Dans le cadre de ses activités, le Club Culturel Tahar Haddad a organisé vendredi 20 janvier, une rencontre-débat autour du livre de Mohamed Kahlaoui « La bataille du 26 janvier 1978: causes, faits et retombées ». Ce livre paru en janvier 2012 a été d'abord présenté sommairement par Pr. Mondher Marzouki qui laissa la parole à l'auteur du livre, d'en présenter le contenu d'une manière plus explicite. La quatrième de couverture donne au lecteur une idée générale sur ce livre qui passe pour l'une des rares publications qui aient abordé cet événement historique vécu par les Tunisiens : on peut y lire : « le quatrième jeudi de janvier 1978 n'était pas un jour ordinaire. C'était un jour aussi grand que toutes les révoltes et les sacrifices qui y ont eu lieu. Un jour brillant de toute la clarté du sang des martyrs… c'était avec courage et honneur que le peuple tunisien s'est insurgé contre l'exploitation et l'usurpation exercées sur lui par la classe des riches et du pouvoir en place afin de mettre fin à l'injustice sociale et à l'asservissement… Ce jour-là n'était qu'un maillon d'une chaîne de soulèvements populaires survenus avant et après cette date, face au pouvoir et dont les objectifs escomptés seraient réalisés plus tard ». Appelé aussi « Jeudi noir », le 26 janvier 1978 reste un jour mémorable dans l'histoire de la Tunisie, a expliqué le présentateur de l' ouvrage de Mohamed Kahlaoui, le premier à avoir osé écrire sur cet événement dont le parti au pouvoir a toujours essayé de camoufler les faits et les retombées, d'abord le PSD (Parti Socialiste Destourien) avec Bourguiba et plus tard, avec le RCD (Rassemblement pour la Démocratie), sous le règne de Ben Ali. Les générations présentes, a-t-il précisé, ont besoin de connaître cet événement historique où se sont produits de violents incidents provoquant plusieurs dizaines de victimes. L'auteur de ce livre, a-t-il fait remarquer, s'est érigé en historien mais aussi en témoin oculaire, ayant vécu de près ces incidents du « Jeudi noir ». Son analyse des faits repose sur une approche dialectique, qui met l'accent sur les causes et les conséquences de cet événement, moyennant de témoignages sérieux et irréfutables d'éminents syndicalistes anciens. Quant à l'auteur du livre, il a passé en revue les causes socio-économiques et politiques qui ont mené aux affrontements du « jeudi noir » entre le syndicat et le pouvoir en place. Parmi ces causes, il a cité la hausse des prix et la dégradation du niveau de vie, le gel des salaires, la crise du logement et augmentation des loyers, les spéculations commerciales et financières illicites, la loi d'avril 1972, l'échec du contrat sectoriel commun et du pacte social, l'augmentation des impôts, le chômage et l'émigration, l'exode rural et création de ceintures rouges autour de la capitale, l'endettement étranger, la répression exercée sur les syndicalistes, la bureaucratisation à outrance de l'administration publique… D'autres causes remontent à 1969, marquées par l'échec de la politique des coopératives qui a engendré la poussée de la classe des compradores libéraux et leur enrichissement sur le dos des paysans et des ouvriers. En effet, tout cela a contribué à l'enrichissement d'une classe bourgeoise soutenue par l'Etat et à la paupérisation de la classe ouvrière qui constituait la majorité écrasante de la population. Face à tous ces problèmes accumulés durant plusieurs années, la lutte des classes s'est exacerbée et le mouvement syndical, représenté par l'UGTT, a réagi en marquant une forte opposition contre le pouvoir, mobilisant tous les syndicalistes du pays qui ont organisé des manifestations populaires à Tunis et dans les autres régions. L'intransigeance du pouvoir face aux revendications ouvrières a fait que l'UGTT, présidée alors par Habib Achour, décida une grève générale le 26 janvier 1978, la première organisée depuis l'indépendance du pays. La riposte du pouvoir fut très violente : l'armée tira sur les foules faisant plusieurs victimes parmi les manifestants (51 morts selon des sources officielles et entre 300 et 500 selon l'UGTT). L'auteur du livre a montré que la Révolution du 14 janvier 2011 n'était que l'aboutissement de plusieurs soulèvements populaires qui avaient eu lieu auparavant. Ainsi, le « Jeudi noir » a été suivi par les fameuses « émeutes du pain » en 1984 qui ont fait plusieurs morts. Plus tard, il y a eu les événements du bassin minier à Gafsa et Redeyef en 2008, où plusieurs manifestants ont été arrêtés et emprisonnés. Enfin, le peuple a triomphé en janvier 2011, date de la fuite du tyran Ben Ali et la chute de son régime.