Bien plus qu'un pavé, beaucoup plus qu'un buzz, l'enregistrement de Rached Ghannouchi sonne comme une déclaration de guerre. A ses yeux, rien n'est fiable dans ce pays et, certainement pas l'Armée qui a, pourtant, été vaillante lors des jours difficiles et qui a préservé l'intégrité territoriale du pays. Il juge, ainsi, que le corps des forces de l'Ordre n'est pas garanti de ce côté-là, non plus. C'est, donc, clair : Rached Ghannouchi entend installer une dictature religieuse et ses visions, du moins, ce qu'il réserve à ce pays, est bien plus près du régime des Ayatollah des années 80 que celui turc, dont on croyait, à tort, qu'il en était fasciné. Qu'elle soit à connotations policières, militaires ou religieuses, la dictature a, dans les trois cas, le même mode opératoire. Seules les tenues et les barbes changent. Cheikh Rached oublie trois éléments importants : C'est la police qui a lâché Ben Ali, le 14 janvier. C'est bien l'Administration, absolument neutre, qui a évité au pays de chavirer, contre-coup classique des révolutions. L'Armée, dont l'essence est originellement républicaine, n'a pas profité de plusieurs situations où il y avait bien vacance du pouvoir. En quoi, l'Armée et la Police ne sont-elles, donc, pas garanties ? Et qui plus est, le « guide suprême » d'Ennahdha fait des amalgames avec l'Algérie déplorant que la mouvance intégriste djihadiste y ait été jugulée. Et du coup, il lance son illumination : restez tranquilles, frères salafistes. Votre heure viendra, voulait-il leur faire comprendre. Ce serait là une condamnation de l'Histoire et un cinglant démenti au rêve émancipateur sous la bannière d'une République démocratique.