Par Khaled Guezmir - Un caricaturiste génial, Lotfi Ben Sassi a suggéré à la Une d'un confrère d'ouvrir une enquête sur la non-violence et le civisme des Tunisiens lors du 1er mai 2012 ! Voilà où nous en sommes arrivés ! Vouloir comprendre comment on peut organiser trois manifs sur les avenues Bourguiba et Mohamed V, rassemblant des milliers de travailleurs et des personnes de tous les partis sans casser un verre, et comment, lorsque une centaine d'hommes et de femmes de théâtre se ressemblent devant la bonbonnière du Théâtre municipal, pour célébrer leur Journée mondiale, ils se font tabasser par des « inconnus » (sic) que la société se doit d'accepter (resic) ! Le peuple des travailleurs, des intellectuels et des démocrates de la société civile ont donné une réponse cinglante en forme de leçon magistrale à toute la classe politique et ses dirigeants actuels et futurs : faites plus d'économie et moins de politique. Faites disparaître vos milices de l'espace public et ramenez la violence légale à son seul détenteur légitime, l'Etat, et encore à condition de n'en user que conformément à la loi ! Ceux qui ont voulu remettre en marche le « totalitarisme », en assujettissant la presse et les médias publics, l'administration centrale et régionale pour en refaire des organes de propagande et d'exécution du parti dominant devraient à leur tour tirer la leçon de ce 1er Mai 2012 en renonçant à leur projet de remodeler la manière d'être et de vivre des Tunisiennes et des Tunisiens sans leur adhésion. On ne conduit pas les gens au « paradis » contre leur gré… même la religion l'interdit…, et encore plus la science politique ! Toute action idéologique qui a pour but de remodeler la société doit jouir d'un haut degré d'acceptabilité. Or, plus des deux tiers des Tunisiens ne veulent pas de la « réorientalisation » de la Tunisie. Ils n'acceptent pas le bourrage de crâne des prédicateurs d'Orient qui ont élu domicile dans ce pays avec un « visa d'entrée indéterminée ». La Tunisie veut être et demeurer le pays de la tolérance, de la fraternité et de l'ouverture sur toutes les civilisations de la terre et surtout de la liberté ! Même le Premier ministre, Si Hamadi Jebali, a réaffirmé, cette semaine, que « l'ère de la mise sous tutelle de l'information est résolue ». Merci M. le Premier ministre. Nous en sommes les premiers convaincus, mais il faut en convaincre aussi votre entourage et vos conseillers ainsi que certains cadres de votre parti. Les dérives politiques des quatre derniers mois ont fait plus de mal à votre mouvement que les « attaques » de toutes les oppositions confondues. Mme Naziha Rejiba (alias Om Zied), grande militante pour la liberté et des droits de l'Homme et qui n'est pas votre ennemie, vous a donné de bons conseils…. et elle n'est pas la seule ! Ecoutez-là, Excellence, et vous verrez qu'il n'a jamais été question de culpabiliser « Ennahdha » pour le bon plaisir de faire de l'opposition ou de faire échouer l'action du gouvernement. Bien au contraire, tout le monde vous encourage à foncer sur l'économique et le social et de faire en sorte que la population sente que les choses évoluent favorablement. Pour la politique, ce que demande la société civile et démocratique, c'est tout simplement un « moins d'Etat », ce que le professeur et politiste français Roger Gérard Shwartzenberg désigne par le « sur-pouvoir ». Les Tunisiens ne veulent plus de « sur-pouvoir » de l'exécutif qui mène à travers le « Parti-Etat » à un nouveau totalitarisme. Ils en ont ras-le-bol des Ben Ali et ses semblables, ses serviteurs et ses partis en carton qui reflètent ce que Edward Shils, le politiste américain, désigne par « démocratie sous tutelle ». Ils veulent une démocratie à l'image de ce 1er Mai 2012, mémorable, parce que non violent, fraternel, différencié et respectueux de l'autre. En un mot, nous voulons une Tunisie propriété de tous ses enfants et un Etat propriété des « citoyens » et pas des gouvernants quels qu'ils soient ! Le reste c'est le mérite qui le détermine comme au temps de Carthage ! Relisons la Constitution punique écrite cinq siècles avant J-C par nos ancêtres, les Carthaginois, elle donne la prééminence au mérite pour pourvoir aux hautes charges de l'Etat, et non à la fortune ou aux castes religieuses et civiles. Si la Nahdha veut marquer l'histoire moderne de ce pays, elle doit activement participer à l'édification d'une véritable démocratie civile irréversible, sans arrière-pensée, ni ruse, ni manœuvre, et après cela si elle gagne les prochaines élections à la loyale, personne ne pourra lui contester cette légitimité. Mais pour cela, il faut commencer par remettre sur pieds la commission indépendante pour les élections de M. Kamel Jendoubi sans la traumatiser et la renvoyer à nouveau au « purgatoire » de la majorité à l'Assemblée Nationale Constituante ! Attention, ceux qui croient que les Tunisiens sont « naïfs » pour leur faire avaler, à nouveau, des couleuvres se trompent d'époque ! et comme le dit si bien le proverbe populaire : « Attounsi warrih al Hsira, yesbekek li jamaâ ! » (Le Tunisien vous lui montrez la natte de prière, il vous devance à la mosquée »… ! K.G juliejolie Hakim jamel sihem