C'est vrai que les droits de la femme sont garantis par la loi et par le code du statut personnel. C'et vrai que cet état de fait n'a pas changé depuis plus d'un demi-siècle de l'histoire du pays. Malgré toutes les injustices faites à l'encontre des femmes opposantes, malgré la dictature qui a sévi des décennies durant, les acquis de la Tunisienne sont restés depuis la naissance de l'Etat moderne irréversibles et en évolution. C'est vrai aussi que l'histoire de la Tunisie est riche de femmes méritantes et célèbres, les Bchira Mrad, Tawhida Bencheikh et autres... C'est vrai également que notre pays dispose de femmes ingénieurs, commandants de bord, médecins, magistrates, députées et ministres. C'est vrai enfin que la Tunisie est le pays arabe le plus avancé dans le domaine des droits de la femme ; qu'il a été autant en matière des droits, avec, par exemple, la première constitution ou encore le contrat de mariage dit kairouanais. La tendance actuelle consiste à convoquer le passé, le parcours de certaines femmes et les statistiques nationales pour dire que la Tunisienne est une femme capable, qui fait honneur à la nation. Nous avons même obtenu une médaille olympique grâce à elle. Dans les universités la proportion féminine dépasse celle masculine. Les femmes médecins sont plus nombreuses que les hommes, le secteur de l'enseignement est dominé par la gent féminine. En gros, elle mérite qu'on lui accorde ses droits, elle, qui a été à la hauteur de la confiance placée en elle. Droits de la femme, droits humains Tout cela est vrai. Mais ce n'est pas là l'unique raison pour préserver les acquis de la femme. Il ne s'agit pas de garder son avance par rapport à d'autres pays arriérés, où la femme est lapidée, tuée à bout portant, ou encore interpellée dans un centre commercial pour son vernis jugé trop voyant. Ce n'est pas un concours olympique où la Tunisienne s'évertue à garder la première position, quoique légitime. Mais à ce stade, nous ne sommes plus dans le relatif mais dans l'absolu. L'absolu ici, ce sont les droits humains. La femme, fut-elle arabe ou musulmane, est un être humain à part entière. Elle a les mêmes droits que les autres. Il ne faut pas défendre ses droits dans leur singularité, mais comme partie prenante des droits humains. La deuxième République qui se construit ne peut avoir pour fondement que les droits humains : libertés individuelles, liberté d'expression, liberté de création, droits des minorités, droits des femmes, Etat de droit... Ces catégories sont indissociables, soudées. Il serait aberrant d'inclure dans un projet de constitution la notion d'égalité citoyenne puis de la «diluer» en considérant que la femme est le complément de l'homme. Aujourd'hui, à tort ou à raison, de très nombreuses Tunisiennes se sentent menacées dans leurs droits. Elles ont peut être plus raison que tort, les signes avant-coureurs confirment la tendance restrictive, et des tentatives de porter atteinte aux acquis, malgré les messages voulus rassurants. Nous le disons bien haut : revenir sur ces droits, les droits des femmes, correspond à une atteinte aux droits humains, une trahison des aspirations nées de la révolution. Et pour tout dire, un coup fatal porté à la deuxième République qui ne peut être que la République de l'Etat de droit et des droits humains. La Tunisienne avec l'égalité, défend la parité. Après s'être avancée, elle n'acceptera pas de reculer.