Ali Essaïed (Béliologue – Directeur fondateur du musée) - Suite aux actes de violence récemment à la salle du cinéma Africa, vous avez considéré, par voie de presse, que la liberté de création est l'un des fondements de la société moderne et de ses nobles valeurs. Le comité directeur du musée international du Bélier, l'opinion publique et les mass-médias, s'interrogent si, de par votre silence, votre indifférence et votre désintérêt à notre égard, ne constituent pas un acte de violence d'une autre nature, qui a un certain degré de virulence. De tous temps, votre département et l'INP ( Institut National du Patrimoine) qualifient ce musée de « prétendu et soi-disant musée » et que c'est un projet qui n'est pas bon pour le pays. Le paradoxe, c'est qu'il a été inauguré à la Karaka de la Goulette en septembre 1982 par le Ministre de la Culture d'antan ; qui n'a pas omis de mettre en exergue la richesse des connaissances qu'il a réunies reflétant les louables efforts de son fondateur et conférant au Bélier la plus noble dimension. L'autre volet qui heurte également le bon sens, c'est la parution de timbres-postes édités par le Ministère des Communications en 1990 et 1993, ainsi que l'édition de prospectus et affiches par le Ministère du Tourisme portant la mention « Premier musée du Bélier » Ces deux organismes sont convaincus que le musée du Bélier est consubstantiel avec le tourisme tunisien actuellement en mal d'innovation et de diversification de son produit Par ailleurs, plusieurs mesures s'étaient déjà multipliées pour paralyser l'activité du musée parsemé d'errements et, plus encore d'abus et autres actes contraires à la morale De l'I.N.P, nous avons éprouvé tout au long de l'ancien régime, la pire des souffrances, celle que la pudeur nous empêche de décrire ou rapporter. Attendu que notre établissement ne dispose pas d'objets archéologiques patrimoniaux, son transfert à l'étranger en toute républicaine transparence, mettra un terme définitif à son existence en Tunisie et emportant avec lui mains lots d'atermoiements, de tergiversations, de calomnies et de médisances. Le choix est toutefois, ici, celui du moindre mal : entre condamner le musée à poursuivre son existence dans l'air vicié des garages, dégageant une odeur d'humiliation, de traumatisme et de honte ; ou lui permettre de quitter le territoire et s'expatrier. De tels agissements ne sauraient être tolérés par le Corps Diplomatique accrédité à Tunis. Plus de trente Ambassades ont participé activement à l'enrichissement du musée, afin qu'il soit plus riche et plus attractif. L'histoire du Bélier à travers les âges et les civilisations est aussi la leur. Elles se sentent partie prenante d'un même récit, se reconnaissent dans les mêmes valeurs, la même culture et les mêmes idéaux. Leur apport considérable a conféré au musée un caractère international. Il a eu, de surcroît, le privilège particulier de défendre les couleurs tunisiennes au concours mondial organisé par la JCI ( Jeune Chambre Internationale) et a remporté le Trophée du meilleur projet socio-économique et culturel. C'était une occasion de faire connaître, à l'échelle planétaire, notre pays, et ce, grâce à cet animal fabuleux dans lequel l'humanité s'est toujours retrouvée Elles regrettent sincèrement que le contenu de l'établissement ( bas-reliefs – stèles, fragments de sarcophages, tableaux des grands personnages historiques et des personnalités contemporaines, divers documents précieux,… etc) soit traité de la sorte sans le moindre respect pour le patrimoine du genre humain. Tout autre que moi aurait sans doute baissé les bras, face à la persistance des obstacles qui ne cessent de se dresser sur le chemin à la réalisation d'un rêve qui m'est très cher : la création d'un musée du Bélier et l'envie irrépressible de faire partager son message, ses faisceaux de pensées et de connaissances. Ceux qui vous entourent en ce moment au niveau ministériel et celui de l'I.N.P font encore la grimace comme un enfant devant une cuillère d'huile de foie morue quand ils entendent parler de notre institution. A leurs yeux, il s'agit d'une idée excentrique, voire provocante, avec sourire en coin ou réactions péjoratives. Les mots nous manquent pour exprimer comme nous le voudrions nos profonds regrets de constater que l'I.N.P n'a pas daigné recevoir le comité directeur du musée composé d'universitaires et d'officiers généraux de l'Armée tunisienne Le constat est dur, la vérité est amère Pourtant, le musée du Bélier véhicule en lui la capacité de constituer un « lieu » de rencontres entre différentes cultures, une fenêtre ouverte qui traverse la cloison des sociétés et leurs croyances. Les quatre thèses de doctorant d'Etat qui nous sont parvenues du Caire, d'Athènes, de Bruges et de Paris en font foi et prouvent que le Bélier, ce fabuleux animal, est le plus illustre des animaux qu'ait connu la terre depuis les temps les plus reculés. Son histoire regorge de trouvailles plus fracassantes et plus passionnantes les unes que les autres. Il nous est, par ailleurs, à peine besoin de citer la belle parole du ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand : « Il ne faut pas priver le tourisme tunisien de s'enorgueillir du seul musée au monde dont il puisse se distinguer ». Qu'on le veuille ou pas, le Bélier est profondément ancré dans le patrimoine culturel tunisien. Il constitue un legs historique d'un foisonnante et incomparable richesse pour notre tourisme. Les composantes du musée sont actuellement livrées à elles-mêmes, sans traitement de préservation, ni conservation, faisant apparaître des signes d'altération. Sauf votre respect, vous êtes le responsable n°1 en tout ce qui intéresse les affaires de votre département. Il faut absolument que quelque chose touche l'INP et le remue, ce que la morale, la déontologie et l'humanité lui commande de faire. C'est l'occasion de définir et de conduire une stratégie claire et efficace en ce qui concerne le devenir du musée, mettant fin à cette situation d'horreur et d'inhumanité. Au vu de ce qui précède, vous êtes le mieux de donner un rée signal d'espoir pour notre institution parce que : - Vous avez été le premier à nous attribuer, il a longtemps, la Karraka de la Goulette pour abriter le musée. - Vous avez choisi le titre de ma thèse « L'Univers du Bélier : histoire, archéologie, symbole ». je l'ai inscrit dans mon dossier de demande d'admission en Doctorat à Paris – Sorbonne IV. Celle-ci considère que le sommaire est fort bien tracé pour aborder un tel sujet. - Plusieurs pays (dont l'Espagne – l'Arabie Saoudite – la France) sont disposés à nous offrir un espace pour abriter le musée, ce besoin élémentaire et essentiel à sa vocation et son activité. Le choix de la destination s'effectuera en collaboration avec le ministère du Tourisme. Nous vous exhortons de bannir toute politique de temporisation afin que le transfert ait lieu le plus rapidement possible. - 23 ans d'injustice sous l'ancien régime. - 9 mois de silence et d'indifférence sous le nouveau régime. De grâce : cela suffit ! amad salem [email protected]