La liberté de la presse ne peut s'exercer sans le droit du libre accès à l'information. Revendiqué au lendemain de la révolution de 1789 en France, il a été matérialisé par la loi française de 1794 sur le libre accès aux archives qui devient un droit donné, non seulement aux journalistes mais à tout citoyen dont cet accès est de nature à contribuer à la défense de ses droits ou à la préservation de ses intérêts. ce droit au libre accès à l'information a été mis en œuvre dans toutes les législations des pays européens depuis le 19 siècle,pour devenir de nos jours un droit reconnu par tous les pays démocratiques où sont préservés les droits de l'Homme.
La déclaration Universelle des Droits de l'Homme de l'ONU de 1948, garantit dans son article 19, à tout individu le droit de «chercher, recevoir et répandre les informations par quelque moyen que ce soit»
En Tunisie, durant l'ancien régime, ce droit n'était point garanti, et c'est le citoyen qui en patissait en ne sachant souvent pas faire la différence entre l'info et l'intox. C'était tout à fait dans la logique d'une absence de la liberté de la presse et de l'expression d'une manière générale.
Les organes de l'information, fussent-ils privés ou publics, étaient contrôlés par l'Etat, et ce par le biais du ministère de l'information, lequel est institué essentiellement pour exercer la censure et la pression sur tous les médias écrits et audiovisuels. L'accès à l'information était pour cette raison, une voie sans issue.
Le libre accès à l'information étant le corollaire de la liberté de la presse, il est nécessaire dans le cadre de la consolidation de la transition démocratique de le consacrer par une loi. Aussi dans le nouveau décret-loi sur la liberté de la presse, le droit des citoyens à accéder aux informations détenues par les organismes publics et privés est-il affirmé. De même qu'est promue la divulgation d'informations clés par le gouvernement. Cela est de nature à renforcer la transparence des activités publiques et de la responsabilité du gouvernement vis-à-vis des citoyens.
La mise en œuvre de ces principes énoncés par le nouveau décret-loi, exigera selon certains observateurs un nouveau mode de fonctionnement.
Le libre accès à l'information ne peut que renforcer la confiance entre les gouvernants et les citoyens. Aussi doit-il être consacré en tant que principe démocratique, par la nouvelle Constitution.
Les intervenants au cours de ce deuxième atelier du colloque organisé par Lam Echaml, ont tous été unanimes pour affirmer que si la voie pour accéder à l'information est ouverte, il y a encore du chemin à faire.
-Abassi Moufida, journaliste à la chaîne nationale, a déclaré qu'avant la Révolution il y avait beaucoup de contraintes et de difficultés pour accéder à l'information. Cela était dû à plusieurs facteurs dont la mainmise du pouvoir sur tout le domaine de l'information. Celle-ci était filtrée par la censure et ceux qui essayaient de passer outre ont eu de sérieux problèmes. Partant d'une expérience personnelle elle a fait part des déboires qu'elle a pu rencontrer au cours des préparatifs de son émission télévisée « Al Mindhar » où elle ne pouvait pas accéder aux informations qu'elle désirait. Bien plus, elle était dirigée dans le sens que voulaient certains responsables à l'occasion de reportages ou d'enquêtes. A titre d'exemple, lors d'un reportage sur les prisons elle a été dirigée par l'ancien ministre de Ben Ali, et n'avait aucune liberté d'accéder aux informations qu'elle voulait. De sorte son reportage a été tronqué, ayant été empêchée de jeter la lumière sur certaines réalités.
- Thameur Mekki évoquant la libre circulation se rattachant aux blogueurs a insisté sur le fait que l'accès à l'information est l'affaire de tous. C'est une question citoyenne. Il a fait remarquer que le libre accès à l'information évite de prêter le flanc aux professionnels de l'intox. Or avec les derniers évènements survenus suite à l'exposition des œuvres d'art au palais Al Abdellia, certains ont donné du crédit à ceux qui ont condamné les photos sans s'assurer au préalable de la véracité de l'information à ce sujet. Ce qui a semé le trouble, à cause d'un black out sur l'information, la vraie, avec la complicité de certains membres du gouvernement a-t-il souligné. En fait il n'y a pas pour le moment une volonté de réformer les médias dans ce sens.
Nous sommes tous mal informés et le seul moyen d'éviter cette tare, est de permettre le libre accès à l'information, a-t-il enfin souligné.
Le droit à l'information doit donc être inscrit dans la nouvelle Constitution. L'accès est la conséquence de ce droit. En effet pour avoir une information crédible, il faut que l'accès y soit permis par tous les moyens. Limiter cet accès c'est limiter l'action du journaliste. Celui-ci ne peut agir dans la contrainte. Celle-ci ne peut en aucun cas contribuer à promouvoir son action qui consiste à contribuer à la recherche de la vérité.
Ahmed NEMLAGHI
* Demain le troisième atelier : Vocation et statut des médias publics