On parle de « Révolution » et on en est fier, ce qui est très gênant vu le bilan qu'on peut dresser aujourd'hui. Un pays comme la Tunisie, trois fois millénaire et berceau des civilisations, était en avance sur les autres pays arabes et le reste du monde en ce qui concerne les droits de la femme notamment. Nous voilà relégués au Moyen Age, où l'atteinte au Sacré est puni de 2 ans de prison ferme et où la femme devient le complément de l'homme.
L'illusion d'un avenir meilleur
La « Révolution » dite de la dignité s'est cristallisée autour des valeurs suivantes : liberté et travail. Y a-t-il plus de liberté ? Au vu du projet de loi portant incrimination de l'atteinte au sacré, il n'en est rien. Ce qui est plutôt surprenant pour une Tunisie qui veut avancer vers l'acquisition de nouveaux droits en matière de liberté d'expression. Et pourtant, nous avions espoir, l'espoir que nous aurions pu nous battre indéfiniment pour des causes justes, aujourd'hui la femme est réduite au rang de« complément » et ce sont des femmes qui portent cela à l'Assemblée Constituante. Cet avenir meilleur dont nous avions rêvé, s'est subtilement mais certainement obscurci. Aujourd'hui, les salafistes font naitre la peur dans les rues, les femmes ne se sentent plus en sécurité ni dehors, ni même chez elles. La crainte d'un islamisme rampant devient de plus en plus claire. Les organisations internationales avertissent presque quotidiennement le peuple à travers les médias, comme Amnesty International récemment, qui a alerté contre les risques de restrictions des droits de l'homme en Tunisie. Et pour cause, l'arrestation du journaliste Sofiène Chourabi pose la question de la restriction des droits de l'homme : son arrestation serait-elle en lien avec le fait qu'il ait appelé la veille à une manifestation ? En ce qui concerne le travail, là non plus, pas d'amélioration. Quand Ben Ali a quitté le pays il y a laissé 500 000 chômeurs.Aujourd'hui on a plus de 800 000 personnes livrées à elles mêmes dans une vie de plus en plus chère.
Et le gouvernement ?
Sous les commandes de ce gouvernement provisoire nous avons eu droit à : Des résultats économiques catastrophiques (le déficit commercial atteint 6,3 milliards de dinars), un tourisme sinistré, une flambée des prix, en passant par des pénuries d'eau et d'électricité généralisées qui affaiblissent des régions déjà en grande difficulté. Nous avons été étonnés aussi par le grand retour de «milices» aujourd'hui sous l'étiquette salafiste qui appellent au meurtre et qui ne reconnaissent aucune loi si ce n'est les leurs. D'autres faits ont suscité notre indignation : Tout d'abord l'affaire Nessma où la victime est inculpée et les agresseurs presque « félicités ». Mais également, l'indemnisation des islamistes emprisonnés sous la « dictature » a réveillé la colère de la rue. Plus récemment cette fois, les limogeages en masse dans la fonction publique ne sont pas passés inaperçus. Nous avons également eu droit à l'affaire des facultés de la Manouba et de Sousse assiégés des mois durant sans que le gouvernement en place ne daigne réagir. Surpris aussi par la venue de prédicateurs étrangers extrémistes dont le premier prônait l'excision et l'autre voyait en la démocratie quelque chose de ‘'hram''. Enfin, on a eu droit dernièrement à la reconsidération des bureaux d'Ennahda au même titre que celui attribué aux mosquées, dixit le ministre des Affaires religieuses. Tout cela, pendant que certaines de nos mosquées sont utilisées à des fins politiciennes et que d'autres tombent sous la coupe des radicaux. L'insécurité criante et les interdictions de manifester, sont des symptômes qui ne trompent pas, à cela on peut aujourd'hui ajouter de nombreuses révoltes (Sidi Bouzid), et des grèves à répétition à travers l'ensemble du pays.
Chronique d'une mort annoncée
La note de la Tunisie a été dégradée, le gouverneur de la Banque Centrale Tunisienne a été limogé, le ramadan aidant le tout, la diversion est assurée. En attendant, un Iftar est organisé pour 1300 personnes. C'est bien connu, l'on attend toujours l'été où les périodes de fêtes, pour faire passer des lois impopulaires, c'est ainsi que la femme se retrouve complément de l'homme et que le projet de loi relatif à l'indépendance de la justice est bloqué. La définition d'une dictature d'Assemblée s'établit par une concentration des trois pouvoirs entre les mêmes mains. Elle se justifie par les élections du 23 Octobre, transparentes et légitimes, la dictature du peuple donc. Bon courage pour la déloger.