Par Hechmi GHACHEM - Ce petit hôtel de charme en désuétude, avait gardé quelque chose de la magie que je lui ai connue à ses débuts. Je ne saurai dire quoi exactement, ni d'où cela vient-il, mais c'est l'effet romantique et vaporeusement apaisant, qui émanait de tout, et de nulle part, qui lui donnait cette petite aura de magie. Pourquoi ais-je parlé de cet hôtel à ses débuts ? L'avais-je réellement connu, ou m'en a-t-on tout simplement parlé ? Je ne sais trop. J'ai oublié. Pourtant je ne suis pas trop âgé. A peine soixante ou soixante-dix ans. Et avec cela, il m'arrive, de plus en plus fréquemment, d'oublier. Oublier où je suis, oublier d'où je viens, et oublier même, qui je suis. Puisque j'y suis, autant me présenter à vous, avant que j'oublie. Je m'appelle Zack, et je suis retraité d'une entreprise de fabrication de voitures dans un puissant pays de l'Europe occidentale. Lequel ? J'ai encore oublié. Mais, qu'à cela ne tienne : faisons fi des présentations et laissez-moi me diriger vers cette table du snack-bar où une dame seule, sirote une boisson rafraîchissante, en attendant quelqu'un. Sûrement moi, et si ce n'est pas le cas, ce sera quand même moi. Je sui passé maître dans l'art de me glisser, dans les profondeurs secrètes de l'âme des dames qui attendent le prince charmant. Comment l'accoster ? Le plus simplement du monde. J'ai cueilli une fleur d'un quelconque arbuste, et me suis avancé vers elle, en véritable conquistador. Ouvrant largement les bras, je lui murmurai : « Je suis enfin là mon amour ». Phrase à laquelle elle répondit, avec un sourire d'une extrême platitude : « Comme toujours mon amour… ». Sans lui laisser le temps de se raviser, je lui demandais si je pouvais m'asseoir ; question à laquelle elle répondit par ce terme, ô combien précis : « Peux ! ». Nous discutions de tout et de rien quand vint à passer à côté de notre table, quelqu'un qu'il me semblait reconnaître. C'était lui aussi un retraité d'un autre pays d'Europe occidentale. Je l'interpellais. Quand il s'arrêta à notre niveau, je le regardais étrangement et lui demandais ce qu'il voulait. Il prétendit que c'était moi qui l'avais interpellé. Chose que j'avais absolument oubliée. Ou bien peut-être ne l'ais-je jamais interpellé ? Il s'en alla. Ouf, il était grand temps ! Je décidai d'agir cavalièrement, et d'inviter la dame chez moi, vu que ma compagne était absente. -Etrange dit-elle, mon compagnon à moi est aussi absent. Je peux donc vous inviter à la maison. Nous voilà partis. Arrivés devant la maison en question, il m'a semblé la reconnaître. -Sommes-nous venus chez vous ou chez moi dis-je ? -Va savoir dit-elle, en m'invitant à l'intérieur. Pas de doute, c'était bien chez moi que nous sommes venus. J'ai tout reconnu. L'espace, les meubles, les fenêtres, les rideaux…, tout. Absolument tout. Il n'y avait que cette femme qui était étrangère au décor. -Vous êtes très jolie, la complimentais-je. -Vous êtes très charmant, répondit-elle. Très rares sont les hommes qui font des compliments à leur compagne, après plus de trente ans de vie commune. C'en était trop pour moi. Ou peut-être même que ce n'était pas moi. Après tout, je me suis peut-être oublié quelque part ! Je décidai d'aller me chercher. Me revoilà dans ce vieil hôtel de charme. Je me cherchai partout, mais nulle trace de moi nulle part. Un homme qui se présenta comme étant un retraité d'un pays d'Europe occidentale, vint à mon secours : que cherchez-vous me dit-il ? Je répondis : moi ! Je me cherche. Je vous ai vu passer, au bras d'une gentille dame, il y a à peu près une heure. Vous vous êtes peut-être oublié chez elle. Courez vite vous y chercher. Et me voilà dans un taxi. Mais dans quelle maison se trouve cette femme ? Et dans quel quartier se trouve cette maison ? Et qui sui-je tout d'abord pour la rejoindre ? Ce sont là des choses que j'oublie. De plus en plus…