L'ouverture de la nouvelle saison culturelle au Théâtre Municipal a été marquée par la représentation pendant deux jours consécutifs (28 et 29 septembre) du one man show de Mohamed Ali Nahdi, une pièce écrite et mise en scène par Lamine Nahdi. Une œuvre théâtrale qui fait l'état des lieux de la vie sociale et politique et des problèmes réellement vécus au quotidien tunisien depuis la Révolution, à travers les personnages créés, dans un style satirique plein d'humour.
C'est la première fois que ce jeune artiste aux multiples talents, fils du grand comédien national Lamine Nahdi, se hasarde dans ce genre dramatique, qu'est le one man show, lequel genre s'est bien propagé sur la scène théâtrale ces dernières décennies où certains ont réussi et d'autres ont échoué. Mais il faut dire que « Zmegri » est un one man show qui semble se démarquer des précédents déjà joués par nos comédiens, pour deux raisons : d'abord, dans la mesure où il est mis en scène par l'une des figures emblématiques de la comédie tunisienne, Lamine Nahdi, dont les pièces de ce genre ont fait un tabac et ont tenu l'affiche durant plusieurs années de suite, telles « Fi hek Essardouk inraychou » et « Mekki w Zakia » ; ensuite, cette pièce se distingue par le choix du thème qui touche profondément à l'actualité de la société tunisienne de l'après-Révolution.
Il s'agit d'un jeune tunisien, artiste de son état, qui a passé de longues années en France pour exercer sa vocation, fuyant la censure et les persécutions de l'ancien régime. Il décide alors de rentrer en Tunisie juste après le 14 janvier, date de la Révolution, espérant que la Tunisie sera devenue un pays de démocratie, de liberté d'expression, de liberté, de justice et d'égalité. De retour au pays natal, l'artiste est choqué par la situation, confronté à la dure réalité ! C'est ainsi qu'il découvre que les trottoirs de la capitale sont squattés par des vendeurs à la sauvette, que les constructions anarchiques poussent comme des champignons sur la voix publique, que les rues sont jonchées d'ordures, que partout s'organisent des marches, des sit-in et des grèves et que des partis politiques se querellent... C'est dans ces circonstances qu'il débarque en Tunisie dont le comédien nous livre ses impressions, non sans humour !
Ces phénomènes sociaux, apparus notamment après la Révolution, sont alors bien traités et les portraits sont soigneusement brossés par le comédien à travers une multitude de personnages qu'il a réussi à incarner en insistant sur les transformations et les métamorphoses que ces gens ont subi avec la Révolution : on trouve alors le bandit issu des quartiers populaires, le chômeur, le riche bourgeois, le pauvre, la femme de société, l'artiste, l'homme de culture, le réfugié dans le sud du pays, les barbus... Il tourne ainsi en dérision tous ces types d'individus qui comprennent mal la notion de démocratie et de liberté et qui se comportent parfois à leur gré faisant fi des règles démocratiques comme si le changement n'avait pas eu lieu... Et dire que chacun de ces personnages incarnés par le comédien a été imité dans tous ses détails (gestes, paroles, caractères...), ce qui a créé des situations comiques
burlesques et fort amusantes, mais parfois émouvantes, tant elles dégagent plein de contradictions et d'absurdités dans la vie sociale et politique, notamment en cette phase transitoire. Reste à dire qu' à travers les performances de Mohamed Ali Nahdi sur scène, on ressent que ce jeune comédien tient beaucoup de choses de son père, ne serait-ce que dans les gestes, les grimaces et les pas de danse qu'il exécute. Mais là, ce n'est pas un défaut : ne dit-on pas que la pomme ne tombe jamais loin de l'arbre ? De toute façon, pour un début, les prestations du comédien étaient bien accueillies et applaudies par le public, mais il y a toujours lieu de se perfectionner lors des prochains spectacles !
On déplore, cependant, l'absence totale des responsables du Ministère de la Culture lors de cette représentation qui marque d'ailleurs un événement important : l'ouverture d'une nouvelle saison culturelle au Théâtre Municipal ! Aurait-on une certaine aversion envers les one man shows ?