commença sa plaidoirie, par ces mots : « je défends aujourd'hui, Louis l'homme ». C'est dire la mission difficile du défenseur de la veuve et de l'orphelin, amené parfois à défendre un diable incarné en être humain. Le devoir de l'avocat est certes de défendre toute personne qui recourt à ses services, tout autant que le médecin qui ne doit pas refuser de soigner un bandit ou un assassin. Dans l'affaire Fourniret, l'accusé, qui a été comparé à une « araignée gluante », tellement les crimes qu'ils a commis étaient crapuleux, a reconnu les meurtres dont il a été l'auteur principal et a refusé d'être défendu, allant jusqu'à réclamer lui-même la peine de mort. Ce qui n'affecta en rien la motivation de ses deux avocats commis d'office, à accomplir la tâche qui leur a été confiée, en leur âme et conscience. Dans l'affaire du président déchu et son épouse, l'ordre des avocats a désigné, à la demande du tribunal, deux avocats, commis d'office, pour la défense des accusés en question. Le premier s'est désisté et le deuxième a décidé d'aller jusqu'au bout de la mission qui lui a été confiée par ses pairs. Entre le désistement de l'un et la détermination de l'autre, les avis sont partagés. Le désistement du premier a été motivé par le fait de sa position au sein du conseil en l'ordre qui l'astreint en quelque sorte à l'obligation de réserve. Quant à la détermination du second avocat, elle lui a coûté la qualification d'avocat du diable. Il persiste et signe non pas par compassion envers un accusé au comportement odieux et aux actes vils, mais par devoir de préservation d'un droit sacré : le droit de la défense. Cela ne fait que consolider l'indépendance de la justice, avec un procès équitable où il n'y a ni acharnement ni vengeance. Le critère qui est pris en considération : l'application saine et objective de la loi. C'est ce qu'a affirmé le bâtonnier Abderrazak Kilani, lors d'un entretien qu'il a bien voulu nous accorder à la salle des pas perdus, le jour de l'audience au procès du président déchu. «Le devoir de la défense est sacré, mais il est malaisé, eu égard à la position de l'avocat vis-à-vis du tribunal d'une part et de l'opinion publique d'autre part. Ma position est encore plus délicate, étant donné mes responsabilités en tant que bâtonnier, mais je veille à l'assumer, sans aucune hésitation ni aucune crainte. J'ai tenu à assister à l'audience afin de soutenir mes confrères commis d'office, et de veiller au bon déroulement de la défense. Car désormais, il faut une rupture totale avec l'ancien régime où l'avocat commis d'office, n'était qu'une pure formalité, sans aucun suivi. » De son côté maître Saïda Akrémi membre de l'ordre confirme les propos du bâtonnier, en insistant sur le fait que le droit de la défense ne peut être assuré sans un procès équitable, où toutes les parties au procès, accusé et partie civile, doivent être traités sur un même pied d'égalité, c'est-à-dire sans aucun parti pris ni acharnement. Le seul élément sur lequel on doit se baser pour trancher , c'est la loi. Cela ne fait que consolider le principe de l'indépendance de la justice, le juge ne devant subir l'influence d'aucune personne. Il tranche conformément à la loi et selon son intime conviction. » C'est dans ce sens que l'avocat du président déchu, Abdessatar Messaoudi a axé sa plaidoirie. « Je suis peut-être l'avocat du diable, dit-il, mais mon souci est d'assurer comme il se doit, la mission qui m'a été confiée, et ce n'est pas une chose aisée. C'est par le droit de défense qu'on peut distinguer un procès équitable, d'un procès pour la forme. Ce dernier était monnaie courante sous le régime du président déchu. Après la Révolution, cela ne doit plus avoir lieu, afin d'assurer une vraie rupture avec le passé. »