Les derniers actes de violence perpétrés notamment pas des Salafistes ont amené les autorités et notamment le ministère de la Justice à penser à une éventuelle application de la loi relative à la répression du terrorisme, à tous ceux qui ont été impliqués dans ces actes et qui sont actuellement détenus et en attente d'être jugés. Le chargé de mission au cabinet du ministère de la Justice a déclaré de manière explicite que les actes de violence commis dernièrement à travers plusieurs régions de la République seront jugés selon la loi anti-terroriste. Ajoutant toutefois que le dernier mot revient au procureur qui a l'opportunité des poursuites et au juge d'instruction qui intervient dans l'intérêt de la Justice et de la vérité et instruit à charge et à décharge de l'inculpé. Le chargé de mission précité a également affirmé que les droits de la défense seront tout à fait garantis. Teneur de la loi et intention du législateur Promulguée en décembre 2003, cette loi est intervenue dans des circonstances bien déterminées et une conjoncture tout à fait particulière.
N'oublions pas qu'à l'époque Ben Ali était doublement préoccupé par le problème du terrorisme. Sur le plan interne, il voulait réprimer tous ceux qui osaient s'opposer à sa politique et à sa personne. Il trouvait donc en cette matière le meilleur moyen pour exercer davantage sa dictature. Y compris que cela lui servait à avoir des garanties de la part de l'Occident. Surtout que les évènements du 11 septembre 2001, ont servi de prétexte à tous les régimes dictatoriaux qui cherchaient à se faire cautionner par les USA, eux-mêmes partie à ce jeu pervers.
L'intention du législateur était altérée par Ben Ali et ses hommes qui agissaient sous ses ordres et appliquaient à la lettre toutes ses directives.
Toutefois, dans l'article 1 de ladite loi il est stipulé :
«La présente loi garantit le droit de la société à vivre dans la sécurité et la paix loin de tout ce qui est de nature à porter atteinte à sa stabilité, à rejeter toutes formes de déviance, violence, fanatisme, ségrégation raciale et terrorisme qui menacent la paix et la stabilité des sociétés. Elle contribue, en outre, au soutien de l'effort international de lutte contre toutes les formes de terrorisme...»
Dans cet article l'intention du législateur est de garantir la paix et la sécurité. Elle se préoccupe également de soutenir l'effort international dans sa lutte contre le terrorisme. Cette loi vise donc la délinquance de grande envergure tels les attentats à l'explosif ou tous les actes y afférents.
Les derniers évènements entrent-ils dans les cas visés par ladite loi ?
La réponse à cette question dépend de la nature de ces actes et la personnalité de leurs auteurs.
Jusqu'à présent on a beau parler de groupes terroristes , Salafistes, milices de parti, qui jadis ont fait leurs preuves dans le domaine. Mais jamais on n'a pu déterminer l'appartenance réelle de ceux qu'on arrête à l'issue de chaque trouble. Dieu sait s'il y en a eu, depuis le 14 janvier. On trouve à chaque fois de tout : des anciens délinquants évadés ou fraîchement sortis de prison, des anciens du parti Ennahdha anciennement condamnés sous le régime révolu, mais jamais des personnes appartenant à une organisation terroriste déterminée.
D'où le risque que cette loi puisse s'étendre à tous. C'est une loi de police qui a servi sous Ben Ali à mater tous ceux qui ont dénoncé sa politique dictatoriale et contraire aux droits de l'Homme.
Les droits de la défense sont limités
Cela est d'autant plus vrai, que les droits de la défense ne sont pas encore en parfaite harmonie avec les droits de l'Homme en la matière.
En France, l'avocat peut assister son client dès sa mise en garde à vue. Ce qui n'est pas encore possible chez nous.
Or la période de garde à vue est cruciale pour celui qui est arrêté et qui désire faire valoir ses droits et prouver son innocence.
Jamais la défense n'a pu, durant l'ancien régime du moins, faire valoir des moyens fondés sur le défaut de procédure dans des affaires pénales.
Cela ne veut pas dire qu'il faut être clément envers ceux qui commettent des actes de violence graves. Loin s'en faut.
Il faut cependant faire la distinction, entre les actes de violence graves et les actes terroristes qui sont généralement d'une envergure particulière.
C'est au procureur qui a l'opportunité des poursuites, de discerner entre les actes terroristes et les actes de simple violence.
Les dispositions du code pénal en matière de violence, et de trouble à l'ordre public ne sont-ils pas applicables aux derniers cas de trouble ?
Et puis ne vaut-il pas mieux surveiller que punir ?
En tout état de cause, ce n'est pas au ministère de poursuivre sur la base de telle ou telle autre loi. Cela relève de la seule compétence du parquet.
En 1970 Mitterrand intervenant à l'Assemblée Nationale française, s'est prononcé contre la loi anti-casseur pour le risque qu'il y a de l'étendre à tous.
Nous pensons la même chose pour la loi anti-terroriste de 2003, modifiée d'ailleurs en 2009, dans un sens plus sévère, afin de l'étendre au maximum de personnes possibles, qu'on met dans un même sac : le terrorisme.
A juste titre, André Malraux déclare dans « la condition humaine » : « On fait de bons terroristes avec les fils des suppliciés... ! »