Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.
«Les élections de la Constituante ont révélé beaucoup de surprises difficiles à expliquer» Eclairage - Habib Marsit (universitaire et militant des droits de l'Homme) :
• «J'ai peur que le scénario irakien ne se reproduise chez nous» • «Je ne croyais pas que l'œuvre de modernisation de Bourguiba était si fragile» • «Le dossier économique est d'une priorité absolue» Intellectuel tunisien, militant des Droits de l'Homme et Professeur de psychologie à l'université tunisienne, Habib Marsit a un regard particulier sur ce qui se passe en Tunisie, depuis le déclenchement de la Révolution du 14 janvier. Il commente pour le Temps, entre autres, la situation politique actuelle, les priorités du prochain gouvernement, les surprises des élections de la Constituante. Interview. Le Temps : que pensez-vous des négociations actuelles entre les vainqueurs des élections ? Habib Marsit : il est tout à fait normal qu'il y ait des négociations entre partenaires politiques. Le problème réside dans la durée des négociations alors que le pays est dans l'urgence. Il faut que les partenaires prennent en considération la situation. J'ai peur du scénario irakien. L'angoisse est partagée par un grand nombre de Tunisiens. Il faut bien que les négociations, aboutissent le plus vite serait le mieux. Il faut faire attention, car le citoyen peut perdre la confiance accordée aux leaders politiques et par voie de conséquence, dans le processus de transition démocratique lui-même. Il ne faut pas oublier que notre démocratie reste encore fragile. Nous avons besoin de signaux forts pour calmer les esprits. Nous ne sommes pas la Belgique, la France ou les Etats-Unis où les institutions sont fortement établies. Quelles doivent - être les priorités du prochain Gouvernement ? Les priorités sont connues. Bien sûr l'urgence du dossier économique s'accentue. Depuis le 14 Janvier, il y a eu accumulation de problèmes. Le dossier économique est d'une priorité absolue. La deuxième priorité est celle de la sécurité. Les citoyens ont peur d'éventuels relâchements. La stabilité et la sécurité sont une nécessité. La troisième priorité concerne la situation sociale un peu tendue avec des grèves et des débrayages de tout genre. Il faut plus de stabilité sociale. Bien sûr la tâche fondamentale demeure le commencement du débat sur la Constitution. Il faut que la Constituante entame son travail dans un climat de confiance entre les partenaires. Avec un peu de recul, quelle est votre lecture des résultats des élections de la Constituante ? Y a-t-il des leçons à tirer ? Ce qui m'inquiète est le grand écart entre les résultats d'Ennahdha et les autres partis. Ce n'est pas de bon augure. Le premier parti, risque de se comporter en parti dominant. Il est nécessaire d'avoir un parti majoritaire, mais pas avec un aussi grand écart où le parti majoritaire se trouve très loin des autres. Lorsqu'il faut rassembler plusieurs formations pour égaler une seule, cela m'inquiète en tant que Démocrate. J'étais surpris aussi par le résultat de la Pétition populaire, chose que je n'arrive pas à m'expliquer. D'où est sorti ce lapin ? Je ne pensais pas que le Congrès Pour la République (CPR), serait en deuxième position. Il y a beaucoup de surprises difficiles à expliquer. Il faut du temps pour les comprendre. Les sondages et les études d'avant les élections n'ont pu prévoir de tels résultats. Nous avons été surpris par ces résultats comme nous l'avons été par le 14 janvier. Jusqu'où ces surprises peuvent-elles vous conduire ? Je ne croyais pas que l'œuvre de modernisation de Bourguiba était aussi fragile. Il faut dire que même Ennahdha ne met pas en cause certains fondements de la modernité, elle-même. Les élites et Bourguiba auraient fait un travail factice. Beaucoup d'intellectuels sont écoeurés par ce fait là. Mais au fond, les choses sont beaucoup plus complexes. Lorsqu'on réfléchit bien Ennahdha, elle-même, est sur le terrain de la modernité et non pas l'inverse. Vous avez pris une initiative avec un groupe d'associations pour œuvrer à l'abolition de la peine de mort en Tunisie. Que comptez-vous faire, maintenant ? Nous allons essayer d'avoir un calendrier de rendez-vous avec les partis politiques qui ont réussi aux élections pour faire du lobbying sur la question. Propos recueillis par Hassine BOUAZRA