Récemment à Marseille, s'est tenue une conférence euro-méditerranéenne sur le thème « Redécouvrir les mémoires de l'eau en Méditerranée ». La conférence avait pour objectif principal de présenter les résultats des différentes actions menées par les partenaires du projet « REMEE, Redécouvrons Ensemble les Mémoires de l'Eau en Méditerranée » co-financé par l'Union Européenne dans le cadre du programme Euromed Heritage IV. Depuis 2009, sept partenaires en Algérie, France, Grèce, Maroc, Turquie et Tunisie (AERE-Hammamet) ont œuvré à travers le projet « REMEE » pour la sauvegarde du patrimoine de l'eau. Ils ont mobilisé des jeunes, des acteurs de la société civile, des autorités locales et permis la réalisation de chantiers de restauration, de deux écomusées, de trois parcours de découverte, d'activités pédagogiques, de diagnostics, d'inventaires, de vidéos…Les explications du Dr Salem Sahli secrétaire général de l'Association d'éducation relative à l'environnement A travers notre communication intitulée « la tradition agrumicole de Hammamet valorisée dans l'écomusée de l'orangeraie », nous avons voulu montrer ou démontrer que l'image le plus souvent véhiculée sur la ville de Hammamet en tant que station balnéaire méditerranéenne, où le tourisme de masse fonctionne tel un rouleau compresseur tant par le flux et le nombre de touristes que par les impacts socioculturels et environnementaux engendrés, n'est pas tout à fait vraie. Hammamet n'est pas seulement une longue corniche de sable ponctuée de pizzerias et de bazars où l'on vend d'affreux petits chameaux en peau de lapin. Mais Hammamet est aussi une ville, des habitants, des métiers, des jardins, une culture, une identité, des savoir-faire et des traditions ancestrales.Et le patrimoine agrumicole à Hammamet est une des composantes essentielles de l'identité locale. En effet, depuis des siècles, des conditions naturelles favorables trouvèrent une communauté paysanne active, entreprenante et rompue de vielle date aux techniques de l'arboriculture irriguée (citronnier, oranger). Ce qui permit à un terroir de se constituer et de se développer dans le temps avec comme élément de base, le verger. Les Ottomans et les Andalous établis à Hammamet au XVIème siècle contribuèrent aussi à la constitution de ce patrimoine en apportant leur savoir-faire agricole. Le savoir traditionnel du paysan s'appuie sur la maîtrise des techniques de l'irrigation (construction de puits de surface, utilisation du dalou avec traction animale, aménagement de séguias délimitées par des qsimas), et par l'art hammamétois, quasi exclusif au Cap Bon, de la pépinière. De même, le fellah hammamétois possède un savoir-faire séculaire de valorisation des produits du verger. Un héritage menacé Cet héritage est aujourd'hui fortement menacé par le développement intensif du tourisme, l'urbanisation galopante, la spéculation foncière, le morcellement des terres, les conflits autour de l'eau, le manque de sensibilisation des citoyens et la faiblesse voire l'absence de l'action publique. Résultats : Les canaux et outils d'irrigation traditionnels sont abandonnés ou détruits, les vergers en friche sont légion et nous assistons à une érosion du savoir-faire des paysans hammamétois en matière de gestion des vergers et de conduite de l'irrigation. Toutefois, les vergers agrumicoles encore en exploitation sont bien présents sur le territoire de Hammamet. Ils sont encore perçus par les habitants et les autorités locales et nationales comme une des composantes essentielles de l'identité hammamétoise qu'il convient de sauvegarder et de valoriser. C'est dans ce contexte qu'est né le projet de création de l'écomusée de l'orangeraie. Il ne s'agit nullement de « muséographier » un patrimoine en le figeant dans un espace d'exposition, mais au contraire le faire revivre en l'arrachant de la « pénombre de l'insignifiance » qui risque de le jeter définitivement dans l'oubli. Faire vivre le patrimoine agrumicole de Hammamet, vivre de ce patrimoine et lui redonner ses lettres de noblesse, tel est en définitive le défi que nous nous proposons de relever. L'écomusée de l'orangeraie au service du développement local L'écomusée de l'orangeraie composé d'un verger témoin, d'un arboretum agrumicole et d'une exposition permanente sera inauguré au mois de septembre 2011. Il a été aménagé au sein d'un lieu magique, le parc du Centre Culturel International d'Hammamet (CCIH) dont il respecte scrupuleusement l'esprit. La conception et l'aménagement de l'écomusée de l'orangeraie sont éminemment participatifs. C'est un projet collectif qui a mobilisé plusieurs acteurs institutionnels, privés et de la société civile. Nous avons également tenu à y impliquer les jeunes qui ont pris part aux ateliers d'études et aux chantiers, mais aussi des compétences locales de différentes disciplines : ingénieurs, sociologues, historiens, agronomes, architectes, spécialistes en communication…. Gouvernance locale oblige, nous veillons à ce que cette dynamique partenariale et cette approche participative demeurent vivaces afin de maintenir une forte implication des citoyens et des acteurs locaux.Voici donc un projet qui, par ses impacts sociaux, culturels, économiques et environnementaux s'inscrit parfaitement dans une démarche de développement local durable. En effet, grâce à une facilité d'accès à l'éducation et à la connaissance de leur patrimoine, ce projet ne manquera pas de réconcilier les habitants avec leur identité et de favoriser la réappropriation de leur héritage matériel et immatériel. Il contribue également à l'amélioration du revenu familial grâce à la relance des activités de production et de transformation agricole ainsi que des métiers artisanaux. Mais l'impact le plus important est sans conteste la promotion d'un autre produit touristique local complémentaire du tourisme balnéaire. Tourisme culturel, agricole, rural, écotourisme…Les appellations pullulent, mais toutes renvoient à un concept de tourisme alternatif (porté vers d'autres solutions possibles) qui s'oppose au concept de tourisme industriel, un concept qui renoue avec le sens des limites. Un tourisme « doux » plus proche de l'environnement, un tourisme à visage humain, plus curieux et respectueux des traditions locales et qui tienne compte des populations, de leurs modes de vie et des répercussions des projets sur leur territoire. Kamel Bouaouina