Le Festival d'Avignon a vécu une première mondiale. Puz/zle est une pièce forte, avec des danseurs-acrobates pleins d'énergie et de souplesse, portée par la chanteuse libanaise Fadia Tomb El-Hage, bercée par le groupe polyphonique corse A Fileta et rythmée par les grands tambours du percussionniste japonais Kazunari Abe. Une distribution très composite pour une œuvre complexe, présentée par le chorégraphe belge et marocain Sidi Larbi Cherkaoui. Comment trouver sa place dans le monde ? Pour donner un début de réponse à cette question aussi concrète que spirituelle et abstraite, le chorégraphe Sidi Larbi Cherkaoui a creusé beaucoup. Il est allé jusqu'à nos origines, jusqu'au niveau de l'ADN et des chromosomes, porteurs de l'information génétique Sur scène, un monumental bloc de pierre de taille trône au milieu de la Carrière de Boulbon. Un décor spectaculaire qui donne, d'une manière très (trop ?) plastique, corps à cette quête éternelle de l'endroit idéal pour suivre son destin. Où faut-il commencer, vivre, terminer sa vie ? Où survivre aux luttes incessantes ? Où suivre ses envies ? Un danseur arrive sur le plateau, puis un deuxième, un troisième... jusqu'à neuf. Commence alors une course effrénée comme chez les lemmings. Ils cherchent tous l'entrée de ce labyrinthe nommé vie qu'on vient de voir, projetée sur ce bloc sous forme de salles de musée vides, perpétuellement en fuite. Bloqués par la pierre, ils commencent à grimper, font basculer un mur après un autre, avant de chuter à leur tour.
Des pièces de puzzle
chorégraphiques Cherkaoui traduit et visualise cet éternel recommencement avec des pièces de puzzle chorégraphiques qui s'emboîtent les unes dans les autres : des solos, duos et trios pleins d'aplomb, de force et de finesse qui finissent par remodeler le bloc de pierre à l'infini. Les danseurs, habillés en noir, incarnent ces éléments qui tracent leur chemin, se touchent, s'enchaînent, s'attirent, se repoussent, se jettent dans le vide, se cherchent un bouc émissaire. Les mouvements respirent la beauté cruelle d'un vol de corbeau. Les têtes ondulent, alignées comme des chromosomes. Des corps souples jouent à la dure. Mais l'enjeu n'est pas la contemplation. Cherkaoui envoie ses danseurs dans l'arène. C'est la guerre de Troie, la conquête de l'espace, Le radeau de la Méduse de Géricault, l'apprentissage de l'amour et de la haine, à l'échelle d'une scène en plein air. Le tout est merveilleusement accompagné par des chants polyphoniques. Ils célèbrent l'unité de la diversité, transpercés par les mélodies claires et tenaces de la chanteuse libanaise Fadia Tomb El-Hage. Pendant deux heures, le chant tient tête à ces corps qui se bousculent et se tordent, chutent et éclatent. A la fin, la chorégraphie souffre presque de ce côté trop acrobatique qui finit par écraser les émotions et les nuances. Heureusement, la musique prend le relais. Chacun a trouvé sa place. Puz/zle a réussi son pari. (RFI)