La citoyenneté comment est-elle perçue par les jeunes artistes plasticiens ? L'art- peut-il représenter un thème de société ? La réponse est oui. La citoyenneté, voilà un terme qui n'avait pas droit de cité il y a un an. Il aura fallu une révolution pour qu'enfin le Tunisien puisse retrouver sa dignité et être considéré comme un citoyen qui décide de son avenir dans une société pour laquelle il compte. Les artistes étant des précurseurs, ils ont devancé les élections pour exprimer dans des singulières ce qu'ils pensent de la citoyenneté. L'exposition collective qui se tient actuellement à la galerie Yahia réunit les œuvres de plasticiens tunisiens, qui ont choisi chacun selon ses aptitudes à imaginer son rapport avec la citoyenneté. Amel Slama signe deux peintures à l'acrylique de grand format accompagné de textes poétiques. Elle met en valeur le corps de la femme en alternant les couleurs pastel déclinées en rose, bleu et vert. Un voile de douceur s'imprime sur ses toiles où les corps nus ne sont que suggérés. Les autres tableaux sont soit non signés, soit la signature de leurs auteurs est illisible. D'autre part, l'absence de document ne nous permet pas d'identifier les artistes de ces œuvres dont le nombre avoisine la cinquantaine. La citoyenneté apparait donc selon certains peintres sous forme de caricature en noir et blanc. Portrait d'une sorte de Bécassine se promenant seule ou encore un groupe de personnes sortant de la bouche grande ouverte d'un ogre. La référence au conte est claire et on la retrouve dans d'autres travaux. Les jeux d'enfants : nounours, poupées et voitures sont amplement représentés. Est-ce pour dire que la citoyenneté est encore au stade infantile ou que c'est la naissance de la citoyenneté ? Les œuvres se prêtent à des interprétations différentes. Trois tableaux de grands formats réalisés à partir de techniques mixtes abordent la citoyenneté de manière ludique. Ils montrent l'effervescence de la rue qui sens dessus dessous. Des passages à niveaux, des bennes de la municipalité, des roues etc. Plus loin une autre composition donne à voir un char dans la ville. L'humour est le point de ralliement de toutes ces œuvres marquées par une fraîcheur juvénile. Le clou de l'exposition, si l'on peut dire, est cette installation régnant au milieu de la galerie. Il s'agit d'une série de pots de fleurs dans chacun desquels sont plantés les différents partis actuellement en lice pour des sièges dans la Constituante. Le réalisateur de cette installation hausse le ton non sans humour d'ailleurs à l'égard de ses partis les traitant avec virulence d'opportunisme. Cette liberté nouvelle permettra sûrement de révéler des artistes plus audacieux et plus percutants en rupture avec ceux qui occupaient jusque là le paysage pictural. L'espoir est grand de voir de nouvelles expressions artistiques fleurir dans les prochaines années dans une Tunisie multiple et plurielle.