Le visage avenant, la force tranquille et l'évidente perspicacité de Bourguiba dans la couverture de l'ouvrage intitulé «Bourguiba et l' Islam, le politique et le religieux » du journaliste tunisien Lotfi Hajji, suscite la curiosité du lecteur à en savoir plus sur les coulisses de sa politique. Publié à Sud Editions et traduit de l'arabe par Sihem Bouzgarou-Ben Ghachem, ce livre relate l'aréopage politico-religieux tunisien pendant le règne de Bourguiba. A la manière des historiens, l'auteur de cet ouvrage délivre un pan de l'histoire de la Tunisie. Lequel est indissociable de la fondation d'un projet réformateur entretenu par ce qui est convenu à être appelé “le combattant suprême”, Bourguiba, bien que ses choix en matière de politique ont fait l'objet de nombreuses dissensions en Tunisie et avec l'ensemble des pays arabes. Tout au long des trois chapitres (Bourguiba et la laïcité, Polémiques religieuses et arrière-plans historiques, le Jihad suprême: les batailles de la réforme et enfin, l'Islam interprété par Bourguiba), l'auteur passe en revue les moments les plus articulatoires de la Tunisie pré- et postcoloniale. Dans un style sobre coltinant les soubresauts du paysage sociopolitique de l'époque, il suit l'ordre chronologique de l' événementiel tout en analysant leur progression et reflux. Et avec une remarquable minutie d'archiviste, il retrace l'itinéraire du jeune Etat tunisien édifié en l'espace d'un temps record si on examine celui qu'ont mis nos voisins maghrébins et même orientaux dans la mise en œuvre de grands chantiers, juste après leur indépendance, pour se dégager de l'indigence et l'analphabétisme dans lesquels ils ont sombré. Illustrée par des versets coraniques, des témoignages et des glossaires de maints penseurs et politiciens de tout bord, l'œuvre s'avère un véritable document cherchant une voie réconciliant le politique et le religieux tout comme Bourguiba qui s'est attaché à harmoniser le caduc et le moderne, l'arabité et l'occident. Cela lui a valu d'être, à la fois, détraqué et sollicité en Tunisie et ailleurs, mais tout de même, ses positions coercitives menées, sur tous les fronts, ont amené l'auteur du livre à établir des comparaisons entre Bourguiba et certaines figures politiques telles que Kheireddine Bacha et Mustafa Kamel Atatürk. L'auteur ne manque pas au fil des 287 pages de donner à voir le pari majeur et révolutionnaire qu'est la libération du pays de tous les aléas pernicieux et des forces obscurantistes afin de réformer l'éducation nationale, promulguer le Code du statut Personnel, améliorer la condition des femmes et créer les différentes institutions du jeune Etat. L'histoire ne se répète pas toujours, c'est entendu. Mais il est possible d' en tirer des enseignements pour l'étude du présent et de l'avenir, ce volume est, pour ce faire, un intéressant outil, par sa richesse et la passion avec laquelle il a été écrit quoiqu'il faut garder constamment ses distances par rapport à tout ce qui ressort de l'historique pour préserver le critère de l'objectivité et la crédibilité. Dorsaf keraâni «Bourguiba et l'Islam, le politique et le religieux » de Lotfi Hajji ; Sud Editions ; mai 2011 ; 289 pages.