Nos côtes massacrées s'adapteront-elles ? Le projet d'adaptation du littoral tunisien face aux changements climatiques demeure lié aux efforts fournis par l'Etat et par le civisme du citoyen. Durant la journée du mercredi, un colloque s'est tenu en la présence d'experts nationaux et étrangers pour débattre de la question épineuse qu'est la protection du littoral contre l'érosion marine et pour annoncer les premiers résultats du projet financé par le Japon et réalisé en collaboration entre les Nations Unies pour le développement et l'APAL. Le projet, dont le montant s'élève à 3 milliards de dinars, a commencé en 2010. Il est à présent dans sa phase finale. Organisé par l'APAL (Agence de Protection et d'Aménagement du Littoral) et en collaboration avec le PNUD (Projet des Nations Unies pour le Développement), le colloque a accueilli M. Daisuke Sata, 1er Secrétaire et chef de section Economique de l'ambassade japonaise et la Représentante Résidente Adjointe du PNUD.
Défis et conjonctures Durant la matinée, les intervenants ont énuméré les divers challenges qui se posent pour la conservation des côtes tunisiennes et leur préservation contre les changements climatiques, à l'instar de l'érosion marine. Le phénomène de l'érosion des plages est dû à plusieurs facteurs. Outre les perturbations climatiques, l'érosion marine, l'élévation du niveau de la mer et la pénurie de sable ont été provoquées par les constructions anarchiques au bord des plages (ports marins ou résidences pour habitat) sans de véritables études portant sur l'évolution géologique, barrages dans les cours d'eau et les oueds provoquant, ainsi, une forte pression anthropique Après une première étude, les experts annoncent que plus d'une centaine de kilomètres, sur les 1300 km du littoral, sont sujets à l'érosion marine et demanderaient en urgence, une protection impérieuse et spécifique. Un premier bilan annonce que 6 zones côtières sont en véritable danger. De ce fait, un projet lancé par l'Etat comprend ces 6 sites côtiers en péril. Voilà la liste, telle qu'elle est citée par l'APAL : Le littoral nord-est de Djerba qui s'étale sur 9 km. Projet : le recharger en sable pour le restaurer et créer des plages artificielles d'une largeur de 50m. Le littoral entre Gammarth et Carthage, 6,5 km de plage. Projet : enrochement, épis et rechargement artificiel des plages. Le littoral s'étendant sur 4 km, de Carthage à la Goulette. Projet : recharger la côte en sable et redimensionner ce qui était installé au préalable. Le littoral allant de Rades à Soliman sur 11,5 km. Projet : rechargement en sable et implantation de terre plein. Le littoral de Raf-Raf qui s'étend sur 3,5 km. Projet : création de plages suspendues par le biais de loges sous-marines rechargées de sable. Le littoral qui s'étend de Kantaoui à Oued el Hammam : Sousse Nord, 3 km. Projet : recharger la côte en sable et en brise-lames et création de plages artificielles.
Sensibilisation de tous les acteurs Par le biais d'une stratégie de communication, l'APAL et le PNUD ont lancé une campagne médiatique de sensibilisation. Des spots publicitaires et télévisés en 3D relatant l'état des lieux et le danger qui plane sur notre littoral à cause des changements climatiques et de l'inconscience de certains, vont être diffusés dans tous les médias. D'ailleurs, quelques uns de ces spots ont été projetés lors de cet atelier. Cette campagne appelle à l'importance de la prévention contre les aléas atmosphériques, notamment, grâce à un guide méthodologique pour la préservation et la réhabilitation de nos côtes. Responsable Communication du projet, Sihem Salim annonce lors de ce colloque, que ledit guide sera disponible pour tous les acteurs environnementaux publics et privés (municipalités, société civile écologique, établissements et ONG. Fervente militante pour l'environnement, elle a rajouté, que ce projet s'inscrit dans le cadre d'un plan national de grande envergure et sur lequel sont penchés le PNUD et l'APAL et qui implique l'effort de tout un chacun dans la lutte contre le réchauffement planétaire et les changements atmosphériques.
Plan d'action : retroussons nos manches ! Après la présentation des résultats de l'étude de la stratégie d'adaptation du littoral aux changements climatiques (effectuée par le bureau d'études CDCGE) et ceux de l'étude de la carte de vulnérabilité du littoral (faite par le bureau d'études IHE), il était question d'annoncer la stratégie de la réhabilitation du cordon dunaire à travers les techniques douces. En effet, les premières études ont montré que les dunes sont, pour le moment, le meilleur moyen pour préserver les plages contre l'érosion marine. D'ailleurs, on annonce durant le colloque, que pour suivre le changement climatique et son effet quotidien sur les côtes, les images satellitaires et une carte marqueront instantanément les changements. Le projet d'adaptation du littoral tunisien face aux changements climatiques demeure lié aux efforts fournis par l'Etat et par le civisme du citoyen. Une relecture des projets de construction en bord de mer et de station balnéaires devrait être effectuée. L'APAL et le PNUD appellent à prendre en considération la protection de l'écosystème côtier, l'évolution des plaques tectoniques, ses changements climatiques et ses spécificités sédimentaires avant de lancer des projets de construction de manière aléatoire. Assurer la pérennité des plages et conserver un littoral dont l'écosystème est stable sont les mots d'ordre de ce projet qui entame sa phase finale. Il n'en demeure pas moins que, depuis le 14 janvier 2011, les constructions anarchiques en bord de mer, dans des endroits placés zones protégées par l'UNESCO, ont envahi les lieux. Les briques rouges remplacent, désormais les ruines d'antan, souillent le paysage et désacralisent le passé des ancêtres. Nous citerons l'exemple de ces bungalows qui pullulent à Kélibia entre les abords du fort et la mer, ou encore ceux construits à la hâte à deux mètres de plages rocheuses de Kerkouene (entre Kélibia et Haouaria). Des constructions équipées en électricité... Le littoral de la banlieue sud est une autre paire de manche ! La pollution qui a envahi la mer de Rades jusqu'à Hammam-Lif, réduisant ces plages à des mers mortes et boueuses à cause des déchets déversés par les usines. En poussant plus loin, à Soliman, une catastrophe plane sur le littoral à cause de l'érosion marine et de constructions inadéquates avec les caractéristiques de la côte. Dans peu de temps, avec l'élévation du niveau de l'eau, la mer envahirait les maisons et résidences à proximité et les plages de la banlieue sud deviendraient des dépotoirs.