Ovations nourries à la fin de la projection de presse du premier documentaire « Waya Rayé » réalisé par Issam Saidi, diplômé de l'Ecole Supérieure des arts du cinéma « ESAC ». Une projection qui a eu lieu mercredi dernier au cinéma le Mondial (comme d'habitude frigorifiée) en présence des journalistes culturels, de professionnels du cinéma ainsi que de l'équipe du film dont le personnage principal Habib Jouini. Au lieu du traditionnel documentaire chargé de divers témoignages sur un sujet phare en l'occurrence et dans le cas d'espèce la musique « Stambali », Issam Saidi a entrepris une véritable écriture scénaristique qui donne une valeur artistique à son œuvre. En effet, le film s'ouvre sur une scène forte : Habib Jouini, musicien noir de Stambali représentant d'une minorité noire originaire de l'Afrique subsaharienne, qui raconte à son fils de 13 ans ses origines. Minorité ethnique, recherche de l'identité et patrimoine en péril sont les thématiques abordées dans ce documentaire de 55 minutes, une sorte de road movie qui va conduire le protagoniste de Tunis à l'ile de Gorée au Sénégal. Grand joueur de Gombri, instrument à trois cordes, Habib Jouini nous fait découvrir ses origines. De son vrai nom Barrnaoui Tombouctaoui, le musicien explique comment ses arrières grands parents, des esclaves du Mali, ont été déportés et vendus à une grande famille tunisoise dénommée Jouini qui les a adoptés en leur donnant son nom. Habib Jouini essaie de sauvegarder le patrimoine musical de sa communauté le «Stambali » qui risque de disparaitre faute de transmission. C'est ainsi qu'il apprend à son fils mais aussi à quelques enfants de sa famille ce genre musical spécifique dans les rituels sacrés da la communauté noire de Tunisie. Mais le rêve de cet homme n'est pas d'aller à la Mecque pour effectuer un pèlerinage ou une « Omra, mais de connaitre ses racines lointaines qui sont à Tombouctou au Mali. « J'aspire à voir au moins cette terre dont je suis issue ». Faute de moyens financiers, le réalisateur ne peut offrir le voyage à Am Habib. Il saisira l'occasion d'un festival artistique à Dakar (Sénégal) auquel il est invité pour découvrir l'ile de Gorée et sa fameuse prison où ont été enfermés des hommes, des femmes et des enfants pour être vendus en esclaves en Europe ou en Amérique. Am Habib vit ce voyage comme un pèlerinage en attendant que son rêve de visiter Tombouctou soit réalisé. Issam Saidi utilise ce rêve avorté comme support scénaristique. Là où le spectateur attend de voir la scène de ce vieux musicien à Tambouctou, le réalisateur l'entraine au Sénégal. Comme cette autre séquence où Am Habib amène son fils à Ennejma Ezzahra pour lui montrer le gombri de son ancêtre exposé au musée, le responsable du Centre de musique méditerranéenne n'était pas au rendez-vous. Issam Saidi crée du suspense à partir de ses manques qui alimentent le film et lui donnent une certaine épaisseur. On attend la suite de ce premier volet assez réussi réalisé pourtant sans la subvention de l'Etat mais avec beaucoup d'audace et de passion.