Parler de la bonne gouvernance, c'est débattre d'une notion controversée et souvent mal comprise. Pour bon nombre d'économistes, analystes et institutions mondiales, la gouvernance rime toujours avec la lutte contre la corruption et se base surtout sur des indicateurs purement économiques. Or, selon de nouvelles visions et autre approches, la bonne gouvernance est et demeure fortement attachée à d'autres valeurs et des indicateurs d'ordre politique, économique et institutionnel. C'est dire que la gouvernance doit finalement être perçue comme étant une trilogie dont les dimensions touchent aussi bien le volet économique politique et institutionnel. Ces idées et tant d'autres furent abordées lors d'une rencontre organisée, lundi 14 novembre de l'année en cours, par le Centre de recherches et d'études financières et monétaires (Crefm), à la Banque centrale de Tunisie, sous le thème «La gouvernance et le monde arabe en transition démocratique». Cette rencontre, animée par Dr Daniel Kaufmann, spécialiste et expert international en gouvernance, a été axée principalement sur le rôle de la gouvernance pour réussir les phases de transitions démocratiques dans le cadre de ce qu'on appelle souvent le printemps arabe. En effet, pour Daniel Kaufmann, la gouvernance n'est pas l'anti-corruption. Elle n'est pas un luxe que seuls les pays riches peuvent se permettre. Elle n'est pas synonyme de prospérité et elle n'implique pas une hausse des revenus, mais au contraire, des revenus élevés se traduisent automatiquement par une meilleure gouvernance. Dans cette orientation, le Dr Daniel Kaufmann estime que la bonne gouvernance peut garantir aux pays en phase de transition une meilleure relance économique. Mais, comment ? D'une part, pour cet expert international et membre du Brookings Institute (un think thank américain spécialisé dans les questions relatives à la gouvernance), la bonne gouvernance peut largement attribuer à la croissance des revenus des pays et par la suite la croissance des revenus par habitant. La règle de dividendes de 300% ! En évoquant, l'exemple de Chili qui a connu une phase de transition assez délicate après la chute du régime du général « trop libéral » Pinochet, Daniel Kaufmann rappelle que lorsqu'un pays adopte des réformes à la fois économiques, politiques et institutionnelles il parvient à multiplier par trois son revenu par habitant. Il pourra ainsi, réduire le taux de pauvreté, et relancer la croissance économique. Par ailleurs, cet expert, pense que le développement économique n'est pas synonyme de bonne gouvernance. Ainsi, évoque-t-il l'exemple paradoxal de la Tunisie lorsque tous les chiffres et les indicateurs économiques indiquaient que le pays vivait une croissance économique remarquable, alors que l'indice de satisfaction des services sociaux du gouvernement ne reflète pas la même réalité. Daniel Kaufmann, va plus loin. En citant l'exemple des crises européennes, la Grèce et l'Italie en l'occurrence, il estime que le déficit budgétaire enregistré dans les comptes de ces deux nations est due à l'absence de la bonne gouvernance et surtout à la corruption (exemple italien). Face à cette question, Daniel Kaufmann estime qu'il n'y a pas une recette magique pour réussir la transition démocratique et le développement économique en Tunisie. « Mais il y a des leçons à tirer des expériences internationales » estime-t-il. Plusieurs pays émergents, le Chili, la Slovénie ou le Botswana en l'occurrence ont démontré qu'il est possible d'instaurer une bonne gouvernance sans pour autant faire partie des pays riches. Ainsi, la Tunisie comme bon nombre de pays, vit encore une phase de transition. Les défis de cette phase sont multiples et les enjeux sont de tailles. Le risque que le pays ne réussisse pas sa relance économique est patent, mais les opportunités pour que la Tunisie soit une économie développée sont là. « D'ailleurs, seuls 57 pays sur un ensemble de 113 pays qui ont vécu une phase de transition démocratique ont réussi le pari en améliorant les revenus de leurs habitants » indique-t-il. En effet, pour que notre pays réussisse sa transition démocratique et son développement économique, cet expert préconise le renforcement des dispositifs gouvernementaux de gouvernance tout en respectant l'autonomie des institutions et surtout adopter de nouvelles stratégies économiques. La Tunisie semble marquerait-elle pas, par hasard ? Zied Dabbar
Qui est Daniel Kaufmann ? Le Dr Daniel Kaufmann, conseiller principal de la Fondation Ibrahim, et sommité sur les questions de gouvernance et de développement, est un expert de renommée mondiale en matière de création et de méthodologie des indices. Actuellement, membre affilié du Brookings Institute (un think think basé à Washington) il a occupé plusieurs hautes fonctions au sein des institutions mondiales. Il a été ainsi directeur de la gouvernance à l'Institut de la Banque mondiale, Chef économiste au département de recherche ainsi qu'en Europe et en Asie centrale ; Responsable des finances, Unité de la réglementation et de la gouvernance, Economiste principal pour l'Afrique ; Chef de mission en Ukraine et membre de l'équipe du Rapport sur le développement dans le monde