Par Khaled Guezmir - Décidément, ce Cheikh n'est pas comme les autres ! Franc, et sympathique, visionnaire et amusant, c'est un vrai must à la « Tunisienne ». A chacune de ses apparitions c'est un régal, pour les yeux par son élégance personnelle et vestimentaire, qui nous rappelle nos maîtres de la Zitouna, et pour l'esprit, par sa dialectique d'ouverture et de tolérance qui réconcilie l'Islam politique avec son temps. Avant-hier, dans « Témoin et témoignages » (Chahed wa chawahed), la brillante journaliste de la TV Nationale, Insaf Yahiaoui, a convié le Cheikh pour parler de son parcours de militant islamiste et fondateur du parti de la « Nahdha » et compagnon de route de l'incontournable Cheikh Rached Ghannouchi, auréolé rien que cette semaine par le magazine « Time », qui le place parmi les 100 personnalités les plus influentes du monde ! Au moins, un Tunisien qui compte dans ce globe, avec l'espoir qu'il contribuera sérieusement et honnêtement à mettre la Tunisie au rythme de la terre ! Mais, pour cela, il devrait au moins et d'abord, écouter son « ami » des bons et mauvais jours. Si Abdelfattah Mourou qui ne manque pas d'idées ni de stratégie ! Revenons aux choses sérieuses ! Au fond, quelle est la question centrale qui se pose à l'islamisme politique aujourd'hui. A notre avis, il faut aller droit au but que ça plaise ou ne plaise pas aux maîtres de la rhétorique islamique qui veulent à tout prix « réislamiser » les pauvres musulmans que nous sommes, changer le mode de vie des Tunisiens acquis depuis Carthage à ce jour, et remettre ce pays dans le giron de l'Orient obscurantiste malgré lui. Par conséquent, le véritable défi c'est de concevoir un système démocratique et social inspiré et l'Islam… mais lequel, celui de M. Ghoneim, de M.Karadhaoui, de M. Ramadhan, de M. Ali Khameïni d'Iran, ou même de nos vénérés ulémas de la « Zitouna » ! Au niveau des principes fondateurs et des textes sacrés de l'Islam, a toujours été démocratique, tolérant et protecteur des droits naturels de l'Homme. Mais là, où le bât blesse, c'est qu'à ce jour aucun système politique au monde inspiré par l'Islam, n'est « démocratique » au sens occidental du terme et même en Turquie c'est la modernisation laïque qui a précédé et porté au pouvoir l'islamisme démocratique d'Erdogan, et non l'inverse ! Il reste évident que pour bon nombre de leaders islamistes et prédicateurs enthousiastes, la démocratie libérale et sociale occidentale n'est pas la seule référence à la « démocratie ». On peut imaginer une forme de « démocratie islamique » qui pourrait allier les préceptes de l'Islam et les appels de la modernité mondiale ; Je veux bien et le Cheikh Rached Ghannouchi vient encore une fois de l'affirmer dans une interview intéressante parue chez notre confrère « Attounoussiya ». Mais, alors, pourquoi cette acceptation « complice » des salafistes et de l'Islam radical qui rejette tout court, les bases mêmes de la démocratie classique. Pourquoi laisse-t-on certains cadres de la Nahdha cultiver l'amalgame et le doute. Il apparaît clairement que la frontière entre l'islam politique despotique et l'islam politique démocratique n'est pas encore tracée pour la simple raison que nous avons développée précédemment : C'est qu'il n'y a pas à ce jour, de système politique islamiste démocratique en dehors de la Turquie. Cheikh Mourou l'a compris et bien compris ! Il n'y a pas de « démocratie » en dehors de la « démocratie », qui est développée depuis plus de 3000 ans par la Grèce antique, les religions monothéistes dont l'Islam à leurs époques, les théoriciens du contrat social depuis John Locke, les révolutions américaine, anglaise et française ! S'accrocher à un mythe celui de créer « notre propre modèle démocratique » adapté à l'identité c'est refaire le cheminement de tous les idéologues de l'absolutisme, de Staline à Mao, de Assad à Moubarak en passant par Ben Ali ! Tous ces dictateurs, qui ont gouverné la terre, ont fait croire à leurs peuples qu'ils voulaient créer un modèle « local » de démocratie ! A l'Est, on l'appelait « démocratie populaire ». Au Sud, on l'appelait « démocratie nationale », et maintenant on nous propose la « démocratie islamique » dont pas mal de dictatures dans le monde arabe en portent encore le nom ! Bravo,donc, au Cheikh Abdelfattah Mourou qui a osé prendre le taureau par les cornes et dire à ses anciens amis et actuels gouvernants, tout simplement : C'est aux Musulmans de s'adapter à la démocratie et non le contraire ! C'est l'Islam politique qui doit devenir démocratique et non pas à la démocratie de devenir islamique ! A méditer.