Le tout tourne autour de restrictions de la liberté d'expression La Révolution de la Liberté et de la Dignité n'a de raison d'être que par la nécessité d'asseoir un respect absolu des Droits humains. Le renversement de la dictature Benalienne, a suscité le plus naturellement du monde beaucoup d'espoirs. Avant les élections du 23 octobre, la Tunisie a adhéré à de nombreuses conventions internationales consolidant les droits humains. Qu'en est-il au juste une année après ces élections ? Sur ce plan le dernier rapport d'Amnesty international (AI) est loin d'être tendre. Ce rapport a été rédigé sur la base de données collectées depuis la Révolution et en particulier sur celles rassemblées lors d'une visite en Tunisie du 17 au 28 septembre 2012. Le ton est donné dès le départ puisque AI commence par affirmer que « les progrès réalisés en Tunisie en matière de droits humains après le renversement du président Ben Ali sont battus en brèche par l'équipe gouvernementale actuellement au pouvoir, qui suscite des doutes sur son engagement en faveur des réformes ». Dans sa synthèse intitulée One step forward steps back ?, Amnesty International jette un regard sur les défis de la Tunisie dans le chapitre des Droits de l'Homme. L'organisation rappelle que le gouvernement provisoire qui s'est substitué à la dictature, avait engagé des réformes en ratifiant des traités internationaux se rapportant aux droits humains. Les prisonniers politiques avaient été libérés. Toutefois, le Gouvernement issu des premières élections démocratiques et transparentes n'a pas suivi la même tendance d'ouverture à ces initiatives. « La Tunisie a été le berceau des événements qui ont secoué l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient en 2011, a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe d'Amnesty International pour cette région du monde. Des mesures ont été prises pour remédier aux violations commises par le passé pour aller de l'avant, mais elles ne vont pas assez loin et des signes préoccupants font craindre que ces réformes et d'autres qui devraient être engagées de toute urgence ne soient mises en danger ». Les observateurs de l'organisation déplorent le durcissement des restrictions de la liberté d'expression constatés ces derniers mois. Elles peuvent remettre en cause tout le processus démocratique. « Des journalistes, des artistes, des personnes critiques à l'égard du gouvernement, des écrivains et des blogueurs ont été pris pour cibles sous le prétexte de maintien de l'ordre public et moral ». Les blessés de la Révolution et les familles des martyrs attendent toujours que la vérité soit établie et que justice soit rendue. Le dossier des réparations est encore ouvert. Les attaques perpétrées par des personnes et des groupes considérés comme appartenant à la mouvance salafiste sont signalées. « Les autorités tunisiennes n'ont pas semblé désireuses ou capables de protéger la population contre les attaques de ces groupes ». La politique des deux poids deux mesures se concrétise par le fait que les autorités ont eu recours à une force injustifiée et excessive contre les personnes qui ont continué de manifester dans la rue dans différentes villes de Tunisie pour protester contre la lenteur des réformes. Amnesty International précise qu'elle a reçu des informations « faisant état d'actes de torture et d'autres formes de mauvais traitements, le plus souvent en provenance de manifestants qui ont affirmé avoir été frappés lors d'un rassemblement, d'une arrestation ou dans un centre de détention ». Par ailleurs, le gouvernement actuel a rejeté la recommandation du Conseil des droits de l'homme des Nations unies, d'abroger les dispositions du droit tunisien discriminatoires vis-à-vis des femmes, d'abolir la peine capitale... Dans l'avant projet de Constitution, en cours de débat actuellement, la suprématie des conventions internationales est mise à mal. Le respect des conventions internationales est conditionné au respect des dispositions de la loi tunisienne et non l'inverse. C'est une régression par rapport à la Constitution de 1959. Amnesty International prévient que « La Tunisie est à un tournant décisif. Les autorités doivent se saisir de cette occasion historique qui leur est donnée en remédiant aux atteintes aux droits fondamentaux commises par le passé et en intégrant dans la législation et dans la pratique les droits humains universels, pour que l'état de droit règne réellement dans la nouvelle Tunisie». Samir Dilou ministre des Droits de l'Homme et de la Justice Transitionnelle, reconnaît qu'en période de transition les violations des droits humains peuvent se produire. Il répète sur tous les plateaux où il est invité que le pouvoir ne couvre pas ces violations. Il faut dire que le respect des Droits de l'Homme suppose une indépendance totale de la Justice par rapport au pouvoir exécutif. Or ce secteur, tant que l'Instance provisoire de la magistrature, n'est pas créée demeurera toujours entre les mains du pouvoir exécutif.