L'Association « Bizerte-cinéma » a organisé les 29, 30 juin et 1er Juillet la première édition des journées cinématographiques de Bizerte. Cette initiative fait suite à une idée de Jilani Saadi, membre fondateur de l'association et de Rifaat Kristou, activiste politique et associatif secondé par un groupe de jeunes volontaires de Bizerte, dynamiques et dévoués. A l'origine de cette manifestation, le constat de l'indigence de l'offre culturelle d'une ville comme assoupie où la gangrène salafiste est en train de faire son lit. Bizerte, hier cosmopolite ouverte et dynamique s'est ramollie petit à petit dans l'indifférence généralisée des siens.
L'après 14 Janvier s'est traduit par une offensive des hommes en noir minoritaires mais très actifs. Le réveil de la société civile ne s'est pas fait attendre avec la création de nombreuses associations opérant notamment mais pas exclusivement dans le champ culturel.
L'engagement de cette poignée de militants mérite le respect, même s'il faudra du temps, beaucoup de temps pour réconcilier les bizertins avec la culture. Les journées cinématographiques de Bizerte se sont fixé dès les réunions préparatoires un double objectif : Montrer et engager le débat autour de films réalisés par des jeunes cinéastes tunisiens ayant attiré l'attention de nombreux programmateurs de festivals un peu partout dans le monde et surtout interroger les nouvelles manières de produire et de filmer promues par cette nouvelle vague du cinéma tunisien à travers les échanges intenses entre réalisateurs, techniciens du cinéma, universitaires et critiques qui ont occupé l'essentiel des trois jours du festival.
Trois longs-métrages documentaires et quatre courts-métrages ont été présentés lors de ces journées, « Fellagas 2011 » de Rafik Omrani, « We are here » de Abdallah Yahia, « Révolution moins cinq minutes » de Ridha Tlili et quatre petits films réalisés lors de la première édition du festival de Rgueb en 2011. Les projections se sont déroulées dans le Fort espagnol endroit magique malheureusement délaissé jouxtant le théâtre de plein-air de Bizerte qui surplombe la ville. Suivis par un public nombreux, les films programmés ont donné lieu à des débats riches et constructifs qui ont surpris jusqu'aux organisateurs qui ne s'attendaient pas à un tel succès pour leur manifestation.
Quatre sessions d'échanges informels entre gens du métier ont constitué une occasion probablement unique dans l'histoire des manifestations cinématographiques en Tunisie d'engager un débat approfondi sur l'acte de filmer, les questions d'éthique dans leur rapport au cinéma documentaire, les implications sur le métier de cinéaste des opportunités offertes par les nouvelles caméras. Sans ordre du jour et aux antipodes de la solennité des conférences, un débat a vu le jour entre de jeunes créateurs et des cinéastes plus aguerris, débats entrecoupés par des recadrages opérés par des critiques et universitaires venus pour une fois écouter et apprendre. Ces échanges ont été l'occasion de découvrir un pan de la richesse et de la diversité de cette jeune génération qui a su faire de l'absence de moyens la garante de son indépendance et qui a trouvé dans les nouvelles technologies l'opportunité de faire un cinéma sans concession qui ne tardera pas à servir de modèle aux nouveaux entrants dans la profession.
On ose espérer que ce caractère expérimental sera cultivé lors de la seconde session prévue pour 2013.