En Tunisie, le plus prolifique des arts est l'art plastique. Les artistes prolifèrent, les expositions aussi et les prix affichés explosent. Y-a-t-il un marché d'art ? Et à qui profitent toutes ces expositions ? Des questions lancinantes qui reviennent à chaque démarrage de la saison culturelle. Que de vernissages ! Chaque semaine une nouvelle exposition voit le jour souvent un jeune artiste méconnu mais à son cv on se rend compte qu'il a à son actif quelques dizaines de participations dans des expositions de groupe ou personnelles. Il existe entre 250 et 300 artistes affiliés à l'Union des artistes plasticiens tunisiens (UPAT) sans compter ceux qui ne le sont pas. Par contre, les galeries, qui accueillent ces expositions, sont peu nombreuses. On en compte pas plus d'une vingtaine. Pour l'artiste comme pour le galeriste, un vernissage c'est un peu comme un examen avec tout ce que cela nécessite comme dépense : impression de cartons d'invitation, de catalogues, de boissons, de friandises, et de stress surtout pour les jeunes artistes dont la renommée n'est pas tout à fait établie. Ces dernières années, les plus confirmés exposent moins leurs œuvres, sans doute, disposent-ils d'autres circuits plus avantageux. Le galeriste prend des risques avec les jeunes peintres, mais il s'accorde un taux plus conséquent lors de la vente d'un tableau. Un taux qui varie entre 30 et 40%. C'est pourquoi les prix affichés sont assez gonflés. Alors, le galeriste recourt à toutes astuces pour vendre les œuvres : en proposant à l'acquéreur l'échelonnement du paiement ou encore en collant des pastilles qui font croire que les tableaux sont vite vendus. Mais la réalité est beaucoup plus dure. Les artistes professionnels vivant uniquement de leurs pinceaux tout comme les galeristes peinent à tenir le coup face à un marché très limité. C'est grâce à l'Etat qu'ils arrivent plus ou moins à s'en sortir. La commission d'achat du ministère de la Culture est une véritable aubaine. Là aussi, il y a plusieurs considérations et calculs que font les galeristes pour gagner le maximum d'argent sur une œuvre. Les membres de la commission ne sont pas dupes. Mais que peuvent-ils face à une situation difficile. Parfois, les prix affichés dépassent tout entendement. Un jeune parfois encore amateur ose placarder des prix astronomique allant de 8.000 à 12.000, voire parfois 20.000 dinars. L'art peut-il être un secteur mercantile ? Oui, si le peintre fait jouer le relationnel. On a eu à constater des femmes de diplomates ou de riches d'hommes d'affaires converties en artistes liquider leurs œuvres à des prix incroyables grâces à un réseau d'amis et de connaissance. Mais au-delà de cette situation qui perdure depuis les années 60, période durant laquelle a été créée la commission d'achat du ministère de la Culture, qu'en est-il des centaines ou des milliers d'œuvres acquises par le ministère ? Et dans quel état sont-elles aujourd'hui ? Il faudra qu'un jour ou l'autre, le ministère dévoile ce qu'il y a à l'intérieur des réserves et expose cette production artistique au public qui est en droit de découvrir un pan de sa mémoire picturale. La création d'un musée devient plus qu'indispensable. D'abord, il va générer de l'emploi, réguler le marché de telle sorte que les œuvres bénéficieront de leur valeur réelle, de permettre aux chercheurs et aux étudiants en arts de mieux comprendre l'évolution du secteur et au public d'apprendre à aimer l'art des artistes de son pays.