De notre correspondant particulier à Paris : Zine Elabidine Hamda - Les jeudis de l'Institut du Monde Arabe ont organisé, à l'occasion du 8 mars, une rencontre autour du thème « les femmes dans les révoltes arabes ». Quatre voix féminines et féministes y ont livré leurs vérités et leurs témoignages sur le sort réservé aux femmes dans « les révoltes arabes » en cours. Sérénade Chafik d'Egypte, Sonia Hamza de Tunisie, Hala Kodmani de Syrie et Marjorie Moya de France se sont relayées pour présenter des témoignages et des analyses sous la direction de Ghaïss Jasser, Présidente du Festival international de films de femmes de Créteil et membre du Comité de rédaction de la revue Nouvelles questions féminines. Mme Jasser a introduit les débats en rappelant les luttes des femmes pour la liberté, la dignité et l'égalité au cours de l'histoire et remontant à la Révolution française de 1789 qui a vu Marie-Olympe de Gouges rédiger Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, militer pour les droits civils et politiques et pour l'abolition de l'esclavage des Noirs, et finir…guillotinée en 1793. Elle a ensuite rappelé le combat de certaines femmes emblématiques comme Djamila Bouhired, Hanane Achraoui, Leila Chahid et la Yéménite Tawakkul Karman, Prix Nobel de la paix 2011. « Les femmes dans le monde entier ont compris que c'est toujours le moment de revendiquer l'égalité », a-t-elle conclu. Sérénade Chafik, féministe et essayiste franco-égyptienne, auteure de plusieurs essais dont Répudiation, Femme et mère en Egypte, Loin des splendeurs pharaoniques, la terrible réalité (Ed. Michel Lafon) est membre du « Manifeste des Libertés ». Elle a présenté la révolution de la place Tahrir en mettant l'accent sur la fraternisation entre les hommes et les femmes, leur créativité. Sans faire de distinction entre le combat des hommes et des femmes, elle a rappelé qu'actuellement plus de 13.000 révolutionnaires croupissent dans les geôles de l'armée, que 502 révolutionnaires ont déjà été traduits devant des tribunaux militaires. Un traitement spécial est réservé aux femmes par les forces de l'ordre : le test de virginité appliqué systématiquement à toutes celles qui sont arrêtées. « Selon la loi française, un doigté vaginal appliqué de force est un viol », a-t-elle scandé. Cette pratique s'ajoute à celle de l'excision qui, selon Mme Chafik, touche plus de 90% des filles d'Egypte. « Depuis les années 1970, une vague d'islamisation dont l'unique référence de pensée est un islam teinté de pétrodollars » a envahi la société égyptienne. « La charia n'est utilisée que dans le cadre du code du statut personnel, et concerne uniquement la négation des droits des femmes », a-t-elle ajouté. Les promesses de mixité apportées par la révolution cachent la terreur qui s'abat sur les femmes. A titre, d'exemple, elle cite le cas de femmes coptes obligées de porter le voile « islamique » en dehors de leurs maisons pour éviter d'être réprimandées, agressées ou même violées. La tunisienne Sonia Hamza, secrétaire générale de l'association « Uni(e)s-Vers-Elles », association féministe, mixte et laïque, a rappelé la participation des femmes tunisiennes à la révolution du 14 janvier mettant l'accent sur les slogans universels de liberté, de dignité, d'égalité brandis par les révolutionnaires. « Contrairement aux autres pays arabes où les femmes se battent pour l'égalité de droits, en Tunisie, les femmes ont quelque chose à perdre », a averti Mme Hamza. Le Code du Statut Personnel tunisien est une véritable avancée, exemple unique dans le monde arabe. Mais, depuis l'élection de l'Assemblée nationale constituante, les droits des femmes sont menacés. Des thématiques nouvelles sont introduites (le mariage coutumier, le recours à la charia, le niqab) qui constituent une menace certaine. C'est pourquoi, elle recommande la vigilance d'autant plus que les partis dits démocratiques, à l'exception d'un seul, n'ont pas donné à la parité la place qui convient pour aider à la représentativité des femmes. « En Syrie, on vit des jours de barbarie » Le colloque a pris une autre dimension avec l'intervention de Hala Kodmani. Journaliste à Libération, elle a été successivement attachée de presse de Boutros Boutros-Ghali à l'Organisation internationale de la francophone, puis rédactrice en chef à France 24. Elle préside l'association française Souria Horria (Syrie Liberté) qui milite pour le renversement du régime de Bachar El-Assad. Elle a choisi de livrer des témoignages qu'elle a recueillis auprès de victimes syriennes, non pour analyser les événements, mais pour illustrer de façon concrète l'horreur. « En Syrie, on vit des jours de barbarie », a-t-elle lancé. Elle a rapporté le cas d'une vingtaine de femmes syriennes arrêtées à Baba Amr à Homs, rassemblées dans une salle de fêtes, devenue pour un moment refuge des insurgés, puis transformée par les milices du pouvoir en prison. C'est un lieu de rassemblement des femmes que les miliciens attaquent et violent à tour de rôle. Celles qui se refusent sont systématiquement exécutées. Elle a ensuite présenté le combat de deux femmes, Saouhayr Attassi et Razan Zeitouni, deux pasionarias qui sont initiatrices et organisatrices de manifestations pacifiques. Enfin, elle a rendu hommage à toutes les femmes qui arrivent à « se soustraire à leur appartenance communautaire », à rejoindre les insurgés, comme Fadwa Souleyman, réfugièe à Homs, ou Samar Yazbek, comédienne, signataire de l'Appel des femmes arabes, et Rima Flaihane, militante druze qui a dénoncé le chantage communautaire exercé par le régime. Elle a ensuite communiqué le témoignage d'Om Mohammed, mère de huit garçons, dans la banlieue de Damas. « Elle qui n'a jamais mis les pieds dehors, sort aujourd'hui tous les jours pour aider ses sept enfants qui ont rejoint le rang des révolutionnaires, usant de tous les stratagèmes pour les cacher ou dissimuler leur identité », a précisé Mme Kodmani. La fin du colloque a introduit l'idée d'un « féminisme islamique », idée présentée par la doctorante Marjorie Moya, qui concernerait des femmes islamistes dont le combat se concentre sur l'accès à l'éducation et au savoir. Mais les participants au débat ont écarté cette idée, considérant que l'émancipation des femmes ne peut avoir de sens sans la revendication de l'égalité. Tous les autres doits sont des droits universels partagés par hommes et femmes.