La politique domine. Elle prime. C'est l'enjeu premier en cette période de transition. Le jeu des partis, dans la pure tradition démocratique en est la pierre angulaire, quoique la confusion des idées, des concepts et des orientations intrigue les Tunisiens si ce n'est qu'elle brouille aussi la visibilité sans laquelle ils n'auront pas l'impression d'être convaincus au moment de se rendre aux urnes. Fait tout à fait prévisible, les sondages créditent Ennahdha des meilleurs pourcentages. Et il n'y a pas vraiment de quoi s'en étonner puisque ce parti est rigoureusement structuré (comme le sont d'ailleurs tous les mouvements religieux), et ces structures, cet impressionnant réseautage, Ennahdha les « doit » à la clandestinité et la forte répression jusqu'au 14 janvier, ce qui lui permet aussi de jouer sur la victimisation. Cela dit, cette très forte organisation, cette homogénéité qui se vend bien d'ailleurs, ne sauraient cacher les dissensions au sein du Parti. Il ne faut d'ailleurs pas oublier que durant de longues années Ghannouchi était parfaitement bien logé et nourri à Londres alors que ses compagnons d'armes et les adeptes du mouvement, par centaines, croupissaient dans les geôles. Non qu'il soit, délégitimé. Mais il est évident que son retour au pays, et son intronisation par le Mouvement répondent à impératif marketing : Ennahdha a besoin de son icône, de sa figure emblématique. Sauf qu'à discuter avec les uns et les autres, parmi les autres leaders, on décèle rapidement des notes pas vraiment harmonieuses dans une partition, parfois, cacophonique. Ghannouchi, par exemple, est pour un système à la turque : c'est-à-dire une laïcité qui porterait les Islamistes au gouvernement (et sans le dire) sous l'œil vigilant de l'armée. Mourou – juriste serait pour un régime à la française chichotant qu'Ennahdha serait plus efficace dans l'opposition, ce qui laisse par ailleurs entendre que nous devrions nous attendre au jeu (destabilisateur) de la cohabitation. Quant à Ali Laaridh , - homme de l'ombre mais homme efficace - il tient mordicus à ce que l'article 1 de la Constitution précise que la Tunisie est une nation musulmane, revendication partagée aussi par Hamadi Jebali. Quelque part c'est rassurant : de l'intérieur, le parti fonctionne de manière démocratique. Mais quelque part aussi, jusque-là, Ennahdha se proclame beaucoup plus comme mouvement que comme parti. Tout le jeu est là. Car cela accentue la suspicion d'un discours double. Raouf KHALSI daassi [email protected]