Victoire capitale pour la Tunisie face au Kenya (3-1) en Coupe d'Afrique U20    Météo : pluies orageuses attendues sur plusieurs régions    Ligue 1 : Le CAB s'impose dans les dernières secondes contre le Club Africain (1-0)    Tunisie: Une délégation de l'ARP participe au 38e Congrès de l'Union parlementaire arabe    Tunisie – Affaire de torture à la prison de Bizerte : le ministère de la Justice met fin aux rumeurs    Amnesty International: La liberté de la presse au Bénin menacée, un appel à réformer le Code du numérique    Un bon procès n'est pas uniquement un verdict mais aussi et surtout des procédures et des réponses    Deux bateaux chavirent en Chine : environ 70 personnes à l'eau    Un nouveau séisme frappe la Turquie    Ariana : deux syndicalistes du secteur judiciaire traduits devant le conseil de discipline    Fake news, crise des médias… Zied Dabbar propose un fonds pour protéger l'information professionnelle en Tunisie    Recrutement des Tunisiens à l'étranger : une baisse inquiétante en 2025    Manifestation de soutien à Sherifa Riahi    Tunisie : 5 579 véhicules vendus sur le marché parallèle au premier trimestre 2025    Interconnexions électriques : les 10 projets géants qui transforment le réseau mondial !    Kasserine : Saisie de matériel de tricherie destiné aux examens à la frontière    Coupe de Tunisie de Handball : Où voir la demi-finale entre Club Africain et l'Espérance de Tunis ?    Voitures de location ou en leasing : 5 mai 2025 dernier délai pour la vignette    "Trump Tower" : Tout savoir sur le "plus grand projet" de Trump dans le monde arabe    La FAJ appelle à une utilisation responsable de l'IA pour protéger le journalisme en Afrique    Tunisie : Deux réseaux de trafic de drogue démantelés à Mhamdia et Boumhel    Coupure d'électricité aujourd'hui dans plusieurs régions en raison de travaux de maintenance    Travaux de raccordement du 6 au 8 mai: Coupure d'eau dans ces zones    Un missile tiré depuis le Yémen s'écrase près du principal aéroport d'Israël    L'Allemagne se prépare à durcir sa politique migratoire avec des expulsions accélérées et un contrôle renforcé des frontières    La Chine pose ses conditions avant tout accord commercial avec les Etats-Unis    Chine – Russie : Le président Xi Jinping attendu en Russie du 7 au 10 mai pour renforcer l'axe Pékin-Moscou    Démantèlement d'un réseau de trafic de drogue à Béja et Jendouba    France – Déserts médicaux et double discours : quand la politique réclame zéro immigration mais manque de bras    Les exportations turques atteignent un niveau record de 265 milliards de dollars    Tunisie : Décès du journaliste Boukhari Ben Saleh    Fin d'une ère : À 94 ans, Warren Buffett annonce son départ    «Mon Pays, la braise et la brûlure», de Tahar Bekri    France : un Prince qatari se baladait à Cannes avec une montre à 600 000 €, ça a failli mal tourner    Le chanteur libanais Rayan annonce sa guérison et rend hommage à la Tunisie    GAT VIE : une belle année 2024 marquée par de bonnes performances    Décès du producteur Walid Mostafa, époux de la chanteuse Carole Samaha    Le Canal de Panama: Champ de bataille de la rivalité sino-américaine    Tunisie : Découverte archéologique majeure à Sbiba (Photos)    Gymnastique rythmique : la Tunisie en lice au Championnat d'Afrique au Caire    Drame en Inde : une influenceuse de 24 ans se suicide après une perte de followers    Nouveau communiqué du comité de l'ESS    La Liga: Le Rwanda désormais un sponsor de l'Atlético de Madrid    Foire internationale du livre de Tunis 2025 : hommages, oeuvres et auteurs primés au Kram    L'Open de Monastir disparait du calendrier WTA 2025 : fin de l'aventure tunisienne ?    Ce 1er mai, accès gratuit aux monuments historiques    Par Jawhar Chatty : Salon du livre, le livre à l'honneur    Décès de la doyenne de l'humanité, la Brésilienne Inah Canabarro Lucas à 116 ans    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



De quelle démocratie nous parle-t-on ?
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 01 - 07 - 2012


Par Rabâa Ben Achour-AbdelkEfi
Le 23 janvier 2011, des manifestants, arrivés par vagues successives de Kasserine, Sidi Bouzid, Thala, Regueb, Ben Guerdane, Gabès et Gafsa, occupent la place du Gouvernement, à la Kasbah, et revendiquent la démission du gouvernement Ghannouchi, le démantèlement du RCD et une reforme constitutionnelle. Jusqu'à fin janvier, on ne vit sur la place ni drapeaux noirs, ni barbus menaçants, et pas plus de femmes en niqab. On n'y a invoqué ni Dieu ni ses prophètes. L'hymne national et le drapeau suffisaient alors à pérenniser l'unité et l'identité nationales. La Tunisie ne réclamait que son droit à la liberté, au travail et à la dignité et faisait preuve d'un esprit civique, jusque-là inconnu.
En février, les débats idéologiques la divisent : ses acquis, sa modernité et son empreinte bourguibienne sont contestés.
Mais dès le 30 janvier, l'arrivée tapageuse de Rached Ghannouchi, le fondateur du mouvement Ennahdha, de retour d'un exil long de vingt ans, annonçait la volonté du parti islamiste d'occuper le champ politique et d'instaurer dans le pays un nouvel ordre moral. Désormais, une machine infernale s'est mise en branle, dédaigneuse de l'histoire et la culture nationales, soucieuse uniquement d'enraciner – utilisant tantôt la ruse et le discours fluctuant des nahdhaouis, tantôt la force de persuasion des nouveaux prêcheurs dits « salafistes », tantôt la violence des jihadistes – un islam wahhabite conquérant.
La liberté d'expression et de création devient rapidement la cible de toutes les attaques et il ne se passe pas une semaine sans qu'un journaliste, un artiste, un enseignant, un intellectuel, un simple citoyen jugé impie ne soit pris à partie, injurié et molesté par des « barbus ».
En janvier 2011, on s'amusait en comparant l'avenue Bourguiba à Hyde Park : aux terrasses des cafés, des hommes et des femmes, des filles et des garçons y savouraient leurs rafraîchissements – et plus encore leur liberté. Des lecteurs solitaires parcouraient avec un plaisir manifeste des journaux interdits durant de longues années, de vieux camarades débattaient de la situation politique... Sur les trottoirs de l'Avenue, des jeunes rassemblés chantaient et jouaient de la guitare. Et de temps à autre, passait un groupe de manifestants.
Ce n'était qu'un mirage.
À peine quelques mois après la révolution, le discours idéologique opposant les modernistes et les islamistes a pris le pas sur tout autre débat.
Huit mois se sont écoulés. Mais le gouvernement vainqueur des élections patauge comme au premier jour, fait un pas et s'embourbe, incapable encore de reconnaître les siens. Ses amis d'hier, les extrémistes religieux, sont devenus, semble-t-il, ses ennemis d'aujourd'hui. Après avoir toléré les discours d'imams autoproclamés qui s'emparent des mosquées et lancent des appels au meurtre des journalistes, des artistes, plasticiens, cinéastes et comédiens, mais aussi des juifs, après avoir excusé tous les dérapages des groupes de jihadistes et /ou de délinquants qui font régner la terreur dans certains quartiers des villes et dans des villages, après les avoir exemptés de toute sanction, voilà que le gouvernement se détourne soudain de ses ouailles et se déclare garant des lois républicaines et de la démocratie. Tous les Tunisiennes et les Tunisiens ont applaudi ce rétablissement de l'ordre, mais ils demeurent inquiets et s'interrogent : qui sont donc ces terroristes ? Les réponses des autorités sont peu convaincantes : ce seraient pêle-mêle des délinquants, des suppôts du parti de Ben Ali, le RCD, des agitateurs de l'extrême gauche, des comploteurs en quête de pouvoir, voire de simples citoyens que des œuvres picturales décrétées blasphématoires auraient tellement choqués qu'ils ont incendié postes de police et tribunaux.
Le refus stratégique du gouvernement de dévoiler officiellement les noms des personnes et des groupes responsables de la violence qui sévit dans le pays, la bienveillance dont ils bénéficient encore auprès d'une justice sous les ordres, le droit que s'octroient les ministres de désigner, chacun selon son inspiration du moment, les fauteurs de troubles, avant même que le juge ne se soit prononcé, laissent les Tunisiens perplexes et en droit de se demander ce qu'entendent nos gouvernants par « démocratie ».
De quelle démocratie nous parlent-ils ? De celle qui criminalise les atteintes au sacré, qui restreint la liberté d'expression et de création, qui frappe journalistes et artistes et leur impute la responsabilité de toutes les dérives sécuritaires ? Est-ce cela la démocratie ?
La démocratie, qui se définit par la liberté et l'égalité des citoyens – de tous les citoyens – et par l'exercice de leur souveraineté politique sous l'égide de la loi, vise à briser la dictature d'un chef certes, mais aussi la tyrannie d'un groupe sur un autre. Elle ne peut donc être mise au service d'un parti, même s'il est majoritaire à l'Assemblée nationale constituante.
La démocratie, me semble-t-il, repose sur des principes universels dont la liberté d'expression constitue l'un des principes fondamentaux – qui ne sont modelables ni en fonction de la culture et de la religion d'un pays et ni en raison des besoins politiques. S'il est devenu, à l'évidence, nécessaire d'instaurer la démocratie en Tunisie, avec la puissance que la révolution impulse, il est impensable qu'à défaut d'en adopter les principes, on ne s'en approprie que le nom.
La majorité parlementaire, Ennahdha en l'occurrence, ne pourra jamais instaurer la démocratie si elle module les lois pour les adapter à sa conception théocratique du pouvoir. Incriminer l'atteinte au sacré ? Et pourquoi ? L'autocensure des Tunisiens ne suffit-elle pas ?
Criminaliser les atteintes au sacré, dans un pays où nul – pas plus sous le protectorat français que depuis l'indépendance – n'a jamais eu l'audace ou même l'idée de déclarer son incroyance, relève du calcul politique et traduit la volonté de nos gouvernants : limiter les libertés, en leur opposant le principe du sacré. Que sont ces atteintes ? Qui en fixera le cadre et les limites ?
Que nos élus laissent donc aux philosophes le soin de définir le sacré et qu'ils renoncent à se battre, comme Don Quichotte, contre des moulins à vent car, dans les campagnes, dans les villages et dans les villes toujours aussi intransigeantes, la révolution lance encore les mêmes appels et attend toujours le travail sans lequel la dignité et la liberté ne sont que de vains mots.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.