C'est inscrit en grandes lettres dans la métahistoire des révolutions : celles-ci sont accoucheuses de violence et la violence appelle irréversiblement la violence. Sommes-nous, néanmoins, obligés de nous en accommoder, de nous y résigner ? Pourquoi devrions-nous toujours nous référer – comme dans un roman des origines – au revers sanguinaire de la Révolution française et oublions-nous les exemples tchèque et, surtout, polonais ?
Il est faux de dire que la composante religieuse, outrancièrement instrumentalisée par les salafistes, exige, pour l'accomplissement d'un ordre nouveau, que le « djihadisme » ressemble ou s'identifie à l'un de ses ennemis, à savoir « la révolution permanente » dans le sens trotskiste du terme. Pas plus que l'extrémisme de gauche (Cf., article en page 2), le radicalisme religieux ne saurait proposer un modèle de société. Et il tient essentiellement à Ennahdha, parti qui se veut modéré, tolérant et qui se veut aussi un nouveau mode de gouvernance, eh bien, il revient précisément à la première force du pays de juguler le radicalisme à ses racines et de veiller à ce que ces prétendus salafistes ne fassent pas le coup du cheval de Troie.
Force est, cependant, de constater que, quelque part, la société tunisienne bascule dans la violence du fait que les petites et grandes délinquances créent des foyers de tension et s'accrochent à de vieux mécanismes mafieux – ayant, d'ailleurs, toujours existé et même savamment entretenus du temps de l'ancien régime – et ce, depuis la vente illicite d'alcools et de drogues jusqu'au trafic des marchandises, d'armes et de la contrefaçon. Pour autant les espoirs qu'aura autorisés la Révolution sont quelque part trahis. Passage obligé, disent les théoriciens de la dialectique historique. Sauf que cette montée de la violence et de l'incivisme n'est pas imputable uniquement aux conflits politiques et à une gouvernance parfois chancelante. Si la société tunisienne a des mouvements comme ceux d'une plaque tectonique, c'est parce qu'elle n'a pas de repères, qu'elle est déculturée et qu'elle a toujours été sevrée de libertés, de démocratie et, donc, de citoyenneté, la vraie...