Vous êtes vingt et cent, vous êtes des milliers, vous êtes la conscience du monde, vous, les révoltés, les insoumis, les insurgés contre l'injustice et l'arbitraire, vous vous êtes rassemblés dans les ports d'Europe en partance pour Gaza, l'isolée, la meurtrie, l'abandonnée. Vos bateaux aux noms évocateurs « Louise Michel », en souvenir de l'anarchiste fusillée, « Juliano », en hommage à Khamis Meier, homme de théâtre, assassiné par les extrémistes, « Dignité al karama »,bateau français non répertorié, le seul qui ait pu quitter le quai, ont rencontré mille obstacles, dans le port de Pirée, pour vous empêcher de prendre la mer et de rejoindre les côtes de Gaza : des ennuis techniques, interdiction d'appareiller, un capitaine américain arrêté et déféré au parquet, patrouilles empêchant les bateaux ravitailleurs. Tout a été fait pour barrer la route aux dix embarcations. Mais, vous vous êtes élevés contre le gouvernement complice, contre la police, contre les empêcheurs. Un départ, un lever d'ancre symbolique fut célébré, les voiles levées, les drapeaux, palestinien, français, celui de la paix hissés pour braver l'interdiction honteuse. La fête fut célébrée, chants, danses, slogans pacifistes et politiques pour revendiquer haut et fort les droits des Palestiniens, au milieu des hourras, d'un enthousiasme sans bornes. Un moment intense, fort. L'émotion et l'espoir au pouvoir contre l'aveuglement et la barbarie. Vous étiez tous là, la société civile en première ligne, les citoyens mobilisés contre la guerre, là où elle sévit, un peu partout dans le monde. Vous dénoncez ce silence pesant qui perdure, celui des puissants, des dirigeants du monde sourds à la tragédie d'un peuple spolié de sa terre, condamné à l'errance ou enfermé dans une bande étroite, stérile, étouffé par un embargo intenable, bombardé à maintes reprises, un peuple prisonnier, à la merci de ses geôliers, vivant la désespérance et rêvant d'un jour « comme un oiseau sur la plus haute branche ». Les vagues ont emporté vos clameurs jusqu'au rivage de Gaza, la martyre, vos protestations, vos chants et votre colère sont parvenus à l'autre rive pour un moment de communion unique. Gaza a compris qu'elle n'est pas, réellement isolée, que l'éveil des consciences a commencé et que la délivrance est proche. Votre déclaration, vous chef de la mission, résonne comme un glas « Notre objectif n'est pas uniquement humanitaire, mais essentiellement politique : casser le mur du silence complice et généralisé qui entoure Gaza. Nous avons réussi à faire peur à Natanyahu et nous avons honte de l'attitude des dirigeants américains et européens si prompts à claironner l'application des droits de l'homme. » Vous avez trouvé les mots courageux qu'aucun homme politique n'a su dire et assumer. Vous avez parlé juste et vrai. Vos mots tonnent plus fort que les armes. De vos mots, l'espoir renaîtra. Gaza, la patiente, attendra car elle sait attendre. D'autres flottilles traverseront la Méditerranée et les messagers de la paix viendront fêter l'avènement de la lumière. Vous serez des milliers, vous serez des millions à jeter l'ancre, un jour, à Gaza, la libérée, vous les rebelles, les hommes libres, le peuple palestinien vous accueillera avec des acclamations et des hourras.