Pour eux les indemnisations profiteront essentiellement aux Islamistes d'Ennahdha Des anciens prisonniers politiques de gauche font circuler, depuis lundi, une pétition dans laquelle ils refusent de recevoir les indemnisations réservées aux victimes de la torture et aux prisonniers politiques sous le règne de Ben Ali et de Bourguiba. Jusqu'à hier, la pétition a été signée par une soixantaine d'ex détenus politiques de gauche, a-t-on appris auprès du militant de gauche Salah Zeghidi, l'un des signataires de la pétition. Parmi les autres signataires figurent notamment le secrétaire général du parti Socialiste de gauche, Mohamed Kilani, l'actuel membre du comité directeur de la Ligue Tunisienne pour la Défense des Droits de l'Homme (LTDH), Mohamed Salah Khériji, et l'universitaire, Moncef Ben Slimane. Précision de taille: le secrétaire général du parti Ouvrier Communiste de Tunisie (PCOT) , Hamma Hammami, qui fut le premier à avoir déclaré qu'il refuse toute réparation pour les années qu'il a passées dans les geôles de ben Ali, n'a pas encore signé cette pétition. Outre le refus de tout dédommagement pour les années qu'ils ont passées en prison, les signataires de la pétition dénoncent l'allocation de 750 millions de dinars à la réparation et l'adaptation des anciens prisonniers politiques en ces temps de fortes pressions sur le budget de l'Etat. «D'un côté, le gouvernement justifie le gel des salaires par un grand manque de ressources financières et de l'autre il est prêt à verser la somme colossale de 750 millions de dinars à des prisonniers politiques», peste Salah Zeghidi. Et d'ajouter: « Il est inadmissible pour nous d'accepter de recevoir cet argent à l'heure où des milliers de familles tunisiennes ne trouvent rien à mettre sous la dent». Plus de 30. 000 personnes à dédommager M. Zeghidi précise, par ailleurs, que les indemnisations profiteront incontestablement en premier lieu aux islamistes d'Ennahdha. «Il est scandaleux de voir les gens qui détiennent le pouvoir actuellement penser à percevoir des dédommagements pour avoir lutté contre la dictature avant de songer à résoudre les autres problèmes du pays », rétorque-t-il, indiquant que les islamistes disaient qu'ils luttaient par amour de Dieu. A noter qu'un congrès organisé tout récemment à Tunis à l'initiative de la Fondation Temimi pour la Recherche Scientifique et l'Information et de la fondation allemande Konrad et du Comité de lutte contre la Torture en Tunisie du congrès sur le thème « Torture et répression au Maghreb depuis les indépendances », a chiffré le nombre de personnes victimes de torture et des prisonniers politiques à dédommager à plus de 30.000. Ce congrès a insisté dans sa déclaration finale sur la nécessité de dédommager ces personnes tout en recommandant à l'Etat tunisien de créer un fonds spécial à cet effet. Les participants à ce congrès ont rappelé que tous les pays ayant connu des révolutions ou des brusques bouleversements politiques ont accordé des réparations aux victimes de torture et des mauvais traitements. En Afrique du Sud, plus de 500 millions de dollars avaient été consacrés à l'indemnisation des victimes de l'apartheid par une Commission vérité et réconciliation. Au Maroc, l' instance équité et réconciliation a également octroyé des indemnisations à des milliers de personnes, estimant que les victimes de la torture, de la disparition forcée et de la détention arbitraire gardent des séquelles indélébiles, dans leur corps et dans leur âme, plusieurs années après leur libération.