Des membres de l'Assemblée Nationale Constituante (ANC) appartenant au Congrès pour la République (CPR), avant qu'il ne soit scindé en deux, ont déposé, le 17 avril dernier, un projet de loi au bureau d'ordre de l'ANC cherchant à bannir les Rcédistes de tout droit d'appartenir à des partis politiques durant cinq ans, chose que plusieurs observateurs jugent rocambolesque. Ce projet de loi, constitué d'un seul article, empêche tous ceux qui ont assumé des responsabilités politiques durant la période allant du 7 novembre 1987 au 14 janvier 2011, comme membre de gouvernement , secrétaires généraux ou secrétaires généraux adjoints du RCD, secrétaires généraux de comités de coordination ou président de cellules de faire partie d'un parti politique. Cette sanction qui a bien l'air d'être une les mettra hors-jeu tout au long de cinq longues années (certains proposent 10). C'est en quelque sorte une malédiction s'apparentant à une traversée forcée du désert. Ce projet a été discuté, dernièrement, au sein de la Commission des Droits et des Libertés au sein de la Constituante. Même s'il a gagné le soutien de plusieurs membres nahdhaouis de la Commission, il n'a pu conquérir l'unanimité. Parallèlement aux débats au sein de cette commission, les parti « Al Moubadara », le parti National Tunisien et le parti National libre ont manifesté leur refus de ce projet d'exclusion des Destouriens et des Rcédistes de la vie politique. Ils considèrent qu'il s'agit là d'une punition collective et d'une atteinte aux libertés publiques et individuelles, contraire aux Droits de l'Homme les plus élémentaires. Ils pensent que c'est un précédent dangereux, qui n'a pas d'équivalent dans l'histoire contemporaine. Ils rappellent qu'ils ont été déjà punis par l'article 15 qui les avait privés de présenter leurs candidatures aux élections de la Constituante. C'était une mesure limitée dans le temps et réservée aux élections du 23 octobre. Ils précisent que les empêcher d'appartenir à un parti politique les prive de leurs droits de citoyens. Ils rappellent que ces droits ne peuvent être retirés que par des jugements prononcés par des tribunaux. Seul le pouvoir judiciaire peut priver des Tunisiens de leurs droits civiques et politiques. L'exclusion et les punitions collectives ne sont pas conformes aux valeurs de tolérance de l'Islam. Ils rappellent que les exclure par les nouveaux gouvernants ne fait que reproduire les injustices de la période dictatoriale. Ils pensent que le pays a besoin d'apaisement, de dépassement des intérêts partisans… Le bureau de l'Assemblée Nationale Constituante doit examiner le projet et décider de le présenter ou non aux débats en plénière. C'est une position politique qui dépend de la bonne volonté et du bon vouloir des gouvernants. Le paradoxe est que les Rcédiste sont convoités par Ennahdha et les autres. Lorsqu'ils veulent militer pour leur propre compte, certains veulent les en priver. Une année et demie après la Révolution va-t-on continuer à exclure par la loi au lieu de le faire à travers les urnes ? Va-t-on laisser jouer l'émulation loyale entre partis politiques ? Ou va-t-on opter pour l'exclusion et profiter du vide? Les prochains jours en diront plus.