Elle l'a échappé belle. Sauvée de justesse, la jeune fille, au moment où elle se croyait irrémédiablement perdue. Une paire d'yeux alertes, un flair apparemment infaillible et une formation professionnelle, d'un autre côté, ont fait qu'elle soit arrachée des mains de ses bourreaux. Au départ, la jeune fille en question, la vingtaine, était à la station d'un bus régulier, mais elle a pris l'habitude néanmoins d'emprunter, lorsque les circonstances l'exigent, un de ces véhicules de transport collectif, travaillant à la pièce. C'était moins commode que les transports en commun, et moins sécurisé également, hélas elle s'est trouvée souvent prise dans l'engrenage du temps filant inexorablement, donc acculée à prendre place dans ces voitures, coincée entre deux bipèdes. Le jour des faits, aux environs de huit heures du soir, elle était là, à attendre impatiemment l'arrivée de l'un des deux moyens de transport disponibles dans le coin. Subitement, elle fut envahie par un mauvais pressentiment, avec un léger pincement au cœur. Une soudaine terreur, silencieuse mais oppressante lui tenaillait les entrailles et montait pour lui serrer la gorge. Pourtant, rien à l'horizon, personne en vue, aucun bruit non plus, à l'exception du froufrou des feuilles dans les arbres proches, à toucher l'abri-station. Malheureusement pour elle, son sixième sens a fini par prévaloir, puisque s'avérant exact, d'autant que le danger qui la guettait était très proche, incarné en fin de compte par quatre individus en embuscade derrière la petite végétation, juste de l'autre côté de la station. Rapidement, deux membres du quatuor se sont détachés de leurs complices, venant directement vers elle et l'empoignant sans le moindre ménagement. Les deux autres sont restés en faction, à faire le guet. En cas de pépin, évidemment. Mais l'escapade des deux premiers types s'est passée sans anicroche, la fille les ayant suivis sans esquisser le moindre geste de défense, sans aucune intention de rébellion, non plus. Que pouvait-elle, d'ailleurs, face à quatre paires de bras l'étreignant sauvagement et dont l'objectif était de la traîner à l'écart, au fin fond de la végétation. Pour le malheur des assaillants, un témoin invisible avait cependant suivi la scène de loin, réalisant au passage le sale dessein des quatre gaillards. La fille captive et non moins soumise était apparemment née sous une bonne étoile, car le témoin en question n'était autre qu'un policier, certes en dehors de ses heures de service, mais n'hésitant pas à contacter ses collègues, en tournée, eux, quelque part, pour les mettre au courant du kidnapping dont il a été témoin. Aussitôt, c'est la chasse, la recherche frénétique de la bande et leur proie. Les auxiliaires de la justice n'ont d'ailleurs pas mis longtemps avant de localiser le groupe, mais les malfaiteurs sentant le danger ont fini par lâcher leur prise, ne cherchant plus que leur salut. Une chasse à l'homme s'en suit, permettant aux forces de l'ordre de procéder à l'arrestation des fuyards, ceux-ci avouant leur forfait, précisant qu'ils n'ont point planifié leur coup, mais l'idée d'enlever la fille et d'abuser d'elle leur était venue subitement en la voyant seule à la station. Pour l'heure, les rôles sont désormais inversés, puisque ce sont eux qui sont seuls à l'ombre d'une cellule, attendant de passer incessamment en jugement. Ils auront assez de temps pour méditer à leur futur sort, d'autant qu'ils sont des repris de justice, dont deux ayant bénéficié d'une amnistie récemment… Mansour BEN AHMED Abou Jlai