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Leïla, première revue féminine en Tunisie
La Presse Femme : Mémoire
Publié dans La Presse de Tunisie le 08 - 10 - 2010


Par Mohamed Larbi SNOUSSI
L'émancipation de la femme en Tunisie, disons-le sans ambages, a été dès ses débuts le credo de certains réformateurs, ayant constaté l'état d'infériorité dans lequel se trouvait la gent féminine. Leur souci était de permettre à la femme d'avoir un minimum d'éducation, religieuse surtout, afin de la prémunir de tous les dangers, de ne pas être dépouillée de ses biens, de pouvoir veiller à l'éducation de ses enfants, du fait qu'elle était toute la journée en contact permanent avec eux. C'était les premiers pas de leur volonté d'émanciper la femme tunisienne préconisée par de nombreux réformateurs, à un moment où la femme en Egypte, en Turquie et en Iran s'acheminait dans cette voie. C'était le cas de Mohamed Ben Othman Snoussi, Abdellaziz Thaâlbi, Hassen Hosni Abdelwaheb, Sadok Zmerli, Othman Kaâk et d'autres encore, qui avaient insisté sur cet aspect éducatif de la femme, au cours des deux premières décennies du siècle dernier.
Ce n'est qu'avec les années 30, que le mouvement féministe prit une autre envergure, surtout à la suite de la polémique entre «modernistes» et «conservateurs», des concepts à réviser pour l'époque sûrement, suscitée par la publication de l'œuvre de Tahar Haddad sur la situation de la femme dans la société selon la jurisprudence islamique, livre déjà publié en feuilleton entre 1928 et 1929 dans les journaux locaux et qui n'avait suscité des réactions qu'à la fin de 1930.
Dans cette atmosphère déjà tendue au milieu des années 30, il semble qu'un groupe de femmes ait pris l'initiative de lancer une revue, la première en son genre, pour prendre en charge leur sort en tant que femmes et exprimer leur point de vue sur les ingrédients nécessaires à l'évolution sociale de la femme et à son émancipation.
Ainsi fut lancée en décembre 1936 la première revue illustrée féminine, en langue française, pour signifier aux colonialistes, ainsi qu'aux détracteurs, que la femme tunisienne était déjà mûre et responsable et pourrait, avec son compagnon de vie, veiller à ses propres destinées. Cette revue avait pour titre Leïla, un titre révélateur dans l'imaginaire arabe d'une façon générale, puisque ce prénom représente le nom de la femme idéale.
Certes, les demandes d'autorisation pour publier et distribuer une revue ne se faisaient auprès des autorités coloniales, à l'époque, que par des hommes. Ce fut alors Mahmoud Zarrouk, un dignitaire de Sidi Bou Saïd, qui, après avoir ouvert un bureau au premier étage du Colisée (Escalier C), prit en charge de lancer cette revue en collaboration avec Abdelmajid Chabby et Melle Radhia, qui nous reste encore inconnue.
Toutefois, qui fut la principale animatrice de cette revue, ou plutôt qui était sa rédactrice en chef, notamment celle qui signait par le pseudo «Leïla»? Il y a là une énigme. Jusqu'à nos jours, on avançait le nom de Tawhida Ben Cheikh, la prestigieuse première médecin et gynécologue tunisienne, comme étant la personne qui signait les éditoriaux de la revue avec le pseudo de Leïla. Le premier à avoir avancé cette information est Ahmed Khaled dans son ouvrage sur «L'environnement socio-culturel au temps de Tahar Haddad», page 271. A notre humble avis, cette information est fausse. Car en décembre 1936, Tawhida Ben Cheikh était encore à Paris et ne fut de retour en Tunisie qu'à la fin de février 1937. D'autre part, si elle était vraiment rédactrice en chef de cette revue, comment prenait-elle le risque d'annoncer dans un écho, signé par ce pseudonyme, son propre retour au pays comme «premier gynécologue» dans la revue même dans le numéro 3 de mars 1937 ? Certes, elle avait fait partie, à partir de cette date, comme collaboratrice, à cette revue (voir La Presse du 27 août 2010), mais pas comme rédactrice en chef, utilisant le pseudo de Leïla. Il s'agissait éventuellement d'une autre femme, peut- être Mme M. Aïda, annoncée à la couverture du numéro 5 d'octobre 1939 comme rédactrice.
Paraissant mensuellement entre décembre 1936 et novembre 1940, d'une façon irrégulière, pour devenir hebdomadaire par la suite en 1941, mais n'ayant pu alors publier que deux livraisons, la revue Leïla fut le miroir des véritables préoccupations des jeunes filles tunisiennes des problèmes de leur temps, prenant parfois position sur certaines questions.
Dans l'éditorial du premier numéro, de décembre 1936, conçu sous forme de «programme», Leïla écrit essentiellement :
(…) «Rédigée par une jeune équipe, choisie parmi les meilleurs talents des deux sexes, paraissant une fois par mois «Leïla» est parue pour la défense de la Tunisienne et son évolution sociale et intellectuelle, contre les vieilles traditions injustifiables qui rendent les mariages aussi onéreux que difficiles, tourmentent la jeunesse et inquiètent les familles….» Et d'ajouter : «Nous faisons appel à la bonne volonté de toutes nos collaboratrices éventuelles pour qu'elles participent à la vie de cette revue qui sera bientôt la préférée de la femme…»
Plusieurs collaboratrices, signant par des pseudonymes, comme Radhia, Yasmina, Jamila, Wassila, Mériem ou Protée, parfois par leur nom, comme Essaïda Foudhayli, Jamila Alaïly, Tawhida Ben Cheikh et Saïda Sahly, à l'époque, encore élève au lycée Armand Fallières (actuel lycée de la rue de Russie) ou Aïcha Ghoury, étudiante à l'Université de Londres, avaient pris part à la rédaction de cette revue. Mais l'existence de nombreux pseudonymes avaient certainement soulevé plusieurs questions auprès de la gent des lecteurs, amenant la revue à écrire dans son éditorial du numéro 3 de mars 1937 : «Qu'importe aux lectrices et lecteurs si l'article est signé d'Y… ou de Z…; une seule chose doit compter, une seule chose doit être prise en considération, c'est l'idée contenue dans l'article, et seule cette idée doit être mise en discussion». Et de poursuivre: «Que l'on sache une fois pour toute que cette revue est l'œuvre d'une équipe de collaboratrices et de collaborateurs, qui ont eu le courage que tant d'autres n'ont pas eu, de descendre dans l'arène, malgré les multiples obstacles sociaux et familiaux, malgré les murs des préjugés, malgré les difficultés matérielles, pour combattre la force d'inertie atavique qui immobilise et rend inutilisable pour le pays, l'élément féminin du peuple tunisien.»
Le but de la revue était noble. Elle voulait être, toujours selon cet éditorial, un instrument pour «instruire la Tunisienne de ses droits et devoirs envers ses compatriotes et ceux-ci de leurs droits et devoirs envers elle, afin de créer au sein de ce peuple l'harmonie sociale et intellectuelle, sans laquelle aucune évolution n'est possible.»
Outre les collaboratrices connues ou méconnues par le public, on remarque la participation de plusieurs plumes mâles, comme celle de Bahri Guiga, de G. L. de Mounier comme directeur artistique, de Hatim El-Mekki, de Hamouda Damergi, de Khelil Mamlouk, de Férid Bourguiba, de Abdelmajid Chabby, de Salah Ridha Lahmar, de Mohamed Aslan, de Mohamed Noômane et surtout de Tahar Sfar, qui écrivait presque dans toute livraison sur la condition de la femme pendant l'époque anté-islamique ou après, sur les possibilités d'expression poétique, ou sur l'agriculture et l'industrie. Parmi aussi les écrits publiés dans cette revue, on note une panoplie de poèmes écrits par un certain Skander, qui mérite étude.
Déjà dans le premier numéro, le premier signataire était Mohamed Noômane qui écrit dans un article intitulé : «Un mot sur ce que doit être la femme musulmane» : «Pour que la femme ne soit pas arrêtée dans son évolution en Tunisie, il faut écarter toute immixtion. Il faut laisser à la société musulmane elle-même de tracer les étapes de cette évolution, ou les admettre et les accepter quand elles sont édictées par la loi naturelle», Et d'ajouter : «Subordonner l'évolution de la femme à telle ou telle politique est et sera considéré comme une immixtion et donnera naissance à la méfiance».
Pour sa part, Melle Radhia avait peint, dans le premier numéro de décembre 1936 un tableau, un tableau de ce qu'elle avait appelé «une catégorie de mammifères mâles, plus obstinés que les ânes et plus agaçants que les moucherons», qui ne cessaient de suivre les filles, de leur coller au pas et d'être toujours à leur trousse comme leur propre ombre. Et Radhia de leur demander tout bonnement de faire le plaisir de les «admirer de très loin».
Certes, les contributions dans cette revue étaient nombreuses, même sur le plan artistique. Car on constate, en feuilletant la seule collection incomplète existant à la Bibliothèque Nationale, que cette revue était agrémentée, dès la couverture, par des dessins d'artistes tunisiens, comme Aly Ben Salem, Jaleleddine Ben Abdallah et El Graïri. Mais ce qui attire l'attention, ce fut la position de la revue Leïla à l'égard du fascisme et du nazisme. En effet, dans son numéro 10 de décembre 1938, Jamila Alaïly avait pris position contre le nazisme, le fascisme et l'Italie mussolinienne en proclamant que «si le destin nous oblige à combattre, ce sera pour chasser les envahisseurs de notre patrie aux côtés de nos protecteurs», qualifiant par ailleurs Hitler «d'Adolf, le barbouilleur.» D'autre part, en octobre 1939, la «rédactrice» Mme M. Aïda avait pris position contre les régimes totalitaires, considérant le nazisme ou le communisme, comme étant «les mêmes doctrines de haine, la même volonté d'hégémonie, le même mépris des lois humanitaires». Quant à Tahar Sfar, il avait, en décembre 1939, analysé «les conceptions racistes d'Hitler et la famille germanique.»
Nous avons aussi découvert une révélation dans cette revue, que d'aucun ne soupçonnait. Il est communément connu que Mongi Slim était beaucoup plus politique qu'un essayiste. Toutefois, il a essayé de recourir à la plume, en publiant dans le numéro 3 de mars 1937 un article sur «Le mariage mixte», annoncé déjà dans le premier numéro de décembre 1936. Mongi Slim eut recours cependant à un pseudonyme, lors de la publication de cet article, qui n'était autre que «Farouk».
Voilà un survol sur la première revue féminine en Tunisie, parue entre 1936 et 1941, ainsi que les principales contributions parues. Mais toujours est-il que cette revue pionnière reste encore à étudier.


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