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Dorothea Krimitsas expose les mécanismes de formation de journalistes et leur protection dans les zones de conflit
Droit international humanitaire sous la bannière du CICR
Publié dans Le Temps le 03 - 12 - 2011

•«Le 24 août dernier, nous avons pu évacuer de l'hôtel Rixos de Tripoli une trentaine de journalistes vers un endroit plus sûr.»
Adjointe aux relations publiques au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et également chargée de la protection des professionnels des médias, ainsi que de la hotline pour journalistes en mission périlleuse, Dorothea Krimitsas était récemment en Tunisie pour animer un atelier sur le droit international humanitaire et la protection des journalistes dans les zones de conflit. Un débat s'est ouvert en présence de plusieurs médias tunisiens et nous avons profité de cette occasion pour lui poser quelques questions sur les thématiques liées à l'action humanitaire.
Le Temps : Pourriez-vous nous présenter le CICR ? Sa tâche première et ses principes ?
Dorothea Krimitsas : Je voudrais d'abord rappeler que le CICR est une organisation humanitaire mandatée par la communauté internationale - les 194 pays signataires des Conventions de Genève, donc presque tous les pays du monde - pour protéger et assister les victimes des conflits armés.
Nous sommes présents actuellement dans plus de 60 contextes affectés par des conflits armés – par exemple en Irak, en Israël et dans le Territoire Palestinien occupé, au Soudan, en Somalie, en Afghanistan, aux Philippines, en Colombie, etc. - ainsi que dans d'autres situations dans lesquelles la violence armée a des conséquences humanitaires importantes, notamment dans certains pays en proie aux troubles civils, , comme par exemple en ce moment en Syrie, ou dans des contextes de violence urbaine, comme par exemple en Amérique Latine.
En quoi consiste l'intervention de la Croix Rouge Internationale dans les zones de conflits ? Surtout pour les prisonniers de guerre.
En tant que gardiens du droit international humanitaire, qui est aussi appelé "droit de la guerre", nous veillons à ce que les parties à un conflit, que ce soient les forces armées ou bien des groupes armés non étatiques, respectent leurs obligations, en d'autres termes, qu'elles respectent et protègent les populations civiles. Le droit international humanitaire s'applique en période de conflit armé, interne ou international, et fait la distinction entre civil et combattant. Alors qu'un combattant peut être pris légitimement pour cible, un civil doit être protégé et respecté. Il y a aussi des dispositions qui concernent le traitement des prisonniers de guerre et des détenus, et l'utilisation des moyens de combat. Le CICR fait des interventions auprès des parties au conflit pour tenter de faire respecter ce droit. Sur place, les délégués du CICR portent assistance aux populations civiles, selon leurs besoins. Il s'agit d'assistance médicale, ou de nourriture, ou d'autres biens de première nécessité. Ces activités sont menées avec les Croissants-Rouges ou Croix-Rouge locales lorsque c'est possible. Enfin les visites aux détenus et prisonniers de guerre pour vérifier leurs conditions de détention et leur traitement sont une autre activité importante du CICR.
Quel rôle a joué la Croix Rouge internationale auprès des pays arabes où a éclaté la révolution populaire ? Comment a procédé le CICR dans le Printemps Arabe ?
La priorité dans ces situations est d'aider le personnel de santé local à sauver des vies et à faire en sorte que les personnes qui ont besoin de soins médicaux d'urgence, en particulier celles qui ont été blessées dans les violences, reçoivent l'assistance à laquelle elles ont droit, rapidement et en toute sécurité. C'est une question de vie ou de mort. Chacun doit respecter et protéger le personnel médical, les structures de santé et les véhicules qui transportent les blessés.
En Tunisie, lors de la répression violente des manifestations au début de cette année, le CICR, qui était déjà dans le pays et y visitait les prisons, a proposé son soutien au Croissant-Rouge tunisien. En Egypte, en Syrie, au Yémen, au Bahrein, pour ne donner que quelques exemples, nous avons fourni du matériel médical, ou aidé à former des secouristes et des volontaires du Croissant-Rouge. Nous travaillons main dans la main avec les sociétés de Croissant-Rouge locales, et en fonction du pays, avec les ministères de la Santé ou d'autres entités gouvernementales, voire avec d'autres organisations locales.
Dans des situations de troubles civils, ce n'est pas le droit international humanitaire qui s'applique, mais d'autres normes internationales que les Etats sont tenus à respecter. Nous avons appelé les forces de l'ordre à respecter les normes internationales régissant l'usage de la force lors de leurs interventions et les manifestants ont été appelés au respect de la vie et de la dignité.
Comment veillez-vous à la protection des populations civiles en période de guerre?
Nous nous efforçons de protéger les populations civiles pendant les conflits armés en leur portant assistance sur place, directement ou avec nos partenaires privilégiés qui sont les Croix-Rouge ou les Croissants-Rouges, puisqu'ils font partie du même Mouvement que le CICR et doivent respecter les mêmes principes d'impartialité, de neutralité et d'indépendance, entre autres.
Nous travaillons dans l'urgence pour répondre notamment aux besoins en nourriture, en eau, en soins médicaux. Nous visitons les détenus, nous aidons les personnes séparées par les guerres à se retrouver ou à reprendre contact. En parallèle, nous rappelons aux parties au conflit leurs obligations, en leur remettant des rapports sur la situation et sur d'éventuelles violations, afin de les faire cesser. Il est important de préciser que cette façon de travailler est spécifique au CICR et que nous sommes convaincus – l'expérience l'a démontré – que c'est de cette façon que nous pourrons avoir un impact sur la situation des personnes que nous voulons protéger.
Le Temps : Sur quelle base intervenez-vous dans les pays arabes qui connaissent des troubles internes ? Avez-vous rencontré ou rencontrez-vous actuellement des obstacles ?
Dans les situations de troubles internes, comme c'est le cas dans les pays touchés par le "Printemps Arabe", nous nous appuyons sur notre "droit d'initiative", un droit qui nous a été reconnu aussi par les Etats.
Dans ces cas-là, ce ne sont pas les Conventions de Genève que nous invoquons. Nous ne pouvons intervenir que si les gouvernements concernés acceptent notre offre de services. C'est ce qui s'est passé en Tunisie, en Egypte, au Bahrein ou bien en Syrie, où nous sommes présents et venons de négocier un accord de visites aux détenus, ou en Libye, avant que la situation ne tourne au conflit armé.
Ces situations présentent bien sûr des défis pour une organisation humanitaire, notamment en ce qui concerne l'accès aux blessés et leur évacuation vers des structures médicales par les services de premiers secours. Mais nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour améliorer cet accès, ensemble avec les volontaires des Croissants-Rouges qui font un travail extraordinaire.
Quelle mission vous a le plus marquée?
C'est une question difficile. J'ai passé environ 7 années sur le terrain en tant que déléguée du CICR, d'abord au Rwanda, puis à Gaza, en Jordanie, en Algérie, en Tunisie, au Maroc et au Sahara occidental… Mon activité principale consistait à visiter les détenus pour vérifier leurs conditions de détention et leur traitement. Les circonstances de chaque mission étaient à chaque fois très différentes, mais ce qui m'a marquée, c'est la reconnaissance que m'ont témoignée les détenus et leurs familles, surtout lorsqu'ils n'avaient pas eu de nouvelles et que je pouvais les rassurer en transmettant des nouvelles familiales ou parfois de simples salutations… Ce qui était très difficile, c'était d'annoncer le décès d'un père ou d'une mère à un fils en prison… Ou bien de devoir aller voir des familles dans lesquelles les enfants n'avaient pratiquement jamais connu leur père, détenu depuis leur naissance… A Gaza par exemple, les familles de près de 900 détenus ont été privées de visites de famille depuis juin 2007, suite à la suspension de ces visites par les autorités israéliennes. Des familles entières ont ainsi été coupées d'un lien affectif, moral et physique essentiel, que les visites du CICR ou les messages que nous appelons "Messages Croix-Rouge", et qui sont de brèves nouvelles familiales, ne peuvent jamais remplacer.
Comment œuvrez-vous pour la protection des journalistes en temps de guerre?
Les journalistes sont protégés par le droit humanitaire au même titre que les civils, ils bénéficient donc d'une couverture très large dans les Conventions de Genève et leurs protocoles additionnels, même si le terme "journaliste" n'apparaît que rarement dans ces textes. Nous avons essentiellement deux types d'activités, visant à la prévention et à la protection. Nous sommes d'avis que le droit protège suffisamment les journalistes mais que ce qui fait défaut, c'est l'application de ce droit, sa mise en œuvre concrète. Les Etats sont les premiers responsables de cette mise en œuvre. Ils doivent non seulement respecter ces obligations mais aussi les faire respecter. Cela veut aussi dire poursuivre les éventuels auteurs de violations et les punir. Nous nous efforçons de faire connaître le droit humanitaire aux autorités concernées et nous les aidons à l'intégrer dans leurs législations nationales. Nous encourageons la formation des forces armées et des forces de sécurité au droit international humanitaire. Mais ce n'est pas tout : nous formons également les journalistes eux-mêmes au droit international humanitaire, pour deux raisons : parce que cette connaissance leur permet de renforcer leurs compétences professionnelles, en leur permettant de mieux comprendre les situations auxquelles ils ont affaire. Il faudrait par exemple faire la différence entre un "massacre" (qui n'est d'ailleurs pas un terme juridique) et un "génocide", ou bien de savoir s'ils sont en train de couvrir une situation de conflit armé ou de troubles internes, ce qui est très différent, car le droit qui s'applique n'est pas le même, donc les obligations non plus, et les conséquences sont différentes selon qu'il s'agit de crimes, crimes de guerre ou crimes contre l'humanité… Pour bien faire la différence, il faut décrypter les événements, et c'est ce que nous voulons montrer aux journalistes en leur donnant des outils et des références.
La deuxième raison, c'est que nous voulons que les journalistes comprennent comment ils sont protégés par le droit international humanitaire et quelles sont les limites de cette protection. Lorsque des journalistes sont dans une situation dangereuse, qu'ils ont été arrêtés, blessés, kidnappés, ou qu'ils ont disparu, nous leur offrons la possibilité, ainsi qu'à leurs employeurs et à leurs familles, de nous contacter pour demander notre assistance, par exemple pour aller les visiter en prison ou obtenir des nouvelles.
Avez-vous eu à intervenir récemment durant les révolutions arabes pour aider des journalistes ?
Depuis le début de l'année 2011, nous avons pu venir en aide à une cinquantaine de journalistes, principalement en Libye, soit en les visitant en prison, soit en rétablissant le contact avec leurs proches, ou bien simplement en réussissant à obtenir des autorités des informations les concernant pour pouvoir rassurer leurs familles et leurs employeurs. Le 24 août, nous avons pu évacuer de l'hôtel Rixos à Tripoli une trentaine de journalistes vers un endroit plus sûr. Nous avons pu le faire car nous avions des contacts avec toutes les parties en présence qui connaissaient notre façon de travailler et notre rôle d'organisation humanitaire neutre et indépendante et que nous avons pu négocier le passage aux check-points. Mais c'est loin d'être facile…


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