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Jules Ferry, partisan de l'éducation, artisan de la colonisation
Ambivalences françaises
Publié dans Le Temps le 18 - 05 - 2012

Par Safwene Grira, Journaliste et analyste politique
Nombre d'amis tunisiens, pour qui l'étude de l'Histoire demeure d'un intérêt certain, ont cru devoir rappeler devant l'hommage rendu par M. Hollande à Jules Ferry* dans son discours d'investiture, que ce dernier était également celui qui décida l'aliénation de la Régence de Tunis.
Certains seraient même allés jusqu'à détecter une mentalité de tutelle encore présente, quoique refoulée, chez nos voisins du nord de la Méditerranée n'eurent été les réserves apportées par M. Hollande quant à la double facette du personnage.
Il va sans dire que les propos de M. Hollande n'avaient pour intention que de rendre hommage à l'homme d'instruction qu'était Jules Ferry et qu'il avait pris bien soin de condamner «ses égarements politiques» en considérant que la défense de la colonisation fut de sa part «une faute morale et politique». En outre, il est inconcevable à mon sens de demander à M. Hollande de renoncer à citer l'un des hommes qui ont marqué l'histoire de son pays pour la simple raison que cela rappellerait aux Tunisiens quelques douloureux souvenirs. Néanmoins, il demeure tout à fait du droit de l'opinion publique tunisienne de considérer Jules Ferry, pour peu qu'elle le connaisse, comme un triste Sire qui contribua aux malheurs de nos aïeuls en ce qu'il fut également l'artisan du protectorat qui s'établit dans notre pays en 1881. Quelques uns considèrent même qu'il n'était mû dans sa funeste entreprise que par des considérations purement racistes. Ils citent à l'appui de leur thèse le discours prononcé par Jules Ferry le 28 juillet 1885 devant la Chambre des députés dans lequel il dit:
«Messieurs, il y a un second point, un second ordre d'idées que je dois également aborder, le plus rapidement possible, croyez-le bien : c'est le côté humanitaire et civilisateur de la question (...) II faut dire ouvertement qu'en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. (...) Je répète qu'il y a pour les races supérieures un droit, parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures»
Un protectorat fondamentalement raciste ?
Loin de moi l'idée de défendre Jules Ferry, cette entreprise est un terrain vaseux dans lequel il ne convient pas de m'aventurer. Il semblerait tout de même, pour quiconque lirait l'Histoire, que la dimension raciale dans la politique expansionniste de Jules Ferry n'était pas primordiale. Le véritable fondement de la politique expansionniste fut surtout économique et politique. Faut-il rappeler que dans le contexte de récession économique que vivait l'Europe (1873-1896) il demeurait primordial de trouver de nouveaux débouchés en pariant sur de nouvelles catégories de consommateurs ? Seule cette option, paraissait aux dirigeants de l'époque susceptible de liquider les produits entassés sur le marché interne qu'on ne pouvait exporter en Europe en raison de nombre de mesures protectionnistes.
On comprend dans ces conditions que l'allusion au devoir des peuples civilisés envers les peuples qui le sont moins n'était qu'un habillage de gauche à une politique «capitaliste». C'est qu'à l'époque, tant la Chambre des députés (100 députés) que le Sénat (50) entretenaient des relations privilégiées avec le monde des affaires. Le Gouvernement étant sous la IIIème République asservi à la volonté du Parlement, c'était finalement le choix rapace des grands conglomérats d'affaires qui prévalut. Un article paru au Petit Parisien le 29 septembre 1881 est à ce titre fort significatif. On peut y lire que la responsabilité de l'intervention militaire en Tunisie échut principalement aux grandes sociétés financières. Que, fait remarquable, la première des mesures prises par l'armée française fut d'établir son contrôle sur la zone d'Enfidha et ce, pour asseoir les revendications de la société du «Crédit Marseillais» qui cherchait l'obtention d'un titre foncier des terres qu'elle avait acquises en 1880 du Ministre Kheireddine.
Prétendre civiliser les Tunisiens pour pouvoir vaincre les récalcitrants:
Mais Jules Ferry avait également besoin d'apporter une justification supplémentaire à l'opinion publique française en jouant sur cette fibre «civilisationnelle». Faut-il rappeler que tant la presse française qu'un grand nombre de français étaient opposés à une expansion coloniale en Tunisie. Pourquoi ? Parce qu'ils pensaient, à tort ou à raison, que cette démarche allait affecter leurs alliances européennes dans un contexte où tout leur souci était de préparer une guerre vindicative contre les Allemands et reprendre ainsi l'Alsace- Lorraine usurpé.
C'est dans cette logique que certains firent une lecture particulière de l'encouragement allemand aux français d'aller à la conquête de la Tunisie. (Bismarck avait en effet tenu ces propos au comte de Saint-Vallier, envoyé par le Ministre des Affaires Etrangères Waddington pour sonder les allemands quant à l'affaire tunisienne: «eh bien, je crois que la poire tunisienne est mûre et qu'il est temps pour vous de la cueillir.») C'était pour eux une manœuvre douteuse destinée à isoler la France sur le plan européen en cherchant notamment à troubler ses relations avec l'Italie qui jetait son dévolu sur la Tunisie. Certes, cette interprétation de l'encouragement allemand était une éventualité à ne pas exclure, mais il lui faudrait sans doute ajouter la volonté de compenser la France pour l'Alsace- Lorraine perdu. Quoiqu'il en soit, l'acquiescement allemand était acquis au Congrès de Berlin (du 13 juin au 13 juillet 1878) qui vit le sort de la Régence de Tunis définitivement scellé..
Reste à admettre que la dimension raciale demeurait tout de même, dans les coulisses et les tréfonds des esprits, une composante guidant les pas occidentaux vers ces terres de Tunis. Et pas seulement dans la bouche de Jules Ferry. Le ministre des affaires étrangères britannique Salisbury ne dit-il pas à son homologue français Waddington au lendemain du Congrès de Berlin: «Prenez Tunis si vous voulez, l'Angleterre ne s'y opposera pas et respectera vos décisions. D'ailleurs vous ne pouvez pas laisser Carthage aux mains des barbares.»


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