L'huile d'olive tunisienne : les prix s'effondrent malgré la hausse des exportations    Reconnaissance de l'Etat palestinien : une illusion diplomatique qui masque l'urgence des sanctions ?    Liste des collèges et des lycées secondaires privés autorisés en Tunisie pour l'année scolaire 2025-2026    Sous-traitance dans le public : Mohamed Zied Maher interpelle la cheffe du gouvernement    Israël promet « une force sans précédent » à Gaza-ville    Aram Belhadj démonte l'idée d'une Tunisie « plateforme financière régionale »    La Défense nationale recrute : 7 ingénieurs informaticiens recherchés !    Dimanche, campagne de vaccination gratuite pour les chats et les chiens à Ezzahra et Ben Arous    Le CSS l'emporte in extremis : Chèrement acquis    Le CAB enchaîne un deuxième succès contre : l'ASG Trois points précieux !    Programme officiel : découvrez les dates et matchs de Ligue 1 !    Ben Arous : cette nuit, déviation partielle de la circulation au niveau de l'hôpital des grands brûlés    Suspension temporaire des services du Registre National des Entreprises    ASM- ASS (1-0) : Et Ahmed Hadhri surgit !    Croissance annoncée par l'INS : Houcine Rhili exprime de sérieux doutes    De Paris à Varsovie, la diaspora tunisienne peut désormais financer les PME locales    Universités tunisiennes : la longueur des jupes plus urgente que la qualité des cours    Conseil du deuxième district : Ahmed Barouni répond aux critiques de Ben Zineb    Boulangeries : deux mois de compensation réglés, pour un total de cinquante millions de dinars    Indonésie : Séisme de magnitude 6,1 en Papouasie    Coupe du monde 2026 : l'Afrique du Sud menacée d'une lourde sanction !    USMO : fin de l'aventure pour Victor Musa    80 000 policiers mobilisés : Paris sous haute tension    Tunisie : El Fouladh lance un concours pour recruter 60 agents    Affaire de corruption : Taieb Rached et Najib Ismail resteront derrière les barreaux    Kais Saied dénonce les coupures intentionnelles d'eau et d'électricité et critique la gestion administrative    Pluies intenses prévues sur l'ouest de la Méditerranée !    Tunisie : arrestation de 19 criminels dangereux à Zahrouni    Kaïs Saïed dénonce une « guerre acharnée » contre l'Etat tunisien    Habib Touhami: Quand ressurgissent les fantômes du passé!    Onu-Veto américain à un projet de résolution pour un cessez-le-feu à Gaza    Météo : Soleil et mer calme    Grèves en France : des centaines de milliers de manifestants dans la rue    La BH BANK renouvelle ses interventions sociales en partenariat avec l'Union Tunisienne de Solidarité Sociale    Open de Saint-Tropez : Moez Echargui qualifié pour les quarts de finale    Journée internationale de l'ozone : la Tunisie réaffirme son engagement aux côtés de l'ONUDI et de l'ANPE    La Tunisie gagne des places dans le classement de la FIFA    Vol Paris-Corse : plus de 15 minutes dans les airs... ce qui s'est passé va vous surprendre    Le Royaume-Uni prêt à reconnaître la Palestine ce week-end    Sfax célèbre l'humour à l'hôtel ibis avec ibis Comedy Club    La Bibliothèque nationale de Tunisie accueille des fonds de personnalités Tunisiennes marquantes    Le ministre de la Défense s'entretient avec le prince héritier du Koweït    Fadhel Jaziri: L'audace et la norme    "The Voice Of Hind Rajab » film d'ouverture du Festival du film de Doha    Mois du cinéma documentaire en Tunisie : une vitrine sur le cinéma indépendant et alternatif    Fadhel Jaziri - Abdelwahab Meddeb: Disparition de deux amis qui nous ont tant appris    Décès de Robert Redford légende du cinéma américain    1,5 million de dollars pour faire de la culture un moteur de développement en Tunisie    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



L'homme et l'état second
L'entretien du lundi : Taoufik Jebali (homme de théâtre)
Publié dans La Presse de Tunisie le 27 - 12 - 2010

Il a annulé sa marche quotidienne pour nous recevoir dans son bureau d'El Teatro. Nous nous sommes retrouvés parmi ses livres et sa musique. C'est là qu'il garde intacte sa fascination de l'écriture. C'est là aussi qu'il navigue sur le Net pour être au courant de la marche du monde et pour élargir son réseau social sur Face book. Taoufik Jebali, l'auteur, le metteur en scène et l'acteur, a ses bonnes habitudes. Il a surtout cette capacité de donner des réponses claires aux questions sur l'art et la vie. Instinctif, il sent les mutations en cours au bon moment. Mais cela ne veut pas dire qu'il a des certitudes. Il pense, c'est tout. Par la suite, tout est digéré et refondu sur scène, dans ses créations. Et c'est avec de l'humour qu'il met en avant ses idées. Plus il prend ses distances par rapport aux événements et aux choses, plus il se sent en accord avec lui-même. Car Jebali refuse tous les rôles qu'on octroie aux artistes. Il ne se dit ni sauveur ni victime. Il se sent plutôt «poète». Le théâtre est son «calmant».
La parole à un artiste, qui quand même parfois, en a marre.
Combien de fois avez-vous dit que vous allez abandonner le théâtre? En avez-vous marre à ce point?
Je n'en ai pas marre, c'est que je n'ai pas d'ambitions. Tant que je m'immerge totalement dans mon théâtre, entre quatre murs, je suis motivé. Mais dès que la période de création s'achève et que j'ouvre la porte au public, je deviens sceptique.
Qu'est-ce qui vous rend sceptique, justement ?
Avant la rencontre avec le public, que j'appelle «l'environnement», je n'entends rien, je ne vois rien et je ne communique qu'avec mes comédiens… En le rencontrant, tout devient compliqué… Il y a comme une sorte de malentendu…Je n'ai pas les mêmes besoins que lui…Les vides que j'essaie de combler ne sont pas les mêmes vides que le public cherche à combler en venant me voir…
Quels sont vos besoins à vous ?
Un vrai retour après la pièce. C'est important d'avoir quelque chose en retour après une aventure. Ce qui se passe souvent, c'est qu'il y a peu de répondant. Presque pas de retour, ni moral ni matériel, d'ailleurs…
Et quels sont les besoins du public, d'après vous?
Je n'en sais pas trop. Tout ce que je sais, c'est qu'il y a «cafouillis» en tout et partout. Notre société a tendance à «socialiser» l'artiste, à le responsabiliser sur tout, à lui donner un rôle qui n'est pas le sien. Si un jour, on dépasse l'idée que l'artiste n'est pas toujours au service de la société, tout ira pour le mieux. Il n'y aura plus ce «désaccord» qui me dérange.
Mais n'est-ce pas le «désaccord» avec l'environnement qui nourrit l'artiste ?
Absolument. C'est évident, l'artiste n'est pas censé être dans les rangs. De toutes façons, je ne sais pas lequel de nous a raison. L'environnement ou moi ? C'est peut-être moi qui me trompe sur toute la ligne…En tous cas, je suis sûr d'une chose : les besoins d'aujourd'hui sont purement matériels. Notre société est occupée à satisfaire des besoins immédiats. Elle n'est plus dans le spirituel. Sa spiritualité, elle l'a résolue autrement, avec des raccourcis. Elle en a fait pour arriver à son but, être au paradis, par exemple… Ce sont les mêmes raccourcis qu'elle fait, en brûlant le feu rouge pour arriver à destination…
C'est de ça que vous avez marre ?
J'en ai marre de ne pas avoir le temps de prendre du recul, de ne pas pouvoir réfléchir…Je me retrouve en otage par rapport à ce regard de l'environnement. En plus des besoins qu'on me demande de combler, je dois assumer cette confrontation.
Mais vous aussi, vous avez des besoins immédiats à satisfaire. Comment faites-vous ?
Je me demande tout le temps : comment ne pas céder ? Il existe pourtant des recettes faciles qui peuvent m'aider à remplir les caisses, et le «client» est prêt à se faire avoir. D'ailleurs, il se fait avoir partout, dans les supermarchés, les restaurants, chez l'épicier…Pourquoi pas au théâtre ? Avec seulement «un quart» d'honnêteté, on peut gagner de l'argent.
Qu'est-ce qui vous empêche alors de gagner de l'argent?
Ce qui m'en empêche, c'est ce déséquilibre entre mes objectifs «concrets» et mes objectifs «abstraits». J'essaie d'accorder le visible avec l'invisible.
C'est-à-dire ?
Je ne suis pas encore prêt à corrompre le public.
Le serez-vous un jour?
Je ne pense pas. D'ailleurs c'est peut-être ce déséquilibre, ce conflit entre «le concret» et «l'abstrait» qui fait que je continue à faire du théâtre, à jouer au «contradicteur». Car je ne me considère pas comme un faiseur de spectacles ni comme un metteur en scène. Je suis "contradicteur".
Si vous aviez le choix, que feriez-vous ?
Mais je n'ai pas le choix. C'est comme quand on est dans un avion en plein vol, et qu'il y a des turbulences. Que faire sinon prendre un comprimé pour dormir, ou boire un verre …?
Doit-on comprendre que le théâtre est votre médicament contre les turbulences ?
Oui. C'est un antalgique (rires). Cela dit, j'avoue que je n'ai pas conscience du temps. Je me demande souvent quand est-ce que tout ça va s'arrêter? Il y a forcément une fin.
Comment imaginez-vous la fin ?
Justement, comme cela a commencé. A partir de rien, d'un simple jeu.
A quoi vous jouiez ?
A l'infirmière et au docteur, et ça continue (rires). Qu'est-ce que le théâtre si ce n'est pas un jeu ? On fait semblant au théâtre… Je continuerai à faire semblant pour ne pas mourir idiot. Pour me dire à la fin, «tiens, je ne me suis jamais fait avoir».
En êtes-vous sûr ?
Dans ma vie sociale, certes, j'ai dû m'être fait avoir. Mais dans ma vie personnelle ou «subjective», jamais ! Heureusement!
Qui est le singe dans votre tout dernier spectacle Danse avec le singe?
C'est celui qui corrompt les autres. Après les premières représentations, j'ai rajouté un détail à la fin de la pièce : le singe que tout le monde fuyait devient poursuivi, sollicité. On veut lui piquer la banane qu'il est en train de manger…
Au-delà du sida, ses origines contestées, et ses implications morales et physiques sur les êtres humains qui sont le thème général de votre pièce, vous utilisez la métaphore du singe pour parler de ce fameux «cafouillis». En tant qu'auteur, à quel personnage vous vous identifiez le plus ?
A la banane (rires). C'est un moyen de corrompre le spectateur.
Etes-vous en train de réaliser ainsi l'un de vos objectifs ?
J'essaie d'exprimer un problème avec humour et respect pour le public.
Vous n'étiez pourtant pas dans le respect du public après la sortie de votre pièce Manifesto essourour en 2008. Niez- vous le fait que vous avez traité le public d'ignorant ?
Je n'ai pas traité le public d'ignorant. J'ai dit que ce dernier doit avoir sa propre expérience de spectateur averti. Il est censé avoir ses propres clés pour pénétrer dans l'œuvre. S'il ne le fait pas, c'est son affaire.
Vous n'avez peut-être pas su lui communiquer votre point de vue, tout simplement ?
Peut-être. Mais vous savez très bien que dans chaque œuvre, il y a des zones d'ombre et des cases vides. Si le spectateur se ramène avec tout un trousseau de clés, et que ces clés ne correspondent pas à la serrure, je me demande à qui est la faute?
Vous vous êtes quand même laissé entraîner dans une grande polémique. Vous l'avez souvent fait ces derniers temps. Etes-vous devenu «l'ennemi» de tous?
Je ne suis l'ennemi de personne. Je n'ai pas non plus de conflit avec le syndicat de la profession, si c'est ce que vous insinuez. Car, je n'ai pas de syndicat ni dans ma tête ni chez moi. Je n'ai aucun contrat sous aucune forme, ni artistique ni organique !
On vous reproche pourtant de recruter des amateurs pour vos spectacles. Qu'en pensez-vous ?
J'ai déjà exprimé ce que je pensais : cela ne regarde personne. Je n'ai piqué la banane de personne, pourquoi ose-t-on me faire des reproches ?
Qu'est-ce que vous voulez dire par «je n'ai piqué la banane de personne»?
Je veux dire que je ne dois rien à personne. Depuis Les voleurs de Bagdad, je n'ai eu aucune subvention du ministère pour mes spectacles.
Manifesto essourour était pourtant une commande du ministère, non?
D'accord. Mais cela n'empêche que je n'ai plus eu de subventions bien avant «Manifesto…». Je me demande si on est en train de me sanctionner parce que j'essaie de créer une alternative. C'est quand même insensé ! Je suis en train de former des gens, d'assurer une relève ! Mes amateurs ne viennent pas de nulle part, c'est des gens cultivés et d'un niveau d'instruction très élevé même ! Et puis tous ces grands noms du théâtre qu'on forme dans les écoles et à l'ISAD, notamment, qu'on utilise tout le temps en référence, n'étaient-ils pas des amateurs, eux aussi ? D'où vient cette idée que ceux qui aiment le théâtre n'ont pas le droit de jouer dans des spectacles ? Aucune structure dans le monde ne vous empêche de recruter des amateurs. Le fait est que personne ne veut mettre le doigt sur le vrai problème.
Et quel est le vrai problème ?
Le problème, c'est qu'il existe une réelle faillite dans l'organisation théâtrale que personne ne veut reconnaître. Il y a comme une sorte d'autosatisfaction chez la majorité des gens concernés par le théâtre, et ça m'intrigue…Je vous l'avais bien dit, il me faut une énergie monstre pour sortir de la logique du souk « Moncef Bey»!


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.