A la question « est-il possible de vivre de son art ? » posée à un groupe d'artistes-plasticiens rencontrés récemment lors du colloque sur le marché de l'art organisé par la Fédération Tunisienne des Arts Plastiques, nous avons recueilli les réponses suivantes. Khalil Gouiâ, président de la Fédération Tunisienne des Arts Plastiques : « L'artiste- plasticien ne pourrait vivre de son art qu'en présence d'un marché artistique légal et bien structuré. Cependant, on ne doit pas nier le fait que certains artistes, reproducteurs d'œuvres traditionnelles destinées au secteur touristique (œuvres sur Sidi Bou Saïd, la Médina, folklore tunisien…), peuvent tirer profit de ce commerce à partir de la reproduction d'œuvres anciennes qu'un touriste considère comme exotiques et qui n'offrent pas forcément la vision de créativité et de fécondité artistique exigée. Il s'agit là d'une vision plutôt unilatérale de l'art. Mais quand on parle de plasticiens professionnels qui s'intéressent essentiellement à la valeur universelle et réelle de l'art et qui cherchent à suivre les nouvelles tendances dans le domaine, à rénover et à révolutionner le courant artistique, ceux-là ont encore des difficultés à faire connaître leurs œuvres et à trouver sur le marché local des acquéreurs qui s'intéressent vraiment aux nouvelles expériences créatrices avant-gardistes. » Reydel Robert, peintre français résidant en Tunisie : « A l'heure actuelle, je pense pas ! Parce que les peintres ne sont pas assez connus. En matière d'art plastique, Il n'y a pas assez de publicité de la part des galeristes ; à ce que je vois, même les médias s'intéressent peu aux arts plastiques en Tunisie. On ne connaît actuellement que les grands noms de peinture. Je connais pourtant un bon nombre de jeunes peintres tunisiens de valeur qui méritent qu'on leur donne un coup de main pour faire connaître leurs œuvres ; ils ont besoin de trouver autour d'eux assez d'espaces culturels et de galeries pour exposer en permanence leurs peintures, cela est très important surtout pour ceux qui n'ont pas les moyens pour faire des expositions ! Il faut aussi acheter de ces peintres pour les encourager à produire davantage et créer une sorte de marché d'arts plastiques, comme on en trouve en Europe, par exemple. » Brahim Azzabi, peintre-plasticien tunisien : « Rares sont les artistes-plasticiens qui vivent de leur art ; la majorité ont souvent recours à d'autres activités pour subvenir à leurs besoins, c'est en général l'enseignement qui est choisi. Mais pour qu'un jour l'artiste puisse vivre de son art, il faut d'abord penser à la création d'un marché artistique qui soit bien structuré et qui puisse faire appel aux hommes d'affaires qui devront investir dans l'art comme ils investissent dans d'autres secteurs économiques : l'art doit faire partie du circuit économique du pays. Faute de quoi, l'artiste doit compter sur ses propres moyens et, éventuellement, sur l'acquisition d'œuvres par le ministère de la culture lors d'une exposition personnelle ou collective, ce qui n'est pas suffisant ! Cependant, les subventions de l'Etat étant insuffisantes dans les arts plastiques, il faudrait désormais impliquer d'autres bailleurs de fonds (banques, assurances…) pour la promotion des arts plastiques dans notre pays ! »