Le Professeur Raouf Hamza a été enterré, il y a une vingtaine de jours, à Mahdia, sa ville natale. Les représentants des instances académiques, ses amis, ses collègues, ses étudiants, ses compagnons de route et ses voisins étaient nombreux, aux côtés de ses parents, à faire leurs adieux à celui qui les a quittés prématurément, laissant après lui une grande douleur et un vide non moins grand. Historien de premier plan, spécialiste de l'époque contemporaine, le cher disparu a entrepris de nombreuses recherches relatives à l'histoire de la Tunisie avant, pendant et après l'époque du Protectorat. Sa vaste culture et sa grande curiosité intellectuelle l'ont amené à s'intéresser aussi à l'histoire comparative en abordant l'histoire des pays maghrébins et européens. Elles l'amenaient, sans cesse, à trouver le sujet d'étude et l'approche qui apportaient une touche personnelle faisant la valeur de ses publications et de ses interventions orales. Quatre mots pourraient qualifier à la fois la vie et l'œuvre de Raouf Hamza : l'engagement, la passion, la fidélité et la modestie. L'engagement du cher disparu a commencé tôt, au cours de sa vie estudiantine. Il a continué tout au long de sa carrière universitaire. Son étendue dépassait le milieu professionnel et avait une résonance nationale dans différentes sphères. Pouvaient compter sur cet engagement tous ceux qui défendaient une cause juste et essentielle. Une passion évidente animait tout ce que le regretté écrivait et disait à propos de l'histoire, de la réalité jusqu'aux moindres détails de l'environnement social, du patrimoine et des composantes de la vie dans ses manifestations les plus simples. Elle s'appuyait sur une grande intelligence humaine mise au service des hommes. La fidélité couvrait l'attachement aux principes, aux causes nationales et universitaires, aux amitiés et à tout ce qui pouvait mobiliser l'énergie d'un homme foncièrement honnête et doté d'une admirable ouverture d'esprit. Elle l'animait constamment d'une disponibilité sans faille et d'une immense générosité. Une modestie à toute épreuve caractérisait le comportement du cher regretté aussi bien dans la vie privée que dans le cadre de ses activités professionnelles. Cette attitude ne signifiait ni l'effacement ni le désintéressement. Ceux qui la comprenaient savaient qu'elle constituait un trait de caractère fondamental, qui cachait une détermination inébranlable et un dévouement rare. Ces qualités majeures se trouvaient encore réunies, au printemps dernier, dans les dernières interventions publiques du Professeur Raouf Hamza au sujet de la signification de la Révolution tunisienne. A l'occasion d'un article publié dans un journal de la place et d'une conférence donnée dans un cercle académique, le fin connaisseur de la Tunisie contemporaine a donné toute la mesure de sa science et de sa culture. L'attention avec laquelle il a été lu et écouté, en ces deux occasions, et les commentaires admiratifs qui s'en sont suivis témoignaient de l'audience qu'avait le grand historien aux yeux de ses pairs et du large public. On l'aura compris, la disparition du Professeur Raouf Hamza ne constitue pas seulement la perte d'un historien de grande valeur. Il s'agit d'un adieu fait à un véritable intellectuel comme il s'en trouve de moins en moins sous nos murs. La douleur qui s'ensuit n'effacera pas le souvenir vivace que beaucoup garderont du Professeur et de l'ami. Sa trace d'enseignant-chercheur, qui consiste en une œuvre considérable, animera, sans doute, longtemps, l'approche de nombreux collègues et disciples. Elle leur impose un devoir de mémoire dont ils sauront, sans doute, s'acquitter. Houcine Jaïdi Directeur du Département d'Histoire de la Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis