• Sur initiative d'Amnesty International, on a dressé hier un tableau de l'état des lieux. A l'évidence, gouvernement et société civile n'ont pas la même vision des choses La commission des Droits de l'Homme de l'Organisation des Nations Unies va examiner la situation des Droits de l'Homme en mai et juin 2012. La société civile vigilante et soucieuse à tout ce qui touche de près ou de loin, l'intégrité physique ou morale de l'individu ne cesse de se concerter pour exprimer ses soucis. Plusieurs réunions ont été organisées. Dont la dernière a été tenue hier, sur initiative de la section tunisienne d'Amnesty International, en présence de plusieurs représentants de diverses associations s'intéressant aux Droits humains et de représentants du ministère de la Justice et de celui des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle. Abdelhamid Abdallah, du ministère des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle, rappelle que la consultation se déroule sans cesse entre son ministère et les différentes composantes de la société civile. Le rapport qui sera présenté en 2012 est le premier à l'être après la Révolution. Il fait suite au rapport de 2008. « Nous vivons une transition démocratique, où les Droits de l'Homme ont besoin d'une volonté concrète de consolidation aussi bien dans la pratique que dans le texte. Les Droits de l'Homme doivent se concevoir comme une culture et des pratiques palpables », dit-il en ajoutant que le rapport que présentera le Gouvernement tunisien parlera des acquis et des ambitions des Tunisiens. La Tunisie est déjà revenue sur beaucoup de réserves qu'elle avait à propos de certaines conventions internationales. Le pays traverse une étape où il est entrain de jeter les bases d'une justice transitionnelle où le ministère et la société civile travaillent de concert. Des consultations sont engagées pour élaborer une approche commune de la justice transitionnelle. Certains droits n'ont pas été mis suffisamment en exergue, tels les droits économiques et sociaux. Le conférencier propose d'œuvrer avec le gouvernement pour une vision globale des Droits de l'Homme. « Il n'y a pas de sécurité ou de développement sans respect des droits de l'homme ». Aider l'Etat en dévoilant les dépassements Les associations ont le devoir et le rôle d'aider l'Etat en dénonçant les dépassements et suggérant les réformes à introduire, comme celle du système pénitencier et de la justice. Il faudra réussir à entrevoir et fixer les défis et les obstacles qui entravent le cheminement vers le respect absolu des droits humains. Fayçal Ajina, du ministère de la Justice, précise que l'élaboration du rapport national global sur les Droits de l'Homme est une occasion pour faire un bilan général et objectif de leur respect en Tunisie, pour les développer davantage et les protéger. Il rappelle que depuis 2008, la Tunisie a ratifié plusieurs conventions internationales. Toutefois, des insuffisances restent criardes. Les dispositions de ces conventions ratifiées n'ont pas été incluses dans la législation nationale pour en faciliter l'application. Les quelques dispositions incluses l'ont été de façon restrictive. L'engagement dans u processus véritable de respect des Droits de l'Homme, nécessite l'application des textes de loi. Or sous l'ancien régime, les textes avec leurs insuffisances, n'étaient même pas appliqués. Après la Révolution, des évolutions positives ont été enregistrées en dépit des conditions difficiles. Une évolution palpable est constatée dans la liberté de la presse et d'appartenance à des partis et des associations sans avoir eu besoin de changer radicalement le cadre juridique. Des décrets ont consolidé cette démarche, surtout concernant le processus électoral. Des élections libres ont eu lieu sous la direction de l'Instance Supérieure Indépendante des Elections (ISIE). «Malgré les évolutions, la réforme est compliquée et il faudra avancer progressivement », dira le représentant du ministre de la Justice. Quels sont les horizons au niveau de son ministère ? La réalisation d'un programme de réforme de la Justice est la meilleure voie pour garantir les libertés. Des réformes ont été entamées dans trois domaines. Le dialogue a été engagé avec l'Association et le Syndicat des Magistrats pour la composition de l'Instance provisoire qui supervisera la Justice. Des réponses positives ont été données aux revendications incessantes des différents intervenants dans la Justice pour améliorer leur rendement. Des problèmes logistiques doivent être résolus. Dialogue sans tiraillements A moyen terme, la réflexion est engagée pour réviser certains statuts particuliers. Il en est ainsi, pour le personnel des services pénitenciers et les auxiliaires de justice. Une commission a été créée pour la révision du statut des juges afin de consolider leur indépendance. Les bases des diverses réformes structurelles de la justice sont jetées. Les pourparlers ont été lancés pour la composition des commissions chargées de ces réformes. La société civile y sera présente. Les résultats de leurs travaux seront exposés au public pour recueillir le maximum de points de vue. Zouheir Makhlouf, secrétaire général de la section tunisienne d'Amnesty international, rappellera qu'avant la Révolution son association ne pouvait traiter directement des dossiers de violation des Droits de l'Homme. Vu l'encerclement subi par la Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme, la section tunisienne d'Amnesty international servait de refuge pour les victimes des violations des droits humains. La pression sur l'ancien régime se faisait à l'étranger à partir des rapports des experts. Après la Révolution la section tunisienne d'Amnesty international a changé ses statuts, pour y inclure la possibilité de traiter des dossiers locaux. C'est la raison pour laquelle, des associations d'avant et d'après la Révolution ont été invitées pour établir l'état des lieux en matière de respect ou de violations des Droits de l'Homme. La section tunisienne tient à agir avec le pouvoir quelle que soit sa nature ou son idéologie, dans un esprit de dialogue, sans tiraillements qui peuvent diviser la société. Le secrétaire général a réitéré le vœu d'abolir la peine de mort. Akram Khlifa a exposé les côtés pratiques de l'examen périodique universel des Droits de l'Homme où la Tunisie présentera son rapport en mai 2012. Imed Zouaoui, rappelle que le dernier délai pour présenter un rapport écrit par la société civile est le 21 novembre 2011. Le rapport du Gouvernement doit être présenté au plus tard le 25 février dernier. Il fallait engager les consultations plus tôt. Il ne reste que les rapports oraux à préparer. Mokhtar Trifi, président d'honneur de la Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme, rappelle qu'en 2008, il était présent à Genève. « Cette manifestation onusienne est sans effet et très limitée. Elle n'avance à rien puisque la majorité des pays y participant ne respectent pas les droits de l'Homme », dit-il. Quel rapport a préparé le Gouvernement actuel ? On le saura à Genève.