Au moment où une expédition française se préparait pour l'occupation de la Tunisie, il y avait un groupe de financiers étrangers qui faisaient des prospections en vue de faire d'importants investissements dans le pays. Citons à titre indicatif Erlanger, Ferry Bouvier et Levy Crémieu, qui étaient d'importants hommes d'affaires à Paris. Ils étaient de ce fait très influents dans le monde politique. "Au lendemain du protectorat, écrit Jean Ganiage, Ch. Ferry était fortement engagé dans les affaires de la Régence". Et d'écrire plus loin : "Il y avait trop de contacts, les intérêts en jeu trop évidents pour que des spéculateurs du groupe tunisien qui avaient tant d'amis au Parlement ne soient pas intervenus au moment opportun pour peser sur une décision encore en suspens". Gambetta, alors président de la chambre des députés et en même temps celui du parti républicain fut incité à intervenir immédiatement, et il engagea J. Ferry à occuper la Régence sans attendre et sans même en référer, d'une manière ouverte, à la chambre, celui-ci l'avisant d'une opération de simple police. Cependant que d'autres, observateurs et historiens de l'époque, pensaient que les financiers n'ont pas été si influents dans l'occupation de la Tunisie. Ainsi M. Brunchwig, dans son ouvrage "mythes et réalités de l'impérialisme" écrivait à ce propos. "On ne décèle pas dans ces imbroglios de pression de la part des spéculateurs sur les hommes politiques". Un député A Chirac écrivait dans ses mémoires intitulées "Les pots-de-vin parlementaires" : "Il faut empêcher que le public soit la dupe du procédé juridique consistant à réclamer des faits précis. Ai-je besoin d'avoir vu un financier tendant un sac d'écus à un député pour être certain qu'il a sac reçu et pot-de-vin bu ? Qu'importe même l'intervention de la monnaie ? Recevoir l'or qui procure la chose, ou la chose que procurerait l'or, n'est-ce point agir de même ?". En tout état de cause si l'affairisme n'a pas été la cause directe de la colonisation il l'avait largement influencé, et il est certain que sous prétexte d'une action protectrice et civilatrice, la France cherchait à y faire fructifier ses capitaux, par de nouveaux investissements et l'exploitation des richesses du pays. D'ailleurs, cela se justifie tant pour la Tunisie que pour les autres colonies. A ce propos Farhat Abbès le militant algérien bien connu, et membre du parti du FLN écrivait dans son ouvrage : "La nuit coloniale" : "La France était menacée de famine. Le Dey d'Alger autorisa la convention à s'approvisionner en Algérie, pour échapper au blocus établi contre elle par l'Angleterre. Il fit mieux sous le Directoire, il offrit à la France un prêt sans intérêt d'un million - Or, pour effectuer des achats de blé dans le pays. En 1815 la guerre terminée la Restauration refusa de payer ses dettes". Dès février 1881, la France cherchait un prétexte pour occuper la Tunisie pour se justifier, tant auprès de l'opinion publique internationale que nationale. Celui-ci était trouvé, par le soulèvement des Ouleds Khmir et l'assaut fut donné par jules Ferry en avril 1881. Le consul de France Roustand, qui prépara le terrain et participa à toutes sortes de malversation avec Ben Smaïl et compagnie et engagea le Bey dans des dépenses faramineuses auxquelles il ne pouvait plus faire face, parlait de l'opportunité d'une guerre, qu'il voulait rapide, afin de décourager toute tentative de résistance, "la Tunisie étant devenue, depuis quelque temps un centre d'agitation, de fraudes et d'hostilité contre la France !" Après les choses se sont déroulées très vite et l'empire Ottoman, qui était décidé à agir afin de prêter main-forte à la Tunisie était découragé, après avoir appris qu'une convention avait été signée par le Bey, en l'occurrence le fameux traité du Bardo du mois de mai 1881. Cette action civilisatrice, dont se targuent certains historiens et hommes politiques français des plus connus, tels que Charles De Gaulle par exemple, n'avait de but en réalité que l'exploitation des richesses du pays. Elle n'avait apporté pour les autochtones que misère et humiliation durant de longues années. Toute l'infrastructure qui y avait été apportée, (routes, chemins de fer, équipement de travaux publics etc...) était dans le but de faire profiter les hommes d'affaires étrangers et faciliter l'implantation des Français. On faisait évidemment profiter une certaine minorité de Tunisiens, qui de ce fait soutenaient l'action coloniale et la qualifiaient de civilisatrice, tels que Mohamed Salah Mzali, qui fut premier ministre du Bey sous le protectorat, qui écrivait dans un ouvrage intitulé : l'évolution économique de la Tunisie. "Si les capitalistes musulmans savent se décider à faire confiance aux musulmans instruits (sic) les entreprises industrielle se multiplieront en Tunisie et pourront avoir une existence durable".