• Un test pour l'indépendance de la Justice, font remarquer les avocats de la défense C'est le premier procès après la Révolution, où un journaliste est inculpé à cause de la parution d'une photo dans son journal, jugée contraire aux bonnes mœurs. Le procureur de la République a lui-même déclenché l'action pénale en ordonnant l'arrestation illico du journaliste en question. La plainte par un avocat qui s'est constitué partie civile, a été jointe ultérieurement à la procédure. Ce qui a suscité le tollé tant de la part des journalistes que de la part des juristes, des associations des droits de l'Homme, des intellectuels et de toutes les composantes de la société civile. L'arrestation de Nasreddine Ben Saïda avait été maintenue par le juge d'instruction qui a refusé de lui accorder la liberté provisoire, en confirmant dans son ordonnance de clôture l'inculpation dudit directeur du journal Ettounissia sur la base de l'article 121 du code de la presse, faisant des faits incriminés un délit pénal, et quand bien même un nouveau décret-loi sur la liberté de la presse ait été promulgué. A noter que les deux journalistes qui ont été arrêtés avec le directeur du journal ont été relâchés avant la transmission du dossier au juge d'instruction. La chambre correctionnelle près le tribunal de première instance, sous la présidence de M. Faouzi Jbali a examiné hier cette affaire au cours de laquelle le journaliste paraissait physiquement affaibli, à cause de la grève de la faim qu'il avait observée, deux jours auparavant. Mais il avait le moral et répondait aux questions du président du tribunal avec tout le courage de quelqu'un qui est convaincu de sa bonne foi. Il y avait un service d'ordre assez musclé, qui pouvait se remarquer devant le Palais de Justice, où des militaires venus à titre de renforts, se tenaient à côté de leur véhicule placé devant la porte principale. A la salle d'audience, les entrées étaient filtrées par les agents de police qui n'y laissaient pénétrer que les avocats ou les journalistes, munis de leurs cartes professionnelles. A l'appel de l'affaire, l'inculpé s'est présenté à la barre, avec assurance. -« Aviez vous une quelconque intention malveillante, en laissant faire paraître la photo incriminée dans votre journal ? » lui a demandé le président du tribunal. -« Aucune intention malveillante, ni aucune mauvaise foi de ma part. C'est une information comme une autre, sans aucune arrière-pensée, a répondu Nasreddine Ben Saïda.» -« C'est quoi exactement comme photo ? a encore demandé le président du tribunal. « -« Ce n'est sûrement pas une photo pornographique. » Le président du tribunal donna la parole à la défense, qui était partagée entre le fait de charger un avocat pour plaider au nom de tous les autres avocats constitués dans cette affaire, ou donner l'occasion au plus grand nombre d'avocats pour plaider. Finalement on a opté pour la deuxième solution. Me Abederraouf Ayadi a plaidé notamment le vice de procédure expliquant que son client a été inculpé sur la base d'un texte devenu caduc, en l'occurrence l'article 121 du code de la presse. Cet article a été intégré dans le code pénal, dans le chapitre du délit de trouble à l'ordre public. Or, par la promulgation du nouveau décret-loi sur la liberté de la presse, l'article 121 est tombé en désuétude. D'autant plus qu'il est précisé à l'article 13 dudit décret-loi, que tous les autres textes de loi sont annulés. Les autres avocats de la défense ont par ailleurs été unanimes à dire que dans cette affaire, » il y a eu manifestement des instructions de la part des autorités pour arrêter leur client. » «C'est un procès historique, où sera testée l'indépendance judiciaire en fonction de la décision à intervenir » a fait remarquer un autre avocat. Quant au substitut du procureur, il s'est contenté de requérir un jugement Conformément aux textes de l'inculpation. L'un des avocat de la défense a même créé un incident, en déplorant que dans d'autres cas où certaines personnes sèment le trouble à l'occasion des prêches ne sont jamais inquiétés. Bien plus, a-t-il ajouté, certains Salafistes se sont adonnés à des actes de violence, sans que le procureur n'ait éprouvé le besoin de les inculper pour trouble à l'ordre public. Ce qui a amené le président du tribunal à intervenir en le sommant de ne pas sortir du cadre de l'affaire. L'avocat en question s'arrêta net de plaider, en lui demandant d'acter l'incident. Mais le président sut rectifier le tir en enchaînant pour annoncer que l'affaire est mise en délibéré pour le 8 mars prochain, et que l'inculpé est mis en liberté. Décision qui a été suivie par des applaudissements dans la salle. Ahmed NEMLAGHI
Les députés du groupe parlementaire démocratique rejettent la poursuite en justice des journalistes Les députés du groupe parlementaire démocratique au sein de l'Assemblée nationale constituante ont exprimé leur profonde préoccupations face à la «récurrence des indices qui révèlent la prise pour cible de la liberté de la presse», dont notamment l'arrestation du directeur du journal «Ettounissia». Ils ont également réaffirmé leur rejet de l'adoption des lois privatives de liberté et des poursuites en justice des journalistes, contrairement aux objectifs de la révolution et des aspirations des Tunisiens à la libération de la presse. Les députés démocrates ont condamné fermement, dans un communiqué publié à l'issue de leur réunion mercredi, les récentes agressions qu'ils ont qualifié d' «organisées» et qui ont touché le siège central de l'UGTT et certains de ses sièges régionaux, appelant le gouvernement à assumer ses responsabilités dans la poursuite et la sanction des auteurs de ces actes, tout en faisant part de leur «solidarité totale» avec la centrale syndicale contre «quiconque s'avise à restreindre le droit syndical.» Ils dénoncent, d'autre part, l'arrestation de certains sit-inneurs parmi les demandeurs d'emploi, appelant à leur mise en liberté et à l'identification de solutions efficaces à leurs problèmes.
L'AMT appelle à la révision des dispositions du Code Pénal comprenant des sanctions privatives de liberté Le bureau exécutif de l'Association des magistrats tunisiens (AMT) a appelé à l'accélération de la révision des dispositions du Code Pénal comprenant des sanctions privatives de liberté et pouvant être infligées aux journalistes et aux communicateurs. L'AMT a indiqué, dans un communiqué rendu public hier, que les dispositions du Code sont «contradictoires» avec les dispositions du décret-loi n°115 de l'année 2011 relatif à la liberté de la presse, de l'imprimerie et de l'édition. Le Bureau rappelle la position de soutien de principe de l'Association à la liberté de la presse, d'expression et des libertés fondamentales, en tant qu'attribut essentiel du régime démocratique. Ce communiqué intervient en réaction à l'affaire du directeur du journal «Ettounissia», Nasreddine Ben Saïda.