Le sit-in décidé pour hier au palais de Justice par l'Association des Magistrats Tunisien a été largement suivi par les magistrats de l'ordre judiciaire et administratif. Les juges des différents tribunaux civils ainsi que ceux de la cour des comptes et du tribunal administratif, ont participé à cette manifestation dont le but était de dénoncer l'ascendant et la mainmise de l'exécutif sur la Justice.
Plusieurs associations au niveau national et international sont venues soutenir les magistrats, et encourager les sitinners et compatir à leurs inquiétudes quant aux différents problèmes que ces magistrats ont décidé de dénoncer, et à un ras-le bol devant une situation mal aisée qui ne fait que perdurer malgré les promesses de part et d'autre et les projets de réformes qui ne voient toujours pas le jour.
Les associations des droits de l'Homme telles que l'Ordre National des Avocats, l'Ordre National des Huissiers, ainsi que des associations de juristes des pays frères dont la Libye, et le Maroc, ainsi que l'Association des Tunisiens en Suisse, étaient également parmi ceux qui sont venus soutenir les manifestants.
Les points soulevés par les magistrats tournaient autour de l'indépendance de la Magistrature.
Conseil supérieur de la magistrature : Réminiscence des pratiques de l'ancien régime
Jadis le fameux conseil était le seul organe qui décidait du sort des magistrats, tant en ce qui concerne leur nomination que leur sanction ou tout ce qui a trait à leur carrière d'une façon générale. Les membres de ce conseil n'était pas élus,, mais nommés directement sur les directives du chef suprême de l'exécutif.
La promotion des magistrats était tributaire en quelque sorte de leur degré d'allégeance au chef dudit conseil. Les magistrats étaient menacés par l'épée de Damoclès aux mains de l'exécutif, et ils étaient de ce fait obligés de se conformer aux strictes directives de ce dernier, au détriment d'une bonne application de la loi dans l'intérêt du justiciable.
Or c'est le retour au conseil supérieur de la magistrature, qui est dénoncé par l'AMT, qu'elle juge dépourvu de toute légitimité.
Le dernier mouvement des magistrats décidé au sein dudit conseil est de ce fait contesté, ses décisions n'étant pas tout à fait fiables, et pouvant être entachées de subjectivités, selon ce qu'affirme Kalthoum Kennou présidente de la dite Association.
Pour sa part Ahmed Rahmoumi, président de l'observatoire Tunisien pour l'indépendance de la Justice, estime que le dernier mouvement des juges pour l'année judiciaire 2012-2013, aurait dû être décidé après concertation avec des membres de la composante civile dont l'association et le syndicat des magistrats et ce dans l'intérêt de l'indépendance de la magistrature et la consolidation de la justice transitionnelle d'une manière générale.
Il a rappelé par la même occasion, que cette lenteur à créé une instance provisoire de la magistrature qui ne peut être qu'un obstacle à la consolidation de l'indépendance de la magistrature.
Réaction mitigée du ministère de tutelle
Le ministère de la Justice a fait part de son étonnement à l'égard de la réaction des magistrats, tel qu'il en ressort des déclarations données à certains médias de la place, la veille de ce sit-in, en faisant part de ses craintes quant à l'entrave de la bonne marche de la Justice au sein des tribunaux, ajoutant qu'il soupçonnait plutôt une campagne politique à travers ce mouvement de contestation.
Ces craintes s'avèrent être mal placées selon Kalthoum Kennou présidente de l'AMT qui a affirmé qu'il n'y a eu aucune entrave au déroulement des audiences qui se sont poursuivies malgré cette manifestation laquelle s'est déroulée dans les meilleures conditions et sans aucun trouble de l'ordre public.