Le co-fondateur du mouvement islamiste Ennahdha, Abdelfattah Mourou , devrait regagner, le bercail , selon des sources proches du comité de préparation du 9ème congrès du parti, prévu du 12 au 15 juillet prochain. Choqué par son «exclusion» du nouveau Bureau politique d'Ennahda formé quelques semaines après la chute de Ben Ali, l'avocat et illustre prédicateur avait pris depuis ses distances avec son parti, allant jusqu'à participer aux élections de l'Assemblée constituante sur les listes d'une alliance centriste regroupant des indépendants, dont Slaheddine Jourchi et Radhouène Masmoudi.
Contrairement aux autres ténors de l'islamisme tunisien pur et dur qui déclarent à tout bout de champ qu'Ennahda n'est ouvert qu'à ceux qui s'en tiennent à un minimum de discipline religieuse, Abdelfattah Mourou tend la main même à ceux qui ne respectent pas à la lettre les préceptes religieux. Et il va même jusqu'à accepter le fait que sa fille non voilée passe en direct à l'écran!
Le leader islamiste épargné par la répression sanglante qui avait frappé les militants d'Ennahdha pour avoir dénoncé à temps l'attaque contre le siège du Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD) à Bab Souika en 1991, attribué par lé régime de Ben Ali à Ennahdha, ne rate par ailleurs aucune occasion pour se présenter comme un moderniste impénitent et ouvert au monde de l'art et de la culture. En mars 2011, il n'a pas hésité à chanter la neuvième symphonie de Beethoven sur Hannibal TV
Impeccables Djebbas en soie brodée, chéchias et chemises blanches immaculées, le prédicateur qui a commencé ses activités islamistes dans les années 1960, en prêchant dans les lycées et les mosquées, où il rencontra Rached Ghannouchi et se mit d'accord avec lui de fonder un mouvement islamiste en Tunisie, est d'une élégance on ne peut plus tunisienne. Cette élégance que certains qualifient même d'on ne peut plus tunisoise est accompagnée d'une rare éloquence, reposant sur un dosage subtil entre un ton sérieux qui rappelle la délicatesse du processus de transition politique et humour mordant.
Lors de toutes ses apparitions médiatiques, ce fils de marchand et lointain descendant d'émigrants andalous titulaire d'une licence en droit et d'un autre en sciences islamiques, a charmé, étonné et intrigué. L'homme s'est avéré un séducteur hors pair. Tout d'abord sur le plan vestimentaire. Même s'il ne fait pas le moine, l'habit fait l'imam. A cela s'ajoute une analyse perspicace et un courage qui font souvent défaut aux leaders qui se réclament de l'islamisme. Maniant aisément le verbe, le Cheikh affirme sans cesse vouloir« construire une Tunisie que le président déchu nous a laissée en lambeaux ». Pour ce faire, il se dit «prêt à collaborer avec l'ensemble des acteurs présents sur la scène qu'ils soient de gauche ou de droite », et convaincu qu' « on ne peut avancer, construire et transformer le pays qu'en laissant de côté nos divergences et querelles».
Abdelfattah Mourou pourrait, selon certains observateurs de la vie politique tunisienne, permettre à Ennahdha d'attirer plus d'électeurs centristes. D'autres vont même jusqu'à penser qu'il pourrait être le candidat du parti islamiste aux prochaines élections présidentielles.