Des risques énormes ; des moyens insuffisants ; des demandes qui montent crescendo La caisse de compensation et les dépenses de fonctionnement pèsent de plus en plus lourd
L'année budgétaire 2013 s'annonce difficile voire très très compliquée à aborder dans la mesure où les contraintes ne font pas défaut et ce qui agace encore et devient étonnant c'est que tout le monde : décideurs, économistes, citoyens, société civile..., sont conscients de l'ambigüité de la situation. Economistes, représentants de partis politiques et professionnels et membres de l'ANC ont convergeaient tous dans le même sens pour dire hier à la conférence-débat organisé par le forum Nou-R à l'IACE, l'inefficience du budget de l'Etat 2012, un budget qui n'a pas jusque-là atteint plus de 33,5% des objectifs prévus initialement. Un budget utopique qui n'a pas permis la réalisation des objectifs économiques et sociaux escomptés. Pour l'exercice 2013 et d'après les prévisions, il semble que la situation s'aggravera davantage. La problématique qui se pose aujourd'hui est la suivante : quelles sont les solutions à même de dépasser les incohérences de 2012 et élaborer un budget réel, opérationnel et surtout en harmonie avec les objectifs économiques et sociaux de la Tunisie post-révolutionnaire ?
Le projet du budget de l'Etat pour l'année 2013, table sur un portefeuille budgétaire global de 26,3 MDT contre un budget de 26 MDT en 2012. L'objectif étant de ramener le déficit budgétaire à 5,9% contre 6,6% actuellement. « On ne peut pas aller plus loin » Taoufik Rajhi, expert en développement économique (BAD) affirme qu'en terme réel, la croissance du budget sera nulle pour l'exercice 2013. Il s'agit de poursuivre la politique du « go and Stop » ou encore la politique de rationalité du budget. Autrement dit on maintiendra le même niveau de dépenses et le même niveau de ressources propres. « On n'a pas les moyens nécessaires pour pousser les dépenses budgétaires. On ne peut pas aller plus loin. Sinon on aura des répercussions négatives sur l'économie nationale », confirme M.Rajhi. Nonobstant les problèmes de financement du budget de l'Etat, les risques endogènes et exogènes sont énormes. L'environnement politique et économique du pays, le contexte international dont notamment la crise de l'euro et l'éventuelle aggravation du conflit irano-américain, les ressources flottants du budget (recettes de cessions des biens confisquées), la poursuite des tensions inflationnistes et l'enchérissement des prix internationaux du baril et des produits alimentaires. Autant de facteurs exécrables à entraver tout processus d'un véritable redressement. Il faut dire que le problème de base et chronique qui empeste largement le budget c'est incontestablement le poste : « Compensation » qui pèse lourdement sur le budget. Le fait est là absolu et commun à tous les participants et à tous les partis, de la droite à gauche : « On ne peut pas continuer avec ce même mécanisme pour la caisse de compensation ». Reste à s'ingénier à trouver le remède ?
Accroissement de la TVA ?
Pour comprimer le poids de la compensation l'on conseille à court terme les ajustements « non douloureuses» sur les prix des hydrocarbures et des produits alimentaires. Taoufik Rajhi a proposé à titre exemple la possibilité d'accroître la TVA (Taxe sur la valeur ajoutée). Une proposition qui a été contesté par un conseiller fiscal et membre du CPR, vu son incidence directe sur les prix et donc sur le pouvoir d'achat du consommateur. Le ciblage des bénéficiaires de la caisse fait partie des propositions pour éviter un tant soit peu que les démunis paieraient toujours pour les nantis. Toutefois, la charge des dépenses de compensation ne cesse de s'alourdir. La compensation au profit des consommateurs est située aux alentours de 75% des interventions de l'Etat. Du moment que l'Etat tunisien tient toujours le rôle de régulateur qui le projette toujours en Etat providence par excellence. Une position plein de risques et comme on ne peut pas scier une branche sur laquelle on est assis et là réside la menace sociale qui gronde. L'équation budgétaire qui se présente pour l'année 2013 est à priori irrésolvable. Les dépenses ou encore les besoins réels de l'économie nationale dépassent de loin les ressources et les aléas internes et externes sont multiples. D'abord, le budget de l'Etat ne prévoit pas d'augmentation dans les dépenses de développement. On prévoit une enveloppe de 5500 MDT pour 2013, contre 6200 MDT prévus dans le budget 2012. Inutile dans ce cas d'imaginer les réactions des régions défavorisées qui sont les premiers concernés par les dépenses de développement. La lassitude et le désagrément des zones de développement régionales atteignent déjà leur summum. Les réalisations de 2012 sont en deçà des objectifs budgétaires fixés. D'ailleurs, le conseiller économique du Président de la République affirme le manque de visibilité dans la répartition des dépenses de développement et surtout l'anarchie constatée dans l'affectation des dépenses. Le Conseiller économique auprès de la présidence de la République a amis l'accent par ailleurs sur le blocage administratif observé dans la réalisation des projets. Mise à part la baisse prévue des dépenses de développement, le budget 2013 table sur une augmentation de 7,3% des dépenses de fonctionnement. D'ailleurs, 19000 postes d'emplois dans la fonction publique sont prévus au titre de l'exercice 2013 dont 10000 nouveaux emplois et 9000 replacements des retraités. Paradoxalement l'on annonce que les recettes de l'Etat devront se stabiliser au cours de l'exercice 2013. Les recettes non fiscales vont diminuer au cours de l'exercice 2013-2014, puisqu'on table sur une baisse de 6% sur les recettes des privatisations. Systématiquement, le gouvernement penchera sur l'augmentation de 9% des recettes fiscales, qui ont toujours constitué le pilier facilement accessible et la ressource propre de l'Etat par excellence et ce en dépit de l'inégalité fiscale qui pèse toujours sur le contribuable réel et donc sur le citoyen tunisien. Le conseiller fiscal et membre du CPR s'est toutefois interrogé sur les moyens à même d'accroître les recettes fiscales au moment où l'économie nationale est chancelante et que l'appareil productif et les entreprises sont paralysés ? Et on revient toujours à un casse tête chinois, l'équation: Comment parviendra-t-on à financer les dépenses budgétaires et les besoins économiques et sociaux incessants en l'absence ou la précarité des ressources?
Boujemâa Remili, économiste et membre de Nidaâ Tounes a posé la question suivante : A quand un budget révolutionnaire et un budget transitionnel ? Il a insisté sur l'importance du consensus entre le législatif et l'exécutif, surtout que Lobna Jeribi, membre de l'ANC et rapporteur de la commission des finances à l'ANC a exprimé les difficultés rencontrées par la commission pour imposer leur volonté et leur vision du budget de l'Etat. Du côté des risques, il a avancé les risques que le budget d'investissement ne soit pas exécutable et le risque d'avoir un effet d'éviction ou dépossession des ressources bancaires et du financement privé au profit de l'Etat étant donné que le budget de l'Etat prévoit une augmentation de 45% de l'endettement intérieur. Ainsi l'année 2013 s'annonce houleuse, pleine de tourments budgétaire surtout en l'étroitesse de marge de manœuvres et de ressources nécessaires. Les participants à la conférence-débat ont mis l'accent sur l'importance de passer d'un budget utopique où les chiffres ne reflètent guère la réalité à un budget rationnel et réaliste. Yosr GUERFEL AKKARI Prévisions du budget 2013 ➢ Un budget de 26,3 MDT ; un déficit budgétaire de 5,5% du PIB ➢ Hausse de 7,3% des dépenses de fonctionnement (dont les rémunérations) ➢ Baisse de 6% des recettes de privatisation et des dons ➢ 5500 MDT : dépenses de développement contre approximativement 5400 MDT réalisés en 2012 ➢ Pas changement dans les dépenses de développement qui représentent 20% des dépenses
➢ Accroissement de 45% de l'endettement interne : Risques d'effet d'éviction en recapitalisant les banques et les caisses de compensation ➢ Accroissement de 9% des recettes fiscales ➢ 19000 emplois prévus dans la fonction publique dont 10000 créations réelles