La Révolution retombe en tristesse. Espoirs déçus. Un démenti au rêve de ceux qui - comme Rousseau - croyaient en un monde meilleur, en une Tunisie libérale, transparente et affranchie du népotisme et de l'affairisme. Or, l'affairisme est encore là. Le laxisme donne le change et, une année après, tout un chacun a comme l'impression qu'il y a deux « Justices », l'une interpellant les boucs émissaires au nom d'un certain ordre public impérieux en jeu et, l'autre, aveugle quand cela lui convient de l'être. Lorsqu'on parle de Justice ici, il faut quand même, faire la nuance : dès lors que nous partons du constat que la Justice n'est pas encore indépendante et que l'appareil judiciaire a, lui-même, besoin de procéder à une certaine « mise à niveau mentale » et coutumière, ce sont tous les rouages de l'Etat qui sont de près ou de loin impliqués dans ce processus communément appelé « processus de transition ». Marzouki disait la dernière fois, pour défendre « son » gouvernement : « Doit-on siffler un attaquant, même de gros calibre, qui ne marque pas dès les 30 premières secondes ? ». A cela, nous répondions, en paraphrasant Poincaré : « Méfiez-vous de la première impression, c'est la bonne ! ». Sans doute, cette ambiance de sinistrose générale est-elle amplifiée par ce que Plantu a dessiné sous le titre : « Les bulles de Tunisie », dans l'édition de l'Express de cette semaine. On ne sait trop par quel mécanisme déclencheur ou plutôt qui a actionné le détonateur contre les médias coupables de ne montrer que la « face miséreuse » de cette Tunisie, dont on oublie qu'elle était patente, occultée, mais réelle et drapée de ce qui s'est révélé être une réelle supercherie : le 26-26 et le 21-21. On demande aux médias de tout comprendre et vite, de ne pas tout dire et, au besoin, d'être complaisants. Sinon, c'est la sempiternelle accusation qui rejaillit : « Vous étiez tous au service de Ben Ali ». Mais, alors, où étaient tous ces tribuns dont certains se livraient à un activisme tous azimuts, sans doute, contrôlé, mais de loin ? Au demeurant, autant nous respectons le militantisme de ceux qui ont physiquement et moralement souffert, des années durant, dans les geôles, autant nous craignons que cela n'ait forgé en eux une espèce de messianisme dont on a bien mesuré l'obstination avec le Sixième Califat de Jebali, avec les appels rédempteurs dans la chair et dans le sang de Chourou, et bien sûr, avec la horde de ces faux-salafistes (parce qu'il faut se référer à la métahistoire de l'Islam pour comprendre ce que c'est que le salafisme). Ce qui est sûr, c'est qu'au sein même d'Ennahdha on joue la dévotion pieuse envers Rached Ghannouchi et celui-ci, en bon tacticien, a raison de chercher à tempérer les ardeurs idéologues de ses « apôtres ». Mais, au fait, et si l'on posait la question de la légitimité de Cheikh Rached lui-même, dans les rouages d'Ennahdha ? Il en est, sans doute, l'un des membres fondateurs. Mais, ses compagnons et ses jeunes admirateurs qui croupissaient dans les prisons, ne peuvent pas s'empêcher de se dire qu'au fond « Cheikh Rached se la coulait tranquille en ces années de braise en Angleterre ». Sauf que pour les besoins de l'unité du mouvement, pour les besoins d'une hiérarchisation très marquée dans les partis islamistes, il faut une figure mythique, quitte à l'inventer. Pour le cas d'Ennahdha, il aura suffi de réinventer Cheikh Rached. Et si l'on sort du champ sémantique religieux pour migrer vers celui, politique, de Machiavel, on aurait appelé cela : « raison d'Etat ». Raouf KHALSI sihem Tiza andalib zarzour babamomes daassi