Ennahdha s'est sans doute quelque part abreuvée chez Trotsky : la révolution permanente.Et quoique Youssef Seddik (cf P4) soutienne que l'Islam est aussi Révolution y adjoignant un subtil conditionnel, les adeptes de ce mouvement, depuis Rached Ghannouchi jusqu'aux tout jeunes embrigadés, ont tendance à oublier qu'Ennahdha n'est pas le parti de la providence , que sa présomption paradoxalement guevariste d'une mainmise sur l'internationale islamique est disproportionnée avec ses moyens, fantasmée par ricochet au délire messianique habitant Rached Ghannouchi. Pour nous, professionnels que Lotfi Zitoun n'inscrit pas dans son échelle de valeurs de l'honorabilité immaculée (comme la sienne !), ce 9e congrès est l'événement majeur de la scène nationale.
En plus, avec Ennahdha, nous saurions où aller à condition de suivre ses pas. Un débat contradictoire n'est donc pas difficile à établir sur l'essence même de cette « prodigieuse » et néanmoins dangereuse connexion entre le politique et le religieux, le cultuel et le culturel, entre la volonté divine et la cupidité des hommes depuis la pomme d'Eve, entre la « Sunna et la Sira » du Prophète, et les orthodoxies outrancières des prédicateurs sans gloire auxquels Ennahdha ouvre des mosquées, alimentant leur venin rédempteur.
Plus que jamais, Ennahdha a besoin de faire son auto-critique. Et, surtout, d'expliquer par quel transfert psychanalytique ce congrès se transforme en festivités, exactement comme le faisait le RCD. C'est l'ivresse de la puissance. L'arrogance d'un type romain du style « vini, vidi, vici »... Ennahdha déploie ses fastes alors que le pays manque d'eau, d'électricité et s'arrange avec beaucoup de peine pour que la bombe du chômage n'éclate pas. Le danger est là. Et c'est aussi à partir de là qu'Ennahdha, engluée dans ses rhétoriques doctrinales, révèle toute son impuissance à être le véritable Etat/Parti dont il rêve, juste pour imiter ce leviathan que fut le RCD.