Le 23ème numéro d'Archibat se présente comme le premier numéro de la « Révolution », le premier numéro de l'âge mûr, un numéro qui voudrait, après quelques mois d'incertitude, recentrer et remodeler sa ligne éditoriale par rapport à un appel d'air et de liberté qui la traversera et l'assumera pleinement et franchement. L'idée de liberté semble devenir le concept opératoire central de la revue. Les dossiers examinés attestent d'une nouvelle approche fondatrice. L'éditorial donne le ton déjà en annonçant un discours de rupture par rapport à plusieurs « « ismes » idéologiques dans certaines démarches qui ont prévalu en architecture contemporaine dans notre pays. L'option universaliste est affirmée. La spécificité n'est plus une revendication de l'heure. Le deuxième dossier qui fait suite au premier se propose de présenter les démarches des jeunes architectes pratiquant les projets dans le pays. Ces démarches sont toutes à référence moderniste à connotation également universaliste. Le dossier concernant le patrimoine ne tourne pas autour du patrimoine arabo-musulman habituel mais autour du patrimoine architectural colonial de la villa du Zodiac appelée aussi Dar Mussolini située entre l'autoroute et le GP1 au niveau du village de Bouargoub. La maison est, aujourd'hui, délaissée, ses portes et fenêtres défoncées…. L'approche « libertaire » ou l'approche lancinante autour d'une liberté éditoriale et générale récemment conquise confirme pour l'essentiel la volonté de refondation théorique autour d'un éditorial signé par l'architecte Dorra Ismaïl. Cet éditorial commence, d'abord par dire non, un non massif aux choix programmatiques ayant prévalu jusqu'à nos jours dans le domaine de l'architecture. C'est ainsi que les références à l'orientalisme architectural ou néocolonialistes, gauchistes, oligarchiques, sont rejetées, pêle-mêle avec tous les centrismes européens ou islamistes, etc… Tous est remis en question et surtout les valeurs du spécifique et du particulier. Ce qui semble être nié par « l'édito » est tout ce qui a pu jouer un rôle d'affirmation de soi même lorsque cette quête de soi était nécessaire. Le patrimoine, quel qu'il soit, ne peut pas continuer à jouer le rôle central. L'architecture moderne n'a cure de tous les héritages lourds à assumer. Ce discours prend le contre-pied de tous nos discours des années 70-80 et 90. Est-ce une réaction à nos positions culturelles et politiques développées à l'époque ? Ce qui est mis en valeur alors par D. Ismaïl, c'est le rejet de toutes les réductions de ces expériences architecturales et théoriques de la spécificité. Dorra Ismaïl arrive même à poser ses problèmes d'architecture contemporaine en termes philosophiques en refusant les spécificités religieuses, philosophiques et affirme l'universalité d'une certaine pensée « transversale » qui traverse l'apport grec du « Parménide », la vision du Coran, du souscrit tout en impliquant la mouvance zoroastrienne, Moïse, Jésus et Mohamed…. Et le tour est joué !!! Tout est beau… tout est universel. Le rejet du spécifique semble être motivé par la peur de voir cette valeur exclusivement exploitée par l'intégrisme entre autres musulman. Le spécifique ne peut pas, en outre, effacer l'universel. Il en est un moment.
Les jeunes architectes tunisiens et la liberté !
Le discours de l'universalité est associé à celui de la liberté de créer que la jeunesse d'une manière générale, a arraché à l'injustice et à la dictature. Le reportage consacré aux jeunes architectes semble décrire des situations et des positions antérieures à la situation d'aujourd'hui. Cela n'enlève rien à la qualité des interviews, surtout par rapport aux questions des références et aux concepts opératoires qui définissent les approches et les pratiques de nos jeunes architectes. Les réalisations de DBH architectes, de Med in concept se réfèrent à l'architecture du Banhaus, de Van Der Rohe pour résoudre des problèmes formels et créer une fluidité des espaces. La valeur de modernisme est la valeur la plus stable de ce groupe. Le groupe Med in Concept propose une synthèse patrimoniale et contemporaine. Les valeurs qui font référence ici sont des valeurs formelles (pureté des volumes, blancheur des parois ou jeu de vide et de plein)… Les références sont celles de Jean Nouvel de Van Der Rohe, de le Corbusier… Le soubassement invoqué est également ici le modernisme. L'agence More réinterprète l'héritage local pour le moderniser : - Le groupe BAK préfère se référer un groupe De Stil pour développer son architecture éclatée et minimaliste. - Le groupe architecture est adepte du minimalisme aussi mais très épuré. Le groupe impact proposa une architecture « Moins est plus » fonctionnelle et pure. L'agence « Essentielle » veut, à travers le minimum attendu l'essentiel. Architecture conceptionnelle. Le groupe BA studio se réfère à Aalta, Van du Rohe, Le Corbusier… etc. En général, nos jeunes architectes, au niveau individuel ou de groupe, se placent dans le cadre d'une architecture moderniste dont les références essentielles sont les architectes internationaux contemporains les plus connus dans le monde et peut –être représentant l'architecture universelle telle qu'elle s'est développée durant le 20ème s. C'est alors le Corbusier, Aalto, Van der Rohe… Rares sont les jeunes qui se basent sur la nécessité de refonctionnalisation de notre patrimoine ou s'ils s'y réfèrent c'est uniquement pour ses éléments plastiques et formels que pour ses qualités de l'espace et de vie. Les concepts de minimalisme, de fonctionnalisme, de design… octroient à leur démarche, un caractère formel qui les éloigne de nos propres préoccupations du spécifique d'antan. L'architecture universelle moderniste est la référence essentielle par excellence, de nos jeunes architectes et ceci indépendamment des valeurs mises en avant pour affirmer ces approches devenues dominantes un peu partout dans le monde.
La villa du Zodiac
Le troisième axe autour duquel la revue a organisé sa conception, tourne autour d'un patrimoine colonial reconnu par les auteurs comme patrimoine national en bonne et due forme. L'architecture coloniale est certes issue d'une culture antihumanisme de domination et d'exclusion, de notre patrimoine et de ses valeurs. Cette architecture malgré tout a dû reconnaître l'apport architectural et décoratif traditionnel et s'y intégrer pour y inclure tous les éléments significatifs qui le composaient. La villa du Zodiac, de l'extérieur, mais aussi de l'intérieur, semble naturellement située dans le paysage environnant. Elle respire l'homogénéité et le calme. L'article rédigé par Zoubeïr Mouhli et Mc Guiness est un article très fouillé malgré le manque de documents entourant les circonstances qui ont entouré sa construction. Nous connaissons, nous-mêmes, assez bien la villa du Zodiac. Son historique a été révélé par des articles de presse et par une publication de Sylvia Finzi sur l'architecture italienne en Tunisie et comportant un chapitre sur la villa Zodiac. Nous avons participé à l'époque en 2003, à un appel d'offres public pour reconvertir la villa « Dar Mussolini » en un centre de métiers d'art (céramique, verre et bois) . La villa devait devenir un centre de documentation sur le vin tunisien et la région vinicole se prêtait à cette activité. La villa Zodiac a été étudiée aussi en elle-même pour être restaurée. Les Italiens (ambassade) ont voulu participer à cette opération. L'Institut national du patrimoine n'a pas estimé utile à l'époque d'appuyer le projet de classement de la villa en monument historique. Nous en parlons, aujourd'hui, pour attirer de nouveau l'attention des autorités de tutelle (les biens de l'Etat) pour reprendre ce dossier et traiter une fois pour toute du problème de son classement. Que Archibat, Mouhli et Mc Guinesse soient remerciés pour avoir suscité notre intérêt de nouveau et nous avoir poussé à relancer ce problème d'un patrimoine en déperdition.