Le Temps : Quels sont les objectifs du Forum Citoyen pour l'Environnement ? Mounir Mahjoub : Ce forum qui est placé sous le slogan de la Transition démocratique pour un environnement durable. C'est, en effet, une étape d'un processus qui a été lancé depuis plus d'une année par un groupe d'associations écologiques tunisiennes, en l'occurrence, le groupe Eco-Constitution et RANDET(le Réseau associatif pour la Nature et le Développement en Tunisie).
Quand avez-vous lancé ce processus ? Nous avons déclenché cette opération le lendemain des évènements qui ont suivi le 14 janvier. Nous ne pouvions plus nous taire face aux violations et aux exactions nombreuses dont a été l'objet notre environnement (lacs, parcs nationaux, milieu marin, de la forêt et du littoral. Ce qui nous a le plus interpellés c'est aussi l'arrêt des centres de transfert et d'élimination et de traitement des déchets à l'instar de celui de Jradou.
Pourriez-vous nous expliquer la raison qui a fait que le centre de transformation des déchets industrielsde Jradou (Zaghouan) soit paralysé ? Sachant qu'il représente le premier en son genre en Afrique. Ce site qui est unique en Tunisie et qui représente, sur le plan technique, une prouesse, est fermé depuis un an et demi. Un sit-in observé par les ouvriers du centre et les habitants de la région paralyse toute activité. Même le directeur en personne n'a plus le droit d'y accéder. L'une des raisons de la fermeture momentanée du site Jradou est que le personnel et les gens qui habitent à proximité se plaignent des répercussions chimiques et toxiques dangereuses et fatales sur leur santé et l'écosystème de Jradou. Ils prétendent que cette centrale produit des effets négatifs sur l'agriculture, l'élevage et l'eau.
Quel genre de risque écologique représente la fermeture du centre de Jradou et quels sont les impacts écologiques sur l'écosystème ? Ce site qui a couté dans les 30 millions de dinars au contribuable tunisien et qui a été financé par l'Allemagne, était le seul centre d'élimination et de stockage et d'élimination des déchets dangereux. Il y a de grands risques majeurs. D'abord, la grande quantité des déchets toxiques qui est à l'intérieur du centre et les équipements nécessitent un entretien et une maintenance sont laissés à leur sort. De ce fait, on ne sait plus quel genre d'incident ou de catastrophe chimique pourrait advenir du centre lui-même.
Qu'en est-il des entreprises industrielles qui sont en convention avec l'ANGED (Agence nationale de gestion des déchets) et qui avaient pour habitude de livrer leurs déchets à ce centre ? Où vont ces matières toxiques ? En effet, il s'agit là de la deuxième grande catastrophe écologique qui menace notre environnement. Depuis sa fermeture, à savoir février 2011, les entreprises industrielles qui ramenaient leurs déchets toxiques de tout le territoire tunisien n'ont plus de dépotoir. Les chefs de fabriques les plus consciencieux gardent depuis plus d'un an les déchets chez eux dans des enceintes, en attendant que le centre de Jradou rouvre. Or, il y a d'autres producteurs de déchets dangereux qui continuent à livrer leurs résidus toxiques à des transporteurs qui les déversent malheureusement un peu partout dans la nature. Les oueds, les fleuves et les forêts constituent pour eux l'endroit propice.
Où en êtes-vous avec le droit du citoyen à un environnement sain du point de vue législation? Nous sommes en train de nous focaliser sur trois objectifs primordiaux afin que tout citoyen ait son droit à un environnement sain et équilibré. Pour que cela soit effectif, il faudrait des textes de lois qui garantiraient le respect de la nature et le droit à un développement durable. D'abord, nous sommes en train de lutter pour légiférer le droit à un environnement saint équilibré et protégé. Ensuite, si jamais ce droit n'est pas respecté, tout citoyen a le droit d'aller en justice pour porter plainte. Aussi, tout un chacun a le droit d'accéder à l'information environnementale et de jouer le rôle de décideur avec les pouvoirs publics dans tout projet ou loi qui touchent à l'environnement rural ou naturel.
Avez-vous contacté l'ANC, la commission des droits et des libertés pour revendiquer la constitutionnalisation des droits environnementaux ? Comme je l'ai précédemment annoncé, nous travaillons sur trois points. Jusque-là, nous avons gagné une première bataille, à savoir garantir dans le préambule de la Constitution, un texte de loi stipulant l'importance d'un développement durable respectueux de l'environnement et des ressources naturelles afin de garantir un monde sain à la postérité. Maintenant que c'est fait, nous œuvrons à obtenir la constitutionnalisation, au niveau des droits et des libertés, du droit à un environnement sain. Le troisième objectif de ce forum est d'inciter à la création d'un conseil supérieur du développement durable comme institution constitutionnelle consultative dont le rôle est de guider les politiques publiques, sectorielles et régionales pour garantir le développement durable.