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L'homme et l'état second
L'entretien du lundi : Taoufik Jebali (homme de théâtre)
Publié dans La Presse de Tunisie le 27 - 12 - 2010

Il a annulé sa marche quotidienne pour nous recevoir dans son bureau d'El Teatro. Nous nous sommes retrouvés parmi ses livres et sa musique. C'est là qu'il garde intacte sa fascination de l'écriture. C'est là aussi qu'il navigue sur le Net pour être au courant de la marche du monde et pour élargir son réseau social sur Face book. Taoufik Jebali, l'auteur, le metteur en scène et l'acteur, a ses bonnes habitudes. Il a surtout cette capacité de donner des réponses claires aux questions sur l'art et la vie. Instinctif, il sent les mutations en cours au bon moment. Mais cela ne veut pas dire qu'il a des certitudes. Il pense, c'est tout. Par la suite, tout est digéré et refondu sur scène, dans ses créations. Et c'est avec de l'humour qu'il met en avant ses idées. Plus il prend ses distances par rapport aux événements et aux choses, plus il se sent en accord avec lui-même. Car Jebali refuse tous les rôles qu'on octroie aux artistes. Il ne se dit ni sauveur ni victime. Il se sent plutôt «poète». Le théâtre est son «calmant».
La parole à un artiste, qui quand même parfois, en a marre.
Combien de fois avez-vous dit que vous allez abandonner le théâtre? En avez-vous marre à ce point?
Je n'en ai pas marre, c'est que je n'ai pas d'ambitions. Tant que je m'immerge totalement dans mon théâtre, entre quatre murs, je suis motivé. Mais dès que la période de création s'achève et que j'ouvre la porte au public, je deviens sceptique.
Qu'est-ce qui vous rend sceptique, justement ?
Avant la rencontre avec le public, que j'appelle «l'environnement», je n'entends rien, je ne vois rien et je ne communique qu'avec mes comédiens… En le rencontrant, tout devient compliqué… Il y a comme une sorte de malentendu…Je n'ai pas les mêmes besoins que lui…Les vides que j'essaie de combler ne sont pas les mêmes vides que le public cherche à combler en venant me voir…
Quels sont vos besoins à vous ?
Un vrai retour après la pièce. C'est important d'avoir quelque chose en retour après une aventure. Ce qui se passe souvent, c'est qu'il y a peu de répondant. Presque pas de retour, ni moral ni matériel, d'ailleurs…
Et quels sont les besoins du public, d'après vous?
Je n'en sais pas trop. Tout ce que je sais, c'est qu'il y a «cafouillis» en tout et partout. Notre société a tendance à «socialiser» l'artiste, à le responsabiliser sur tout, à lui donner un rôle qui n'est pas le sien. Si un jour, on dépasse l'idée que l'artiste n'est pas toujours au service de la société, tout ira pour le mieux. Il n'y aura plus ce «désaccord» qui me dérange.
Mais n'est-ce pas le «désaccord» avec l'environnement qui nourrit l'artiste ?
Absolument. C'est évident, l'artiste n'est pas censé être dans les rangs. De toutes façons, je ne sais pas lequel de nous a raison. L'environnement ou moi ? C'est peut-être moi qui me trompe sur toute la ligne…En tous cas, je suis sûr d'une chose : les besoins d'aujourd'hui sont purement matériels. Notre société est occupée à satisfaire des besoins immédiats. Elle n'est plus dans le spirituel. Sa spiritualité, elle l'a résolue autrement, avec des raccourcis. Elle en a fait pour arriver à son but, être au paradis, par exemple… Ce sont les mêmes raccourcis qu'elle fait, en brûlant le feu rouge pour arriver à destination…
C'est de ça que vous avez marre ?
J'en ai marre de ne pas avoir le temps de prendre du recul, de ne pas pouvoir réfléchir…Je me retrouve en otage par rapport à ce regard de l'environnement. En plus des besoins qu'on me demande de combler, je dois assumer cette confrontation.
Mais vous aussi, vous avez des besoins immédiats à satisfaire. Comment faites-vous ?
Je me demande tout le temps : comment ne pas céder ? Il existe pourtant des recettes faciles qui peuvent m'aider à remplir les caisses, et le «client» est prêt à se faire avoir. D'ailleurs, il se fait avoir partout, dans les supermarchés, les restaurants, chez l'épicier…Pourquoi pas au théâtre ? Avec seulement «un quart» d'honnêteté, on peut gagner de l'argent.
Qu'est-ce qui vous empêche alors de gagner de l'argent?
Ce qui m'en empêche, c'est ce déséquilibre entre mes objectifs «concrets» et mes objectifs «abstraits». J'essaie d'accorder le visible avec l'invisible.
C'est-à-dire ?
Je ne suis pas encore prêt à corrompre le public.
Le serez-vous un jour?
Je ne pense pas. D'ailleurs c'est peut-être ce déséquilibre, ce conflit entre «le concret» et «l'abstrait» qui fait que je continue à faire du théâtre, à jouer au «contradicteur». Car je ne me considère pas comme un faiseur de spectacles ni comme un metteur en scène. Je suis "contradicteur".
Si vous aviez le choix, que feriez-vous ?
Mais je n'ai pas le choix. C'est comme quand on est dans un avion en plein vol, et qu'il y a des turbulences. Que faire sinon prendre un comprimé pour dormir, ou boire un verre …?
Doit-on comprendre que le théâtre est votre médicament contre les turbulences ?
Oui. C'est un antalgique (rires). Cela dit, j'avoue que je n'ai pas conscience du temps. Je me demande souvent quand est-ce que tout ça va s'arrêter? Il y a forcément une fin.
Comment imaginez-vous la fin ?
Justement, comme cela a commencé. A partir de rien, d'un simple jeu.
A quoi vous jouiez ?
A l'infirmière et au docteur, et ça continue (rires). Qu'est-ce que le théâtre si ce n'est pas un jeu ? On fait semblant au théâtre… Je continuerai à faire semblant pour ne pas mourir idiot. Pour me dire à la fin, «tiens, je ne me suis jamais fait avoir».
En êtes-vous sûr ?
Dans ma vie sociale, certes, j'ai dû m'être fait avoir. Mais dans ma vie personnelle ou «subjective», jamais ! Heureusement!
Qui est le singe dans votre tout dernier spectacle Danse avec le singe?
C'est celui qui corrompt les autres. Après les premières représentations, j'ai rajouté un détail à la fin de la pièce : le singe que tout le monde fuyait devient poursuivi, sollicité. On veut lui piquer la banane qu'il est en train de manger…
Au-delà du sida, ses origines contestées, et ses implications morales et physiques sur les êtres humains qui sont le thème général de votre pièce, vous utilisez la métaphore du singe pour parler de ce fameux «cafouillis». En tant qu'auteur, à quel personnage vous vous identifiez le plus ?
A la banane (rires). C'est un moyen de corrompre le spectateur.
Etes-vous en train de réaliser ainsi l'un de vos objectifs ?
J'essaie d'exprimer un problème avec humour et respect pour le public.
Vous n'étiez pourtant pas dans le respect du public après la sortie de votre pièce Manifesto essourour en 2008. Niez- vous le fait que vous avez traité le public d'ignorant ?
Je n'ai pas traité le public d'ignorant. J'ai dit que ce dernier doit avoir sa propre expérience de spectateur averti. Il est censé avoir ses propres clés pour pénétrer dans l'œuvre. S'il ne le fait pas, c'est son affaire.
Vous n'avez peut-être pas su lui communiquer votre point de vue, tout simplement ?
Peut-être. Mais vous savez très bien que dans chaque œuvre, il y a des zones d'ombre et des cases vides. Si le spectateur se ramène avec tout un trousseau de clés, et que ces clés ne correspondent pas à la serrure, je me demande à qui est la faute?
Vous vous êtes quand même laissé entraîner dans une grande polémique. Vous l'avez souvent fait ces derniers temps. Etes-vous devenu «l'ennemi» de tous?
Je ne suis l'ennemi de personne. Je n'ai pas non plus de conflit avec le syndicat de la profession, si c'est ce que vous insinuez. Car, je n'ai pas de syndicat ni dans ma tête ni chez moi. Je n'ai aucun contrat sous aucune forme, ni artistique ni organique !
On vous reproche pourtant de recruter des amateurs pour vos spectacles. Qu'en pensez-vous ?
J'ai déjà exprimé ce que je pensais : cela ne regarde personne. Je n'ai piqué la banane de personne, pourquoi ose-t-on me faire des reproches ?
Qu'est-ce que vous voulez dire par «je n'ai piqué la banane de personne»?
Je veux dire que je ne dois rien à personne. Depuis Les voleurs de Bagdad, je n'ai eu aucune subvention du ministère pour mes spectacles.
Manifesto essourour était pourtant une commande du ministère, non?
D'accord. Mais cela n'empêche que je n'ai plus eu de subventions bien avant «Manifesto…». Je me demande si on est en train de me sanctionner parce que j'essaie de créer une alternative. C'est quand même insensé ! Je suis en train de former des gens, d'assurer une relève ! Mes amateurs ne viennent pas de nulle part, c'est des gens cultivés et d'un niveau d'instruction très élevé même ! Et puis tous ces grands noms du théâtre qu'on forme dans les écoles et à l'ISAD, notamment, qu'on utilise tout le temps en référence, n'étaient-ils pas des amateurs, eux aussi ? D'où vient cette idée que ceux qui aiment le théâtre n'ont pas le droit de jouer dans des spectacles ? Aucune structure dans le monde ne vous empêche de recruter des amateurs. Le fait est que personne ne veut mettre le doigt sur le vrai problème.
Et quel est le vrai problème ?
Le problème, c'est qu'il existe une réelle faillite dans l'organisation théâtrale que personne ne veut reconnaître. Il y a comme une sorte d'autosatisfaction chez la majorité des gens concernés par le théâtre, et ça m'intrigue…Je vous l'avais bien dit, il me faut une énergie monstre pour sortir de la logique du souk « Moncef Bey»!


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