Par Chokri BEN NESSIR Le projet d'amendement de l'article 319 du Code pénal est l'objet de débats. Toutefois, si d'aucuns estiment que l'élimination du fameux paragraphe qui énonce que «la correction infligée à un enfant par les personnes ayant autorité sur lui n'est pas punissable», vient à point nommé élever davantage les droits de l'enfant à un statut supérieur, d'autres, adeptes de la tape, ce grand classique de l'autorité parentale, y voient une ingérence dans une affaire familiale et privée estimant que le choix d'une punition modérée devrait appartenir aux parents. Or, ce vent de puritanisme éducatif souffle à tort dans notre pays, puisque la suppression de cette phrase, objet de ces controverses, n'équivaut pas à une punition systématique des parents qui exerceraient leur droit éducatif. Elle n'énonce pas non plus que le droit à l'éducation des enfants disparaîtra des annales de nos préceptes moraux. Il s'agit d'un projet de loi qui découle de cette vision universelle dans la consécration des droits de l'enfant et à laquelle adhère pleinement notre pays par le biais de la ratification de plusieurs conventions internationales et qui n'est pas en opposition avec nos us et coutumes en la matière qui rejettent en général le recours à la violence dans les affaires familiales. Ce projet tend à renforcer le statut des enfants et leur droit à la protection et à l'éducation dans le contexte des grandes orientations nationales, qui ont fait des droits de l'Homme de nobles idéaux qui consacrent la volonté du Tunisien et lui permettent d'accéder à un meilleur vécu, et ce, conformément aux valeurs humaines universelles. Il est d'ailleurs de bon ton de relever que les méthodes éducatives reconnues ne limitent pas le droit à la correction des enfants à la simple punition corporelle qu'il s'agisse de petites tapes ou autres mais englobent bien d'autres moyens à même de remettre les enfants sur la bonne voie sans pour autant recourir à la force physique ou morale pour faire prédominer la discipline. Les pédopsychologues ont démontré, en effet, que les pratiques éducatives qui reposaient sur la répression sont devenues synonymes de «pédagogie noire» et illustrent de façon éloquente l'échec dans l'établissement d'une relation parfaite entre les parents et les enfants. De plus, les risques du recours à la violence dans l'éducation des enfants peut engendrer des blessures graves et des séquelles pouvant causer des handicaps physiques aux enfants. Ce mode de maltraitance serait aussi plus tard à l'origine d'attitudes agressives de la part d'enfants devenus adultes qui se sont habitués à un mode de communication violent. C'est qu'un tel projet sur la bientraitance des enfants s'inscrit dans le cadre d'une vision universelle des droits de l'enfant et s'adosse à un choix national, celui d'élever l'enfant dans la fierté de son identité , la fidélité et la loyauté à la Tunisie, terre, histoire et acquis, et le sentiment d'appartenance civilisationnelle, et ce, au niveau national, maghrébin, arabe et islamique tout en s'imprégnant de la culture de la fraternité humaine et de l'ouverture à l'autre. Il s'appuie à cet effet sur un ensemble de références dont l'article 5 de la Constitution qui garantit l'intégrité physique des personnes y compris les enfants et l'article 24 du Code de la protection de l'enfant qui consacre la protection de l'enfant contre la torture et toutes autres formes de sévices et châtiments physiques. Ce projet de loi est également en parfaite concorde avec l'esprit de l'article 19 de la Convention des Nations unies sur les droits des enfants qui reconnaît le droit de l'enfant à la protection contre toute forme de violence ou préjudice, ou atteinte physique ou psychique. Aussi, il cadre parfaitement avec notre politique législative qui tend à consacrer davantage l'aspect moderniste du Code du statut personnel qui, depuis 1993, aspire à convertir l'autorité parentale ferme dans la relation entre les parents et les enfants à une responsabilité commune entre les époux dans l'éducation des enfants et la gestion de leurs affaires sur la base du dialogue et de l'entente cordiale et de l'exclusion de toute forme de violence pour régir les relations familiales. Vues sous cet angle, les finalités de ce projet de loi sont donc de promouvoir l'enfance, tout en tenant compte de ses spécificités caractérisant ses possibilités physiques, ses penchants affectifs, ses capacités intellectuelles et son savoir-faire, à un niveau de protection garantissant la préparation des générations futures, et ce, en prenant soin des enfants. Il balise la voie à la préparation de l'enfant à une vie libre et responsable dans une société civile solidaire, fondée sur l'indissociabilité entre la conscience des droits et le respect des devoirs, où prévalent les valeurs de l'équité, de la tolérance et de la modération. En effet, dans l'ère nouvelle, l'intérêt supérieur de l'enfant est une considération majeure où son harmonie et l'équilibre de sa personnalité, sa participation à tout ce qui le concerne par les moyens appropriés, de manière à ce qu'il acquiert les vertus du travail, de l'initiative, les valeurs de l'effort personnel et le sens de l'auto-responsabilité sont des droits inaliénables. C'est d'ailleurs l'une des raisons qui a fait que ce projet de loi a été salué lors de la discussion du troisième rapport périodique de la Tunisie par la Commission internationale des droits de l'enfant, qui a souligné que c'est un nouveau pas positif dans une meilleure consécration des droits de l'enfant. Pour sa part, l'Unicef n'a pas manqué non plus d'applaudir l'apport bénéfique de ce projet de loi, affirmant par la même occasion que «La Tunisie représente pour l'Unicef, un pays qui a une place axiale dans la région étant donné ses acquis et ce qu'il a réalisé comme succès dans le domaine de la promotion du statut de la femme et de la protection de l'enfance».