«Nous défendrons notre ligne éditoriale quitte à nous mettre en confrontation de sang et de larmes avec le gouvernement» «Nous voulons une presse libre et indépendante non partisane» «Non à la confiscation de notre liberté d'expression»
Les dés sont jetés : le gouvernement provisoire a tranché et il n'est pas question de faire machine arrière. Le message était clair Lotfi Zitoune le conseiller politique auprès du chef de gouvernement provisoire l'a annoncé avant-hier au journal de 20H sur la chaîne de la télévision nationale : la nomination d'un directeur général à la tête de Dar Assabah est irréversible. Le gouvernement provisoire qui trouve en cet acte comme faisant partie de ses prérogatives a provoqué un tollé dans la société civile, les observateurs et bien entendu les employés de Dar Assabah comme une nomination parachutée d'un gouvernement qui veut mettre le grappin sur les médias. Retour sur un acte de protestation bruyant qui a fait sortir de la violence du silence des voix d'hommes et de femmes épris de liberté.
12HOO à la Kasbah. Une foule compacte s'est rassemblée hier brandissant telle une oriflamme des slogans de contestation contre la nomination considérée «parachutée et inappropriée» du gouvernement qui n'a pas tenu ses promesses quant à la concertation préalable des organismes concernés. Le gouvernement a plutôt préféré mettre les gens du métier devant le fait accompli que ce soit pour la nomination de la responsable de l'Etablissement de la télévision tunisienne ou celui nommé à la tête de Dar Assabah «Nous défendrons notre ligne éditoriale quitte à nous mettre en confrontation de sang et de larmes avec le gouvernement» répètent sans lassitude des voix longtemps étouffées par le régime de Ben Ali et résolues aujourd'hui à continuer sur la même lancée pour en finir une bonne fois pour toutes avec les «esprits brimés et les libertés confisquées des temps qu'on croit, à tort, révolus».
Le soutien de la société civile et des confrères
De hautes personnalités de la société civile ainsi que des confrères se sont joints au rassemblement. On citera à titre indicatif, kamel Laabidi, l'ancien président de l'Instance pour la réforme de l'information et de la communication INRIC, Syhem Ben Sedrine, présidente du Centre national des libertés de Tunisie, la journaliste Om Zied, des représentants du syndicat national des journalistes tunisiens, de la fédération internationale de la défense des droits de l'Homme. On n'oubliera pas de noter la présence de députés de l'ANC dont Sémir Bettaieb et Abdellaziz el Gotti.
Certains ont considéré « cette tentative de mainmise sur les médias comme les prémices de l'échec de la Révolution » « Il faut s'engager pour que les médias puissent faire leur métier en toute indépendance. Notre liberté en dépend. » font remarquer d'autres bien conscients que la bataille pour la liberté d'expression sous nos cieux n'est pas le seul apanage des journalistes. Il y va de la dignité des citoyens avides de libertés. « Les libertés s'arrachent. Elles ne sont jamais offertes sur un plateau. Encore faut-il préserver le peu de liberté qui nous reste. » disent-ils dans le même ordre d'idées
La main-mise sur les médias n'est-ce pas une étape dans l'instauration d'une dictature qui met sous sa coupe tous les rouages de l'économie et de la politique dans un pays ? Cela on le sait tous ou presque. Mais ce dont certaines âmes malintentionnés ne sont pas convaincues est que et comme le disent les grands de ce monde, « on a perdu une bataille ‘'dans la ruée vers la liberté d'expression'' mais pas encore la guerre ». C'est du moins l'avis des journalistes qui croient dur comme fer que si Ben Ali a dirigé d'une main de fer le pays c'est qu'il a commencé par museler les médias. Le gant de velours du gouvernement nahdhaoui ne fait pas changer grand-chose à la situation.