37 ans, et toujours la jeunesse... Jeunesse dans l'âme, la fébrilité de l'éternel recommencement à chaque jour, chaque heure, chaque minute, chaque seconde... Pourquoi, justement, parler jeunesse? C'est ce créneau qu'avait choisi le père spirituel de DAR ASSABAH, le plus grand communicateur qu'ait encore jamais connu la Tunisie, et l'un des plus grands du monde arabe et de la rive Sud de la Méditerranée : feu Habib Cheikhrouhou. Fin 74. Habib Cheikhrouhou, après avoir légitimé historiquement et professionnellement, la place de notre consœur « Assabah » sur les marchés tunisien et arabe, a mis « Le Temps » en gestation. Il mit le projet en perspective, mit en forme le concept tout en se préparant au bras de fer décisif. Car, à l'époque, l'establishment ne voulait pas de l'élargissement d'un groupe et du gigantisme de DAR ASSABAH. Pour convaincre Bourguiba, Habib Cheikhrouhou lui expliqua que « Le Temps » sera le journal des jeunes... Et la Tunisie tablait et table toujours sur les jeunes. Et c'est ainsi que la symbolique s'invitait, elle aussi, à l'accouchement : le 1er juin 75... Le 1er juin, date symbolique, le retour de Habib Bourguiba à la patrie sur le bateau qui accostait à La Goulette !
Ce n'était pas calculé. C'était émotionnel. Epique. Car, le fondateur du « Temps » était lui aussi un grand militant et avait croupi dans les geôles françaises. La présomption de Youssefisme avec laquelle ses détracteurs voulaient faire capoter le projet « Le Temps » et avaient même réussi, un certain moment, à provoquer la fermeture d'Assabah ?... Plus d'un demi-siècle après, l'Histoire du patriotisme tunisien ne fait pas dans la casuistique. Voilà, donc, « Le Temps », debout après avoir traversé, à l'instar du groupe auquel il appartient, des périodes de hautes turbulences et après avoir subi, lui aussi, les pesanteurs d'une presse muselée, contrôlée, asphyxiée. Mais même du temps de l'ancien régime et jusqu'à deux années avant la chute de Ben Ali, « Le Temps » gardait une latitude dans l'analyse, ce côté rebelle que cultivait feu Si Lahbib en les jeunes du journal, les orientant, par une authentique maïeutique sans qu'ils en aient l'impression. Les générations se sont succédé, mais « Le Temps » a su trouver sa voie : l'air du temps justement. Le miroir réfléchissant d'une société en perpétuelles mutations et qui vit, aujourd'hui, un tournant décisif dans l'Histoire contemporaine du pays. Le dessin que nous publions en première page est significatif quant à la diversité marquant l'équipe – assez jeune et renouvelée – du journal. Car « Le Temps » est en droit de se revendiquer d'une école pérenne. Parce que « Le Temps » a, aujourd'hui, le luxe de choisir ses lecteurs et d'être, enfin, totalement indépendant. Le Temps interpelle. Notre journal a l'art de cultiver une espèce de syndrome de l'accoutumance tant chez ceux qui y écrivent que chez ceux qui le lisent chaque jour. « Le Temps » nous colle à la peau. C'est la « maîtresse suprême » : Et hier, un lecteur apostrophait notre Directeur Général dans la rue, pour lui dire : « Monsieur, c'est un plaisir que de vous lire ».